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Le Petit Chose

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Le Petit Chose
Название: Le Petit Chose
Автор: Daudet Alphonse
Дата добавления: 16 январь 2020
Количество просмотров: 286
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Le Petit Chose читать книгу онлайн

Le Petit Chose - читать бесплатно онлайн , автор Daudet Alphonse

'Le Petit Chose' para?t en feuilleton en 1867. Daudet s'inspire des souvenirs d'une jeunesse douloureuse: humiliations ? l'?cole, m?pris pour le petit provencal, exp?rience de r?p?titeur au coll?ge et enfin coup de foudre pour une belle jeune femme. L'?crivain manifeste une tendresse, une piti? et un respect remarquables ? l'?gard des malchanceux et des d?sh?rit?s de la vie.

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«Une vraie chambre de poète, comme dans les romans, avec une petite fenêtre et des toits à perte de vue. Le lit n'est pas large, mais nous y tiendrons deux au besoin; et puis, il y a dans un coin une table de travail où on serait très bien pour faire des vers.

«Je suis sûr que si tu voyais cela, tu voudrais venir me trouver au plus vite; moi aussi je te voudrais près de moi, et je ne te dis pas que quelque jour je ne te ferai pas signe de venir.

«En attendant, aime moi toujours bien et ne travaille pas trop dans ton collège, de peur de tomber malade.

«Je t'embrasse. Ton frère «JACQUES.»

Ce brave Jacques! quel mal délicieux il venait de me faire avec sa lettre! je riais et je pleurais en même temps. Toute ma vie de ces derniers mois, le punch, le billard, le café Barbette, me faisaient l'effet d'un mauvais rêve, et je pensais: «Allons! c'est fini. Maintenant je vais travailler, je vais être courageux comme Jacques.» À ce moment, la cloche sonna. Mes élèves se mirent en rang, ils causaient beaucoup du sous-préfet et se montraient, en passant, sa voiture stationnant devant la porte. Je les remis entre les mains des professeurs; puis, une fois débarrassé d'eux, je m'élançai en courant dans l'escalier. Il me tardait tant d'être seul dans ma chambre avec la lettre de mon frère Jacques!

«Monsieur Daniel, on vous attend chez le principal.» Chez le principal?… Que pouvait avoir à me dire le principal?… Le portier me regardait avec un drôle d'air. Tout à coup, l'idée du sous-préfet me revint.

«Est-ce que M. le sous-préfet est là-haut?» demandai-je.

Et le cœur palpitant d'espoir je me mis à gravir les degrés de l'escalier quatre à quatre.

Il y a des jours où l'on est comme fou. En apprenant que le sous-préfet m'attendait, savez-vous ce que j'imaginai? Je m'imaginai qu'il avait remarqué ma bonne mine à la distribution, et qu'il venait au collège tout exprès pour m'offrir d'être son secrétaire.

Cela me paraissait la chose la plus naturelle du monde. La lettre de Jacques avec ses histoires de vieux marquis m'avait troublé la cervelle, à coup sûr. Quoi qu'il en soit, à mesure que je montais l'escalier, ma certitude devenait plus grande: secrétaire du sous-préfet! je ne me sentais pas de joie, En tournant le corridor, je rencontrai Roger, Il était très pâle; il me regarda comme s'il voulait me parler; mais je ne m'arrêtai pas: le sous-préfet n'avait pas le temps d'attendre.

Quand j'arrivai devant le cabinet du principal, le cœur me battait bien fort, je vous jure. Secrétaire de M. le sous-préfet! Il fallut m'arrêter un instant pour reprendre haleine; je rajustai ma cravate, je donnai avec mes doigts un petit tour à mes cheveux et je tournai le bouton de la porte doucement.

Si j'avais su ce qui m'attendait!

M. le sous-préfet était debout, appuyé négligemment au marbre de la cheminée et souriant dans ses favoris blonds. M. le principal, en robe de chambre, se tenait près de lui humblement, son bonnet de velours à la main et M. Viot, appelé en hâte, se dissimulait dans un coin.

Dès que j'entrai, le sous-préfet prit la parole.

