Les Possedes
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«Est-il possible de croire? S?rieusement et effectivement? Tout est l?.» Stavroguine envo?te tous ceux qui l'approchent, hommes ou femmes. Il ne trouve de limite ? son immense orgueil que dans l'existence de Dieu. Il la nie et tombe dans l'absurdit? de la libert? pour un homme seul et sans raison d'?tre. Tous les personnages de ce grand roman sont poss?d?s par un d?mon, le socialisme ath?e, le nihilisme r?volutionnaire ou la superstition religieuse. Ignorant les limites de notre condition, ces id?ologies sont incapables de rendre compte de l'homme et de la soci?t? et appellent un terrorisme destructeur. Sombre trag?die d'amour et de mort, «Les Poss?d?s» sont l'incarnation g?niale des doutes et des angoisses de Dosto?evski sur l'avenir de l'homme et de la Russie. D?s 1870, il avait pressenti les dangers du totalitarisme au XXe si?cle.
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– Comment, ainsi c’est là votre Daria Pavlovna! s’exclama Marie Timoféievna; – eh bien, matouchka, ta sœur ne te ressemble pas! Comment donc mon laquais peut-il dire: «la serve, la fille de Dachka», en parlant de cette charmante personne!
Daria Pavlovna s’était déjà rapprochée de Barbara Pétrovna, mais l’exclamation de mademoiselle Lébiadkine lui fit brusquement retourner la tête, et elle resta debout devant sa chaise, les yeux attachés sur la folle.
– Assieds-toi, Dacha, dit Barbara Pétrovna avec un calme effrayant; plus près, là, c’est bien; tu peux voir cette femme, tout en étant assise. Tu la connais?
– Je ne l’ai jamais vue, répondit tranquillement Dacha, et, après un silence, elle ajouta: – C’est sans doute la sœur malade d’un M. Lébiadkine.
– Moi aussi, mon âme, je vous voie aujourd’hui pour la première fois, mais depuis longtemps déjà je désirais faire votre connaissance, parce que chacun de vos geste témoigne de votre éducation, fit avec élan Marie Timoféievna. – Quant aux criailleries de mon laquais, est-il possible, en vérité, que vous lui ayez pris de l’argent, vous si bien élevée et si gentille? Car vous êtes gentille, gentille, gentille, je vous le dis sincèrement! acheva-t-elle enthousiasmée.
– Comprends-tu quelque chose? demanda avec une dignité hautaine Barbara Pétrovna.
– Je comprends tout…
– De quel argent parle-t-elle?
– Il s’agit sans doute de l’argent que, sur la demande de Nicolas Vsévolodovitch, je me suis chargée d’apporter de Suisse à ce M. Lébiadkine, le frère de cette femme.
Un silence suivit ces mots.
– Nicolas Vsévolodovitch lui-même t’a priée de faire cette commission?
– Il tenait beaucoup à envoyer cet argent, une somme de trois cents roubles, à M. Lébiadkine. Mais il ignorait son adresse, il savait seulement que ce monsieur devait venir dans notre ville, c’est pourquoi il m’a chargée de lui remettre cette somme à son arrivée ici.
– Quel argent a donc été… perdu? À quoi cette femme vient-elle de faire allusion?
– Je n’en sais rien; j’ai entendu dire aussi que M. Lébiadkine m’accusait d’avoir détourné une partie de la somme, mais je ne comprends pas ces paroles. On m’avait donné trois cents roubles, j’ai remis trois cents roubles.
Daria Pavlovna avait presque entièrement recouvré son calme. En général il était difficile de troubler longtemps cette jeune fille et de lui ôter sa présence d’esprit, quelque émotion qu’elle éprouvât dans son for intérieur. Toutes les réponses qu’on a lues plus haut, elle les donna posément, sans hésitation, sans embarras, d’une voix nette, égale et tranquille. Rien en elle ne laissait soupçonner la conscience d’aucune faute. Tant que dura cet interrogatoire, Barbara Pétrovna ne quitta pas des yeux sa protégée, ensuite elle réfléchit pendant une minute.
– Si, dit-elle avec force (tout en ne regardant que Dacha, elle s’adressait évidemment à toute l’assistance), – si Nicolas Vsévolodovitch, au lieu de me confier cette commission, t’en a chargée, c’est sans doute qu’il avait des raisons d’agir ainsi. Je ne me crois pas le droit de les rechercher, du moment qu’on me les cache; d’ailleurs le seul fait de ta participation à cette affaire me rassure pleinement à leur égard, sache cela, Daria. Mais vois-tu, ma chère, quand on ne connaît pas le monde, on peut, avec les intentions les plus pures, commettre un acte inconsidéré, et c’est ce que tu as fait en acceptant d’entrer en rapports avec ce coquin. Les bruits répandus par ce drôle prouvent que tu as manqué de tact. Mais je prendrai des renseignements sur lui, et, comme c’est à moi qu’il appartient de te défendre, je saurai le faire. Maintenant il faut en finir avec tout cela.
