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Les Possedes

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Les Possedes
Название: Les Possedes
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les Possedes - читать бесплатно онлайн , автор Dosto?evski Fedor Mikha?lovitch

«Est-il possible de croire? S?rieusement et effectivement? Tout est l?.» Stavroguine envo?te tous ceux qui l'approchent, hommes ou femmes. Il ne trouve de limite ? son immense orgueil que dans l'existence de Dieu. Il la nie et tombe dans l'absurdit? de la libert? pour un homme seul et sans raison d'?tre. Tous les personnages de ce grand roman sont poss?d?s par un d?mon, le socialisme ath?e, le nihilisme r?volutionnaire ou la superstition religieuse. Ignorant les limites de notre condition, ces id?ologies sont incapables de rendre compte de l'homme et de la soci?t? et appellent un terrorisme destructeur. Sombre trag?die d'amour et de mort, «Les Poss?d?s» sont l'incarnation g?niale des doutes et des angoisses de Dosto?evski sur l'avenir de l'homme et de la Russie. D?s 1870, il avait pressenti les dangers du totalitarisme au XXe si?cle.

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– L’athéisme russe n’a jamais dépassé le calembour, grommela Chatoff en remplaçant par une bougie neuve le lumignon qui se trouvait dans le chandelier.

– Celui-là ne m’a pas fait l’effet d’un calembouriste, à peine sait-il parler le langage le plus simple.

– Ce sont des hommes de papier; tout cela vient du servilisme de la pensée, reprit Chatoff qui s’était assis sur une chaise dans un coin et tenait ses mains appuyées sur ses genoux.

– Il y a là aussi de la haine, poursuivit-il après une minute de silence; – ils seraient les premiers horriblement malheureux si, tout d’un coup, la Russie se transformait, même dans un sens conforme à leurs vues; si, de façon ou d’autre, elle devenait extrêmement riche et heureuse. Ils n’auraient plus personne à haïr, plus rien à conspuer! Il n’y a là qu’une haine bestiale, immense, pour la Russie, une haine qui s’est infiltrée dans l’organisme… Et c’est une sottise de chercher, sous le rire visible, des larmes invisibles au monde! La phrase concernant ces prétendues larmes invisibles est la plus mensongère qui ait encore été dite chez nous! vociféra-t-il avec une sorte de fureur.

– Allons, vous voilà parti! fis-je en riant.

Chatoff sourit à son tour.

– C’est vrai, vous êtes un «libéral modéré». Vous savez, j’ai peut-être eu tort de parler du «servilisme de la pensée», car vous allez sûrement me répondre: «Parle pour toi qui es né d’un laquais, moi je ne suis pas un domestique.»

– Je ne songeais pas du tout à vous répondre cela, comment pouvez-vous supposer une chose pareille?

– Ne vous excusez pas, je n’ai pas peur de ce que vous pouvez dire. Autrefois je n’étais que le fils d’un laquais, à présent je suis devenu moi-même un laquais, tout comme vous. Le libéral russe est avant tout un laquais, il ne pense qu’à cirer les bottes de quelqu’un.

– Comment, les bottes? Qu’est-ce que c’est que cette figure?

– Il n’y a point là de figure. Vous riez, je le vois… Stépan Trophimovitch ne s’est pas trompé en me représentant comme un homme écrasé sous une pierre dont il s’efforce de secouer le poids; la comparaison est très juste.

– Stépan Trophimovitch assure que l’Allemagne vous a rendu fou, dis-je en riant, – nous avons toujours emprunté quelque chose aux Allemands.

– Ils nous ont prêté vingt kopeks, et nous leur avons rendu cent roubles.

Nous nous tûmes pendant une minute.

– Lui, c’est en Amérique qu’il a gagné son mal.

– Qui?

– Je parle de Kiriloff. Là-bas, pendant quatre mois, nous avons tous les deux couché par terre dans une cabane.

– Mais est-ce que vous êtes allé en Amérique? demandai-je avec étonnement; – vous n’en avez jamais rien dit.

– À quoi bon parler de cela? Il y a deux ans, nous sommes partis à trois pour les États-Unis, à bord d’un steamer chargé d’émigrants; nous avons sacrifié nos dernières ressources pour faire ce voyage: nous voulions mener la vie de l’ouvrier américain et connaître ainsi, par notre expérience personnelle, l’état de l’homme dans la condition sociale la plus pénible. Voilà quel était notre but.

