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Sapho

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Sapho
Название: Sapho
Автор: Daudet Alphonse
Дата добавления: 16 январь 2020
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Sapho читать книгу онлайн

Sapho - читать бесплатно онлайн , автор Daudet Alphonse

Alphonse Daudet n'a pas seulement chant? la Provence perdue de son enfance. Dans Sapho, c'est un Paris bien incarn? qu'il met en sc?ne, celui de la boh?me artistique de son temps, se consumant dans l'ivresse de la f?te et des conqu?tes d'un soir. Jean, jeune proven?al fra?chement mont? ? Paris, s'?prend d'une tr?s belle femme – mod?le – connue sous le nom de Sapho. Sera-ce une de ces liaisons sans lendemain? Sapho n'est plus jeune et pressent qu'elle vit son dernier amour, mais, pour Jean, c'est le premier. D?calage du temps, d?saccord des ?mes… Trente ans avant le Ch?ri de Colette, Daudet a l'intuition magistrale de " ce genre d'amours auxquels le sentiment maternel ajoute une dimension d?licieuse et dangereuse "

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Jean suivait sa route, esquissant déjà un adieu, mais l’autre lui retint la main dans ses longues mains dures de briseur de clavier et, sans le moindre embarras, comme un homme que son vice ne gêne plus:

– Rendez-moi donc un service… montez avec moi. Je devais dîner chez ma femme aujourd’hui, mais je ne peux vraiment pas laisser ma pauvre Rosa toute seule à son désespoir… Vous servirez de prétexte à ma sortie et m’éviterez une explication ennuyeuse.

Le cabinet du musicien, dans un superbe et froid appartement bourgeois du second étage, sentait l’abandon de la pièce où l’on ne travaille pas. Tout y était trop net, sans rien du désordre, de l’active petite fièvre qui gagne les objets et les meubles. Pas un livre, pas un feuillet sur la table qu’encombrait majestueusement un énorme encrier de bronze à sec et reluisant comme dans une devanture; ni la moindre partition au vieux piano à forme d’épinette dont s’étaient inspirées les premières œuvres. Et un buste en marbre blanc, le buste d’une jeune femme aux traits délicats, à l’expression de douceur, tout pâle dans le jour qui tombait, faisait plus froide encore la cheminée sans feu et drapée, semblait regarder tristement les murs chargés de couronnes dorées, enrubannées, de médailles, de cadres commémoratifs, toute une défroque glorieuse et vaniteuse généreusement laissée à la femme en compensation, et qu’elle entretenait comme les ornements de tombe de son bonheur.

À peine étaient-ils entrés, la porte du cabinet se rouvrit, et Mme de Potter parut:

– C’est toi, Gustave?

Elle le croyait seul, s’arrêta devant la figure inconnue, avec une visible inquiétude. Élégante et jolie, d’une recherche de mise intelligente, elle paraissait plus affinée que son buste, la douce physionomie changée en une résolution courageuse et nerveuse. Dans le monde, les avis se partageaient sur ce caractère de femme. Les uns la blâmaient de supporter le dédain affiché du mari, ce ménage en ville, connu, installé; d’autres admiraient au contraire sa résignation silencieuse. Et l’opinion générale la tenait pour une tranquille personne aimant son repos par-dessus tout, trouvant des compensations suffisantes à son veuvage dans les caresses d’un bel enfant et la joie de porter le nom d’un grand homme.

Mais pendant que le musicien présentait son compagnon et débitait n’importe quel mensonge pour se débarrasser du dîner de famille, au tressaillement de ce jeune visage féminin, à la fixité de ce regard qui ne voyait plus, n’écoutait plus, comme absorbé de souffrance, Jean pouvait se rendre compte que sous ces dehors mondains une grande douleur s’enterrait vivante. Elle parut accepter cette histoire qu’elle ne croyait pas, se contenta de dire doucement:

– Raymond va pleurer, je lui avais promis que nous dînerions près de son lit.

– Comment est-il? demanda de Potter, distrait, impatient.

– Mieux, mais il tousse toujours… Tu ne viens pas le voir?

Il bredouilla quelques mots dans sa moustache, en feignant de chercher autour de la pièce:

– Pas maintenant… très pressé… rendez-vous au club pour six heures…

Ce qu’il voulait éviter, c’était d’être seul avec elle.