– Quand il viendra chez vous, le mieux sera de l’envoyer à l’antichambre, observa tout à coup Marie Timoféievna en se penchant en dehors de son fauteuil. – Là il jouera aux cartes sur le coffre avec les laquais, tandis qu’ici nous boirons du café. Vous pourrez tout de même lui en faire porter une petite tasse, mais je le méprise profondément, acheva-t-elle avec un geste expressif.
– Il faut en finir, répéta Barbara Pétrovna qui avait écouté attentivement mademoiselle Lébiadkine, sonnez, je vous prie, Stépan Trophimovitch.
Celui-ci obéit et brusquement s’avança tout agité vers la maîtresse de la maison.
– Si… si je… bégaya-t-il en rougissant, – si j’ai aussi entendu raconter la nouvelle ou, pour mieux dire, la calomnie la plus odieuse, c’est avec la plus grande indignation… enfin cet homme est un misérable et quelque chose comme un forçat évadé…
Il ne put achever; Barbara Pétrovna l’examina des pieds à la tête en clignant les yeux. Entra le correct valet de chambre Alexis Égorovitch.
– La voiture, ordonna la générale Stavroguine, – et toi, Alexis Égorovitch, prépare-toi à ramener mademoiselle Lébiadkine chez elle, elle t’indiquera elle-même où elle demeure.
– M. Lébiadkine l’attend lui-même en bas depuis un certain temps, et il a vivement insisté pour être annoncé.
– Cela ne se peut pas, Barbara Pétrovna, fit aussitôt d’un air inquiet Maurice Nikolaïévitch, qui jusqu’alors avait observé un silence absolu: – permettez-moi de vous le dire, ce n’est pas un homme qu’on puisse recevoir, c’est… c’est… c’est… un homme impossible, Barbara Pétrovna.
– Qu’il attende un peu, répondit cette dernière à Alexis Égorovitch.
Le valet de chambre se retira.
– C’est un homme malhonnête, et je crois même que c’est un forçat évadé ou quelque chose dans ce genre, murmura de nouveau, le rouge au visage, Stépan Trophimovitch.
Prascovie Ivanovna se leva.
– Lisa, il est temps de partir, dit-elle d’un ton rogue.
Elle semblait déjà regretter de s’être traitée elle-même de sotte tantôt dans un moment d’émoi. C’était avec un pli dédaigneux sur les lèvres qu’elle avait écouté tout à l’heure les explications de Daria Pavlovna. Mais rien ne me frappa autant que la physionomie d’Élisabeth Nikolaïevna depuis l’entrée de Dacha: la haine et le mépris se lisaient dans ses yeux flamboyants.
– Attends encore une minute, je te prie, Prascovie Ivanovna, fit, toujours avec le même calme extraordinaire, Barbara Pétrovna, – aie la bonté de te rasseoir, je suis décidée à tout dire, et tu as mal aux jambes. Là, c’est bien, je te remercie. Tantôt je ne me connaissais plus, et je t’ai adressé quelques paroles trop vives. Pardonne-moi, je te prie, j’ai agi bêtement, et je suis la première à le confesser, parce qu’en tout j’aime la justice. Sans doute, toi aussi tu étais hors de toi tout à l’heure, quand tu as parlé de lettres anonymes. Toute communication non signée ne mérite que le mépris. Si tu as une autre manière de voir, je ne te l’envie pas. En tout cas, à ta place, j’aurais cru me salir en relevant de pareilles vilenies. Mais puisque tu as commencé, je te dirai que moi-même, il y a six jours, j’ai aussi reçu une lettre anonyme, une chose bouffonne. Dans cette lettre, un drôle quelconque m’assure que Nicolas Vsévolodovitch est devenu fou, et que je dois craindre une boiteuse qui «jouera un rôle extraordinaire dans ma destinée»: je me rappelle l’expression. Sachant que mon fils a une foule d’ennemis, j’ai aussitôt fait venir ici celui qui le hait secrètement de la haine la plus basse et la plus implacable; en causant avec cet homme, j’ai découvert tout de suite de quelle méprisable officine est sortie la lettre anonyme. Si toi aussi, ma pauvre Prascovie Ivanovna, on t’a inquiétée à cause de moi, et, comme tu dis, «bombardée» de ces misérables écrits, sans doute je suis la première à regretter d’en avoir été innocemment la cause. Voilà tout ce que je voulais te dire comme explication. Je vois avec peine que tu n’en peux plus, et qu’en ce moment tu n’es pas dans ton assiette. En outre, je suis bien décidée, non pas à recevoir, mais à laisser entrer (ce qui n’est pas la même chose) l’équivoque personnage dont il était question tout à l’heure. La présence de Lisa en particulier est inutile ici. Viens près de moi, Lisa, ma chère, et laisse-moi t’embrasser encore une fois.