Les Possedes
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«Est-il possible de croire? S?rieusement et effectivement? Tout est l?.» Stavroguine envo?te tous ceux qui l'approchent, hommes ou femmes. Il ne trouve de limite ? son immense orgueil que dans l'existence de Dieu. Il la nie et tombe dans l'absurdit? de la libert? pour un homme seul et sans raison d'?tre. Tous les personnages de ce grand roman sont poss?d?s par un d?mon, le socialisme ath?e, le nihilisme r?volutionnaire ou la superstition religieuse. Ignorant les limites de notre condition, ces id?ologies sont incapables de rendre compte de l'homme et de la soci?t? et appellent un terrorisme destructeur. Sombre trag?die d'amour et de mort, «Les Poss?d?s» sont l'incarnation g?niale des doutes et des angoisses de Dosto?evski sur l'avenir de l'homme et de la Russie. D?s 1870, il avait pressenti les dangers du totalitarisme au XXe si?cle.
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En rêvant à l’hymen alors je la contemple,
Et d’un regard mouillé je les suis toutes deux!
«Composé par un ignorant au cours d’une discussion.
«MADEMOISELLE,
– Je regrette on ne peut plus de n’avoir pas perdu un bras pour la gloire à Sébastopol, mais j’ai fait toute la campagne dans le service des vivres, ce que je considère comme une bassesse. Vous êtes une déesse de l’antiquité; moi, je ne suis rien, mais en vous voyant j’ai deviné l’infini. Ne regardez cela que comme des vers et rien de plus, car les vers ne signifient rien, seulement ils permettent de dire ce qui en prose passerait pour une impertinence. Le soleil peut-il se fâcher contre l’infusoire, si, dans la goutte d’eau où il se compte par milliers, celui-ci compose une poésie en son honneur? Même la Société protectrice des animaux, qui siège à Pétersbourg et qui s’intéresse au chien et au cheval, méprise l’humble infusoire, elle le dédaigne parce qu’il n’a pas atteint son développement. Moi aussi je suis resté à l’état embryonnaire. L’idée de m’épouser pourrait vous paraître bouffonne, mais j’aurai bientôt une propriété de deux cents âmes, actuellement possédée par un misanthrope, méprisez-le. Je puis révéler bien des choses et, grâce aux documents que j’ai en main, je me charge d’envoyer quelqu’un en Sibérie. Ne méprisez pas ma proposition. La lettre de l’infusoire, naturellement, est en vers.
Le capitaine Lébiadkine, votre très obéissant ami, qui a des loisirs.»
– Cela a été écrit par un homme en état d’ivresse et par un vaurien! m’écriai-je indigné, – je le connais!
– J’ai reçu cette lettre hier, nous expliqua en rougissant Lisa, – j’ai compris tout de suite qu’elle venait d’un imbécile, et je ne l’ai pas montrée à maman, pour ne pas l’agiter davantage. Mais, s’il revient à la charge, je ne sais comment faire. Maurice Nikolaïévitch veut aller le mettre à la raison. Vous considérant comme mon collaborateur, dit-elle ensuite à Chatoff. – et sachant que vous demeurez dans la même maison que cet homme, je désirerais vous questionner à son sujet, pour être édifiée sur ce que je puis attendre de lui.
– C’est un ivrogne et un vaurien, fit en rechignant Chatoff.
– Est-ce qu’il est toujours aussi bête?
– Non, quand il n’a pas bu, il n’est pas absolument bête.
– J’ai connu un général qui faisait des vers tout pareils à ceux-là, observai-je en riant.
– Cette lettre même prouve qu’il n’est pas un niais, déclara soudain Maurice Nikolaïévitch qui jusqu’alors était resté silencieux.
– Il a, dit-on, une sœur avec qui il habite? demanda Lisa.
– Oui, il habite avec sa sœur.
– On dit qu’il la tyrannise, c’est vrai?
Chatoff jeta de nouveau sur la jeune fille un regard sondeur, quoique rapide.
– Est-ce que je m’occupe de cela? grommela-t-il en fronçant le sourcil, et il se dirigea vers la porte.