Je me mis à rire.

– Vous n’aviez pas besoin de traverser la mer pour faire cette expérience, vous n’aviez qu’à aller dans n’importe quel endroit de notre province à l’époque des travaux champêtres.

– Arrivés en Amérique, nous louâmes nos services à un entrepreneur: nous étions là six Russes: des étudiants, et même des propriétaires et des officiers, tous se proposant le même but grandiose. Eh bien, nous travaillâmes comme des nègres, nous souffrîmes le martyre; à la fin, Kiriloff et moi n’y pûmes tenir, nous étions rendus, à bout de forces, malades. En nous réglant, l’entrepreneur nous retint une partie de notre salaire; il nous devait trente dollars, je n’en reçus que huit et Kiriloff quinze; on nous avait aussi battus plus d’une fois. Après cela, nous restâmes quatre mois sans travail dans une méchante petite ville; Kiriloff et moi, nous couchions côte à côte, par terre, lui pensant à une chose et moi à une autre.

– Se peut-il que votre patron vous ait battus, et cela en Amérique? Vous avez dû joliment le rabrouer!

– Pas du tout. Loin de là, dès le début, nous avions posé en principe, Kiriloff et moi, que nous autres Russes, nous étions vis-à-vis des Américains comme de petits enfants, et qu’il fallait être né en Amérique ou du moins y avoir vécu de longues années pour se trouver au niveau de ce peuple. Que vous dirai-je? quand, pour un objet d’un kopek, on nous demandait un dollar, nous payions non seulement avec plaisir, mais même avec enthousiasme. Nous admirions tout: le spiritisme, la loi de Lynch, les revolvers, les vagabonds. Une fois, pendant un voyage que nous faisions, un quidam introduisit sa main dans ma poche, prit mon peigne et commença à se peigner avec. Nous nous contentâmes, Kiriloff et moi, d’échanger un coup d’œil, et nous décidâmes que cette façon d’agir était la bonne…

– Il est étrange que, chez nous, non seulement on ait de pareilles idées, mais qu’on les mette à exécution, observai-je.

– Des hommes de papier, répéta Chatoff.

– Tout de même, s’embarquer comme émigrant, se rendre dans un pays qu’on ne connaît pas, à seule fin d’ «apprendre par une expérience personnelle», etc., – cela dénote une force d’âme peu commune… Et comment avez-vous quitté l’Amérique?

– J’ai écrit à un homme en Europe, et il m’a envoyé cent roubles.

Jusqu’alors, Chatoff avait parlé en tenant ses yeux fixés à terre selon son habitude; tout à coup il releva la tête:

– Voulez-vous savoir le nom de cet homme?

– Qui est-ce?

– Nicolas Stavroguine.

Il se leva brusquement, s’approcha de son bureau en bois de tilleul, et se mit à y chercher quelque chose. Le bruit s’était répandu chez nous que sa femme avait été pendant quelque temps, à Paris, la maîtresse de Nicolas Stavroguine; il y avait deux ans de cela; par conséquent, c’était à l’époque où Chatoff se trouvait en Amérique; – il est vrai que, depuis longtemps, une séparation avait eu lieu à Genève entre les deux époux. «S’il en est ainsi, pensai-je, pourquoi donc a-t-il tant tenu à me dire le nom de son bienfaiteur?»

Il se tourna soudain vers moi:

– Je ne lui ai pas encore remboursé cette somme, continua-t-il, puis, me regardant fixement, il se rassit à sa première place, dans le coin, et me demanda d’une voix saccadée qui jurait singulièrement avec le ton de la conversation précédente:

– Vous êtes sans doute venu pour quelque chose; qu’est-ce qu’il vous faut?

Je racontai tout de point en point, j’ajoutai que, tout en comprenant maintenant combien je m’étais imprudemment avancé, je n’en éprouvais que plus d’embarras: je sentais que l’entrevue souhaitée par Élisabeth Nikolaïevna était fort importante pour elle, j’avais le plus vif désir de lui venir en aide, malheureusement je ne savais comment faire pour tenir ma promesse. Ensuite j’affirmai solennellement à Chatoff qu’Élisabeth Nikolaïevna n’avait jamais songé à le tromper, qu’il y avait eu là un malentendu, et que son brusque départ avait causé un grand chagrin à la jeune fille.

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