Sapho
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Alphonse Daudet n'a pas seulement chant? la Provence perdue de son enfance. Dans Sapho, c'est un Paris bien incarn? qu'il met en sc?ne, celui de la boh?me artistique de son temps, se consumant dans l'ivresse de la f?te et des conqu?tes d'un soir. Jean, jeune proven?al fra?chement mont? ? Paris, s'?prend d'une tr?s belle femme – mod?le – connue sous le nom de Sapho. Sera-ce une de ces liaisons sans lendemain? Sapho n'est plus jeune et pressent qu'elle vit son dernier amour, mais, pour Jean, c'est le premier. D?calage du temps, d?saccord des ?mes… Trente ans avant le Ch?ri de Colette, Daudet a l'intuition magistrale de " ce genre d'amours auxquels le sentiment maternel ajoute une dimension d?licieuse et dangereuse "
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«J’aurais dû te dire cela plus tôt, mais je n’osais pas, te voyant si monté, si résolu. Ton exaltation me gagnait; puis la vanité de la femme, la fierté bien naturelle de t’avoir reconquis après la rupture. Seulement, tout au fond de moi, je sentais que ça n’y était plus, quelque chose de fini, de craqué. Comment veux-tu? après des secousses pareilles… Et ne te figure pas que ce soit à cause de ce malheureux Flamant. Pour lui comme pour toi et tous les autres, c’est fini, mon cœur est mort; mais il reste cet enfant dont je ne peux plus me passer et qui me ramène auprès du père, pauvre homme qui s’est perdu par amour et m’est revenu de Mazas aussi fervent et tendre qu’à notre première rencontre. Figure-toi que, lorsque nous nous sommes revus, il a passé toute la nuit à pleurer sur mon épaule; tu vois qu’il n’y avait guère de quoi te monter la tête…
«Je te l’ai dit, mon cher enfant, j’ai trop aimé, je suis rompue. À présent j’ai besoin qu’on m’aime à mon tour, qu’on me choie, et m’admire, et me berce. Celui-là sera à genoux, ne me verra jamais de rides ni de cheveux blancs; et s’il m’épouse, comme il en a l’intention, c’est moi qui lui ferai une grâce. Compare… Surtout pas de folies. Mes précautions sont prises pour que tu ne puisses me retrouver. Du petit café de la gare d’où je t’écris, je vois à travers les arbres la maison où nous avons eu de si bons et de si cruels moments, et l’écriteau qui se balance sur la porte, attendant de nouveaux hôtes… Te voilà libre, tu n’entendras plus jamais parler de moi… Adieu, un baiser, le dernier, dans le cou…, m’ami…»
(1884)