«Adieu alors», fit la jeune femme subitement apaisée, les traits en place, refermée comme une eau pure que vient de troubler une pierre jusqu’au fond. Elle salua, disparut.

– Filons!…

Et de Potter délivré entraîna Gaussin qui regardait descendre devant lui, raide et correct dans son long pardessus serré de coupe anglaise, ce sinistre passionné, tellement ému quand il portait à empailler le caméléon de sa maîtresse, et s’en allant sans embrasser son enfant malade.

– Tout ça, mon cher, fit le musicien comme en réponse à la pensée de son ami, c’est la faute de ceux qui m’ont marié. Un vrai service qu’ils m’ont rendu là et à cette pauvre femme… Quelle folie de vouloir faire de moi un mari et un père!… J’étais l’amant de Rosa, je le suis resté, je le resterai jusqu’à ce que l’un de nous crève… Un vice qui vous a pris au bon moment, qui vous tient bien, est-ce qu’on s’en dégage jamais?… Et vous-même, êtes-vous sûr que si Fanny avait voulu?…

Il héla un fiacre vide qui passait, et en montant:

– à propos de Fanny, vous savez la nouvelle?… Flamant est gracié, sorti de Mazas… C’est la pétition de Déchelette… Pauvre Déchelette! il aura fait du bien même après sa mort.

Immobile, avec une envie folle de courir, de rattraper ces roues qui cahotaient à fond de train dans la rue sombre où le gaz s’allumait, Gaussin s’étonnait de se sentir si ému.

– Flamant gracié… sorti de Mazas…

Il redisait ces mots tout bas, y voyant la raison du silence de Fanny depuis quelques jours, de ses lamentations brusquement interrompues, tombées sous les caresses d’un consolateur; car la première pensée du misérable enfin libre avait dû être pour elle.

Il se rappelait la correspondance amoureuse datée de la prison, l’obstination de sa maîtresse à défendre celui-là seul, quand elle faisait si bon marché des autres; et au lieu de se féliciter d’une aventure qui logiquement le déchargeait de toute inquiétude, de tout remords, une angoisse indéfinissable le tint éveillé et fiévreux une partie de la nuit. Pourquoi? Il ne l’aimait plus; seulement il songeait à ses lettres restées aux mains de cette femme, qu’elle lirait peut-être à l’autre, et dont – qui sait? – sous une influence mauvaise, elle pourrait se servir un jour pour troubler son repos, son bonheur.

Vraie ou fausse, ou cachant sans qu’il s’en doutât un souci d’autre genre, cette préoccupation de ses lettres le décida à une démarche imprudente, la visite à Chaville qu’il avait toujours obstinément refusée. Mais à qui confier une mission aussi intime et délicate?… Un matin de février, il prit le train de dix heures, très calme d’esprit et de cœur, avec la seule crainte de trouver la maison fermée, la femme disparue déjà à la suite de son bandit.

Dès la courbe de la voie, les persiennes ouvertes, les rideaux aux fenêtres du pavillon le rassurèrent; et se souvenant de son émotion, lorsqu’il voyait fuir derrière lui la petite lumière mouchetant l’ombre, il se raillait lui-même et la fragilité de ses impressions. Ce n’était plus le même homme qui passait là, et certainement il ne trouverait plus la même femme. Il n’y avait pourtant que deux mois depuis. Les bois que longeait le train n’avaient pas pris de nouvelles feuilles, gardaient les mêmes lèpres de rouille que le jour de la rupture, et de sa clameur aux échos.

Il descendit seul à la station, par ce brouillard pénétrant et froid, prit le petit chemin de campagne tout glissant de neige durcie, la voûte du chemin de fer, ne rencontra personne avant le Pavé des Gardes, au tournant duquel apparurent un homme et un enfant suivis d’un employé de la gare poussant sa brouette chargée de malles.

L’enfant, tout emmitouflé d’un cache-nez, la casquette jusqu’aux oreilles, retint un cri en passant près de lui. «Mais c’est Joseph…» se dit-il, un peu étonné et triste de cette ingratitude du petit; et s’étant retourné il rencontra le regard de l’homme qui accompagnait l’enfant par la main. Cette figure intelligente et fine, pâlie par la claustration, ces vêtements de confection achetés de la veille, cette barbe blonde à fleur de menton, qui n’avait pas eu le temps de repousser depuis Mazas… Flamant, parbleu! Et Joseph était son fils…

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