Fernande
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La baronne de Barth?le attend son vieil ami et amant le comte de Montgiroux, pair de France. Son fils Maurice, mari? ? la ni?ce du comte, se meurt de fi?vre c?r?brale. Sur la suggestion du m?decin de Maurice, la baronne a accept? de faire venir ? son ch?teau Mme Ducoudray qui pourrait apaiser la fi?vre du mourant. ? son arriv?e, la dame apprend le but de sa visite, sauver Maurice – Maurice, pr?nom qui ne lui est pas inconnu. Le comte d?couvre lui que Mme Ducoudray n'autre que Fernande,la courtisane qu’il a pris pour ma?tresse. Arrive ensuite Mme de Neuilly, parente de la baronne, veuve envieuse qui reconna?t en Fernande une ancienne pensionnaire d’orphelinat et qui voudrait bien savoir comment elle s'y est pris pour faire ce riche mariage avec M. Ducoudray. Elle r?v?le que Fernande est de sang noble, fille de la famille de Mormant. Par son entremise, Fernande apprend ? son tour que Maurice est en fait le fils du baron…
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– Eh bien, dit Fernande, au lieu de baiser le bas de ma robe, embrassez moi. