La Reine Margot Tome I
La Reine Margot Tome I читать книгу онлайн
Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала
À l’écart se tenait un piqueur se raidissant pour résister aux deux molosses du roi, qui, couverts de leurs jaques de mailles, attendaient, en hurlant et en s’élançant de manière à faire croire à chaque instant qu’ils allaient briser leurs chaînes, le moment de coiffer le sanglier.
L’animal faisait merveille: attaqué à la fois par une quarantaine de chiens qui l’enveloppaient comme une marée hurlante, qui le recouvraient de leur tapis bigarré, qui de tous côtés essayaient d’entamer sa peau rugueuse aux poils hérissés, à chaque coup de boutoir, il lançait à dix pieds de haut un chien, qui retombait éventré, et qui, les entrailles traînantes, se rejetait aussitôt dans la mêlée tandis que Charles, les cheveux raidis, les yeux enflammés, les narines ouvertes, courbé sur le cou de son cheval ruisselant, sonnait un hallali furieux.
En moins de dix minutes, vingt chiens furent hors de combat.
– Les dogues! cria Charles, les dogues!… À ce cri, le piqueur ouvrit les porte-mousquetons des laisses, et les deux molosses se ruèrent au milieu du carnage, renversant tout, écartant tout, se frayant avec leurs cottes de fer un chemin jusqu’à l’animal, qu’ils saisirent chacun par une oreille.
Le sanglier, se sentant coiffé, fit claquer ses dents à la fois de rage et de douleur.
– Bravo! Duredent! bravo! Risquetout! cria Charles. Courage, les chiens! Un épieu! un épieu!
– Vous ne voulez pas mon arquebuse? dit le duc d’Alençon.
– Non, cria le roi, non, on ne sent pas entrer la balle; il n’y a pas de plaisir; tandis qu’on sent entrer l’épieu. Un épieu! un épieu!
On présenta au roi un épieu de chasse durci au feu et armé d’une pointe de fer.
– Mon frère, prenez garde! cria Marguerite.
– Sus! sus! cria la duchesse de Nevers. Ne le manquez pas, Sire! Un bon coup à ce parpaillot!
– Soyez tranquille, duchesse! dit Charles. Et, mettant son épieu en arrêt, il fondit sur le sanglier, qui, tenu par les deux chiens, ne put éviter le coup. Cependant, à la vue de l’épieu luisant, il fit un mouvement de côté, et l’arme, au lieu de pénétrer dans la poitrine, glissa sur l’épaule et alla s’émousser sur la roche contre laquelle l’animal était acculé.
– Mille noms d’un diable! cria le roi, je l’ai manqué… Un épieu! un épieu!
Et, se reculant comme faisaient les chevaliers lorsqu’ils prenaient du champ, il jeta à dix pas de lui son épieu hors de service.
Un piqueur s’avança pour lui en offrir un autre. Mais au même moment, comme s’il eût prévu le sort qui l’attendait et qu’il eût voulu s’y soustraire, le sanglier, par un violent effort, arracha aux dents des molosses ses deux oreilles déchirées, et, les yeux sanglants, hérissé, hideux, l’haleine bruyante comme un soufflet de forge, faisant claquer ses dents l’une contre l’autre, il s’élança la tête basse, vers le cheval du roi.
Charles était trop bon chasseur pour ne pas avoir prévu cette attaque. Il enleva son cheval, qui se cabra; mais il avait mal mesuré la pression, le cheval, trop serré par le mors ou peut-être même cédant à son épouvante, se renversa en arrière.
Tous les spectateurs jetèrent un cri terrible: le cheval était tombé, et le roi avait la cuisse engagée sous lui.
– La main, Sire, rendez la main, dit Henri. Le roi lâcha la bride de son cheval, saisit la selle de la main gauche, essayant de tirer de la droite son couteau de chasse; mais le couteau, pressé par le poids de son corps, ne voulut pas sortir de sa gaine.
– Le sanglier! le sanglier! cria Charles. À moi, d’Alençon! à moi!
Cependant le cheval, rendu à lui-même, comme s’il eût compris le danger que courait son maître, tendit ses muscles et était parvenu déjà à se relever sur trois jambes, lorsqu’à l’appel de son frère, Henri vit le duc François pâlir affreusement et approcher l’arquebuse de son épaule; mais la balle, au lieu d’aller frapper le sanglier, qui n’était plus qu’à deux pas du roi, brisa le genou du cheval, qui retomba le nez contre terre. Au même instant le sanglier déchira de son boutoir la botte de Charles.
– Oh! murmura d’Alençon de ses lèvres blêmissantes, je crois que le duc d’Anjou est roi de France, et que moi je suis roi de Pologne.
En effet le sanglier labourait la cuisse de Charles, lorsque celui-ci sentit quelqu’un qui lui levait le bras; puis il vit briller une lame aiguë et tranchante qui s’enfonçait et disparaissait jusqu’à la garde au défaut de l’épaule de l’animal, tandis qu’une main gantée de fer écartait la hure déjà fumante sous ses habits.
Charles, qui dans le mouvement qu’avait fait le cheval était parvenu à dégager sa jambe, se releva lourdement, et, se voyant tout ruisselant de sang, devint pâle comme un cadavre.
– Sire, dit Henri, qui toujours à genoux maintenait le sanglier atteint au cœur, Sire, ce n’est rien, j’ai écarté la dent, et Votre Majesté n’est pas blessée.
Puis il se releva, lâchant le couteau, et le sanglier tomba, rendant plus de sang encore par sa gueule que par sa plaie.
Charles, entouré de tout un monde haletant, assailli par des cris de terreur qui eussent étourdi le plus calme courage, fut un moment sur le point de tomber près de l’animal agonisant. Mais il se remit; et se retournant vers le roi de Navarre, il lui serra la main avec un regard où brillait le premier élan de sensibilité qui eût fait battre son cœur depuis vingt-quatre ans.
– Merci, Henriot! lui dit-il.
– Mon pauvre frère! s’écria d’Alençon en s’approchant de Charles.
– Ah! c’est toi, d’Alençon! dit le roi. Eh bien, fameux tireur, qu’est donc devenue ta balle?
– Elle se sera aplatie sur le sanglier, dit le duc.
– Eh! mon Dieu! s’écria Henri avec une surprise admirablement jouée, voyez donc, François, votre balle a cassé la jambe du cheval de Sa Majesté. C’est étrange!
– Hein! dit le roi. Est-ce vrai, cela?
– C’est possible, dit le duc consterné; la main me tremblait si fort!
– Le fait est que, pour un tireur habile, vous avez fait là un singulier coup, François! dit Charles en fronçant le sourcil. Une seconde fois, merci, Henriot! Messieurs, continua le roi, retournons à Paris, j’en ai assez comme cela.
Marguerite s’approcha pour féliciter Henri.
– Ah! ma foi, oui, Margot, dit Charles, fais-lui ton compliment, et bien sincère même, car sans lui le roi de France s’appelait Henri III.
– Hélas! madame, dit le Béarnais, M. le duc d’Anjou, qui est déjà mon ennemi, va m’en vouloir bien davantage. Mais que voulez-vous! on fait ce qu’on peut; demandez à M. d’Alençon.
Et, se baissant, il retira du corps du sanglier son couteau de chasse, qu’il plongea deux ou trois fois dans la terre, afin d’en essuyer le sang.