– Ah! attendez un peu! cria Lisa inquiète, – où allez-vous donc? Nous avons encore tant de points à examiner ensemble…
– De quoi parlerions-nous? Demain, je vous ferai savoir…
– Mais de la chose principale, de l’impression! Croyez bien que je ne plaisante pas, et que je veux sérieusement entreprendre cette affaire, assura Lisa dont l’inquiétude ne faisait que s’accroître. – Si nous nous décidons à publier l’ouvrage, où l’imprimerons-nous? C’est la question la plus importante, car nous n’irons pas à Moscou pour cela, et il est impossible de confier un tel travail à l’imprimerie d’ici. Depuis longtemps j’ai résolu de fonder un établissement typographique qui sera à votre nom, si vous y consentez. À cette condition, maman, je le sais, me laissera carte blanche…
– Pourquoi donc me supposez-vous capable d’être imprimeur? répliqua Chatoff d’un ton maussade.
– Pendant que j’étais en Suisse, Pierre Stépanovitch vous a désigné à moi comme un homme connaissant le métier d’imprimeur, et en état de diriger un établissement typographique. Il m’avait même donné un mot pour vous, mais je ne sais pas ce que j’en ai fait.
Chatoff, je me le rappelle maintenant, changea de visage. Au bout de quelques secondes, il sortit brusquement de la chambre.
Lisa se sentit prise de colère.
– Est-ce qu’il en va toujours ainsi? me demanda-t-elle. Je haussai les épaules; tout à coup Chatoff rentra, et alla droit à la table, sur laquelle il déposa le paquet de journaux qu’il avait pris avec lui:
– Je ne serai pas votre collaborateur, je n’ai pas le temps…
– Pourquoi donc? Pourquoi donc? Vous avez l’air fâché? fit Lisa d’un ton affligé et suppliant.
Le son de cette voix parut produire une certaine impression sur Chatoff; pendant quelques instants, il regarda fixement la jeune fille, comme s’il eût voulu pénétrer jusqu’au fond de son âme.
– N’importe, murmura-t-il presque tout bas, – je ne veux pas…
Et il se retira cette fois pour tout de bon. Lisa resta positivement consternée; je ne comprenais même pas qu’un incident semblable pût l’affecter à ce point.
– C’est un homme singulièrement étrange! observa d’une voix forte Maurice Nikolaïévitch.
III
Certes, oui, il était «étrange», mais dans tout cela il y avait bien du louche, bien des sous-entendus. Décidément, je ne croyais pas à la publication projetée; ensuite la lettre du capitaine Lébiadkine, toute stupide qu’elle était, ne laissait pas de contenir une allusion trop claire à certaine dénonciation possible, appuyée sur des «documents»; personne pourtant n’avait relevé ce passage, on avait parlé de toute autre chose. Enfin cette imprimerie et le brusque départ de Chatoff dès les premiers mots prononcés à ce sujet? Toutes ces circonstances m’amenèrent à penser qu’avant mon arrivée il s’était passé là quelque chose dont on ne m’avait pas donné connaissance; que, par conséquent, j’étais de trop et que toutes ces affaires ne me regardaient pas. D’ailleurs, il était temps de partir, pour une première visite j’étais resté assez longtemps. Je me mis donc en devoir de prendre congé.
Elisabeth Nikolaïevna semblait avoir oublié ma présence dans la chambre. Toujours debout à la même place, près de la table, elle réfléchissait profondément, et, la tête baissée, tenait ses yeux fixés sur un point du tapis.
– Ah! vous vous en allez aussi, au revoir, fit-elle avec son affabilité accoutumée. – Remettez mes salutations à Stépan Trophimovitch, et engagez-le à venir me voir bientôt. Maurice Nikolaïévitch, Antoine Lavrentiévitch s’en va. Excusez maman, elle ne peut pas venir vous dire adieu…
Je sortis, et j’étais déjà en bas de l’escalier, quand un domestique me rejoignit sur le perron.
– Madame vous prie instamment de remonter…
– Madame, ou Élisabeth Nikolaïevna?