«C'est donc monsieur, dit-il en me désignant, qui s'amuse à séduire nos femmes de chambre?» Il avait prononcé cette phrase d'une voix claire, ironique et sans cesser de sourire. Je crus d'abord qu'il voulait plaisanter et je ne répondis rien, mais le sous-préfet ne plaisantait pas; après un moment de silence, il reprit en souriant toujours:

«N'est-ce pas à monsieur Daniel Eyssette que j'ai l'honneur de parler, à monsieur Daniel Eyssette qui a séduit la femme de chambre de ma femme?» Je ne savais de quoi il s'agissait; mais en entendant ce mot de femme de chambre, qu'on me jetait ainsi à la figure pour la seconde fois, je me sentis rouge de honte, et ce fut avec une véritable indignation que je m'écriai:

«Une femme de chambre, moi!… Je n'ai jamais séduit de femme de chambre.» À cette réponse, je vis un éclair de mépris jaillir des lunettes du principal, et j'entendis les clefs murmurer dans leur coin: «Quelle effronterie!»

Le sous-préfet, lui, ne cessait pas de sourire; il prit sur la tablette de la cheminée un petit paquet de papiers que je n'avais pas aperçus d'abord, puis se tournant vers moi et les agitant négligemment:

«Monsieur, dit-il, voici des témoignages fort graves qui vous accusent. Ce sent des lettres qu'on a surprises chez la demoiselle en question. Elles ne sont pas signées, il est vrai, et, d'un autre côté, la femme de chambre n'a voulu nommer personne. Seulement, dans ces lettres il est souvent parlé du collège, et, malheureusement pour vous, M. Viot a reconnu votre écriture et votre style…» Ici les clefs grincèrent férocement et le sous-préfet, souriant toujours, ajouta: «Tout le monde n'est pas poète au collège de Sarlande.» À ces mots, une idée fugitive me traversa l'esprit: je voulus voir de près ces papiers. Je m'élançai; le principal eut peur d'un scandale et fit un geste pour me retenir. Mais le sous-préfet me tendit le dossier tranquillement. «Regardez!» me dit-il.

Miséricorde! ma correspondance avec Cécilia.

… Elles y étaient toutes, toutes! Depuis celle qui commençait: «O Cécilia, quelquefois sur un rocher sauvage…» jusqu'au cantique d'actions de grâces:

«Ange qui as consenti à passer une nuit sur la terre…» Et dire que toutes ces belles fleurs de rhétorique amoureuse, je les avais effeuillées sous les pas d'une femme de chambre!… dire que cette personne, d'une situation tellement élevée, tellement, etc, décrottait tous les matins les socques de la sous-préfète!… On peut se figurer ma rage, ma confusion.

«Eh bien, qu'en dites-vous, seigneur don Juan? ricana le sous-préfet, après un moment de silence.

Est-ce que ces lettres sont de vous, oui ou non?»

Au lieu de répondre, je baissai la tête. Un mot pouvait me disculper; mais ce mot, je ne le prononçai pas. J'étais prêt à tout souffrir plutôt que le dénoncer Roger… Car remarquez bien qu'au milieu de cette catastrophe, le petit Chose n'avait pas un seul instant soupçonné la loyauté de son ami. En reconnaissant les lettres, il s'était dit tout de suite: «Roger aura eu la paresse de les recopier; il a mieux aimé faire une partie de billard de plus et envoyer les miennes.» Quel innocent, ce petit Chose! Quand le sous-préfet vit que je ne voulais pas répondre, il remit les lettres dans sa poche et, se tournant vers le principal et son acolyte:

«Maintenant, messieurs, vous savez ce qui vous reste à faire.» Sur quoi les clefs de M. Viot frétillèrent d'un air lugubre, et le principal répondit en s'inclinant jusqu'à terre, «que M. Eyssette avait mérité d'être chassé sur l'heure; mais qu'afin d'éviter tout scandale, on le garderait au collège encore huit jours»: Juste le temps de faire venir un nouveau maître.

À ce terrible mot «chassé», tout mon courage m'abandonna. Je saluai sans rien dire et je sortis précipitamment. À peine dehors, mes larmes éclatèrent… Je courus d'un trait jusqu'à ma chambre, en étouffant mes sanglots dans mon mouchoir…

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