Les Possedes

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Les Possedes
Название: Les Possedes
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les Possedes - читать бесплатно онлайн , автор Dosto?evski Fedor Mikha?lovitch

«Est-il possible de croire? S?rieusement et effectivement? Tout est l?.» Stavroguine envo?te tous ceux qui l'approchent, hommes ou femmes. Il ne trouve de limite ? son immense orgueil que dans l'existence de Dieu. Il la nie et tombe dans l'absurdit? de la libert? pour un homme seul et sans raison d'?tre. Tous les personnages de ce grand roman sont poss?d?s par un d?mon, le socialisme ath?e, le nihilisme r?volutionnaire ou la superstition religieuse. Ignorant les limites de notre condition, ces id?ologies sont incapables de rendre compte de l'homme et de la soci?t? et appellent un terrorisme destructeur. Sombre trag?die d'amour et de mort, «Les Poss?d?s» sont l'incarnation g?niale des doutes et des angoisses de Dosto?evski sur l'avenir de l'homme et de la Russie. D?s 1870, il avait pressenti les dangers du totalitarisme au XXe si?cle.

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– On a beau faire, on s’y intéresse malgré soi, soupira Stépan Trophimovitch en inclinant la tête d’un air significatif.

Julie Mikhaïlovna était radieuse; la conversation devenait profonde et manifestait une «tendance».

– Un tuyau d’égout? demanda d’une voix sonore le médecin allemand.

– Une conduite d’eau, docteur, et je les ai même aidés alors à rédiger le projet.

Le vieillard éclata de rire; son exemple trouva de nombreux imitateurs, mais ce fut de lui qu’on rit; du reste, il ne s’en aperçut pas, et l’hilarité générale lui fit grand plaisir.

– Permettez-nous de n’être pas de votre avis, Karmazinoff, s’empressa d’observer Julie Mikhaïlovna. – Il se peut que vous aimiez Karlsruhe, mais vous vous plaisez à mystifier les gens, et cette fois nous ne vous croyons pas. Quel est parmi les écrivains russes celui qui a mis en scène le plus de types contemporains, deviné avec la plus lumineuse prescience les questions actuelles? C’est vous assurément. Et après cela vous viendrez nous parler de votre indifférence à l’endroit de la patrie, vous voudrez nous faire croire que vous ne vous intéressez qu’aux eaux de Karlsruhe! Ha, ha!

– Oui, il est vrai, répondit en minaudant Karmazinoff, – que j’ai incarné dans le personnage de Pogojeff tous les défauts des slavophiles, et dans celui de Nikodimoff tous les défauts des zapadniki [26]…

– Oh! il en a bien oublié quelques uns! fit à demi-voix Liamchine.

– Mais je ne m’occupe de cela qu’à mes moments perdus, à seule fin de tuer le temps et… de donner satisfaction aux importunes exigences de mes compatriotes.

– Vous savez probablement, Stépan Trophimovitch, reprit avec enthousiasme Julie Mikhaïlovna, – que demain nous aurons la joie d’entendre un morceau charmant… une des dernières et des plus exquises productions de Sémen Égorovitch, – elle est intitulée Merci. Il déclare dans cette pièce qu’il n’écrira plus, pour rien au monde, lors même qu’un ange du ciel ou, pour mieux dire, toute la haute société le supplierait de revenir sur sa résolution. En un mot, il dépose la plume pour toujours, et ce gracieux Merci est adressé au public dont les ardentes sympathies n’ont jamais fait défaut durant tant d’années à Sémen Égorovitch.

La gouvernante jubilait.

– Oui, je ferai mes adieux; je dirai mon Merci, et puis j’irai m’enterrer là-bas… à Karlsruhe, reprit Karmazinoff dont la fatuité s’épanouissait peu à peu. – Nous autres grands hommes, quand nous avons accompli notre œuvre, nous n’avons plus qu’à disparaître, sans chercher de récompense. C’est ce que je ferai.

– Donnez-moi votre adresse, et j’irai vous voir à Karlsruhe, dans votre tombeau, dit en riant à gorge déployée le docteur allemand.

– À présent on transporte les morts même par les voies ferrées, remarqua à brûle-pourpoint un des jeunes gens sans importance.

Toujours facétieux, Liamchine se récria d’admiration. Julie Mikhaïlovna fronça le sourcil. Entra Nicolas Stavroguine.

– Mais on m’avait dit que vous aviez été conduit au poste? fit-il à haute voix en s’adressant tout d’abord à Stépan Trophimovitch.

– Non, répondit gaiement celui-ci, – ce n’a été qu’un cas particulier [27].

– Mais j’espère qu’il ne vous empêchera nullement d’accéder à ma demande, dit Julie Mikhaïlovna, – j’espère que vous oublierez ce fâcheux désagrément qui est encore inexplicable pour moi; vous ne pouvez pas tromper notre plus chère attente et nous priver du plaisir d’entendre votre lecture à la matinée littéraire.

– Je ne sais pas, je… maintenant…

– Je suis bien malheureuse, vraiment, Barbara Pétrovna… figurez-vous, je me faisais un tel bonheur d’entrer personnellement en rapport avec un des esprits les plus remarquables et les plus indépendants de la Russie, et voilà que tout d’un coup Stépan Trophimovitch manifeste l’intention de nous fausser compagnie.

– L’éloge a été prononcé à si haute voix que sans doute je n’aurais pas dû l’entendre, observa spirituellement Stépan Trophimovitch, – mais je ne crois pas que ma pauvre personnalité soit si nécessaire à votre fête. Du reste, je…

– Mais vous le gâtez! cria Pierre Stépanovitch entrant comme une trombe dans la chambre. – Moi, je lui tenais la main haute, et soudain, dans la même matinée, – perquisition, saisie, un policier le prend au collet, et voilà que maintenant les dames lui font des mamours dans le salon du gouverneur de la province! Je suis sûr qu’en ce moment il est malade de joie; même en rêve il n’avait jamais entrevu pareil bonheur. Et à présent il ira débiner les socialistes!

– C’est impossible, Pierre Stépanovitch. Le socialisme est une trop grande idée pour que Stépan Trophimovitch ne l’admette pas, répliqua avec énergie Julie Mikhaïlovna.

– L’idée est grande, mais ceux qui la prêchent ne sont pas toujours des géants, et laissons là, mon cher, dit Stépan Trophimovitch en s’adressant à son fils.

Alors survint la circonstance la plus imprévue. Depuis quelque temps déjà Von Lembke était dans le salon, mais personne ne semblait remarquer sa présence, quoique tous l’eussent vu entrer. Toujours décidée à punir son mari, Julie Mikhaïlovna ne s’occupait pas plus de lui que s’il n’avait pas été là. Assis non loin de la porte, le gouverneur écoutait la conversation d’un air sombre et sévère. En entendant les allusions aux événements de la matinée, il commença à donner des signes d’agitation et fixa ses yeux sur le prince; son attention était évidemment attirée par le faux col extraordinaire que portait ce visiteur; puis il eut comme un frisson soudain lorsqu’il perçut la voix de Pierre Stépanovitch et qu’il vit le jeune homme s’élancer dans la chambre. Mais Stépan Trophimovitch venait à peine d’achever sa phrase sur les socialistes, que Von Lembke s’avançait brusquement vers lui; il poussa même Liamchine qui se trouvait sur son passage; le Juif se recula vivement, feignit la stupéfaction et se frotta l’épaule, comme si on lui avait fait beaucoup de mal.

– Assez! dit Von Lembke, et, saisissant avec énergie la main de Stépan Trophimovitch effrayé, il la serra de toutes ses forces dans la sienne. – Assez, les flibustiers de notre temps sont connus. Pas un mot de plus. Les mesures sont prises…

Ces mots prononcés d’une voix vibrante retentirent dans tout le salon. L’impression fut pénible. Tout le monde eut le pressentiment d’un malheur. Je vis Julie Mikhaïlovna pâlir. Un sot accident ajouta encore à l’effet de cette scène. Après avoir déclaré que des mesures étaient prises, Von Lembke tourna brusquement les talons et se dirigea vers la porte, mais, au second pas qu’il fit, son pied s’embarrassa dans le tapis, il perdit l’équilibre et faillit tomber. Pendant un instant le gouverneur s’arrêta pour considérer l’endroit du parquet où il avait bronché: «Il faudra changer cela», observa-t-il tout haut, et il sortit. Sa femme se hâta de le suivre. Dès que Julie Mikhaïlovna eût quitté la chambre, la société se mit à commenter l’incident. «Il a un grain», disaient les uns; les autres exprimaient la même idée en portant le doigt à leur front; on se racontait à l’oreille diverses particularités concernant l’existence domestique de Von Lembke. Personne ne prenait son chapeau, tous attendaient. Je ne sais ce que faisait pendant ce temps là Julie Mikhaïlovna, mais elle revint au bout de cinq minutes; s’efforçant de paraître calme, elle répondit évasivement qu’André Antonovitch était un peu agité, mais que ce ne serait rien, qu’il était sujet à cela depuis l’enfance et qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter, qu’enfin la fête de demain lui fournirait une distraction salutaire. Puis, après avoir encore adressé, mais seulement par convenance, quelques mots flatteurs à Stépan Trophimovitch, elle invita les membres du comité à ouvrir immédiatement la séance. C’était une façon de congédier les autres; ils le comprirent et se retirèrent. Toutefois une dernière péripétie devait clore cette journée déjà si mouvementée…

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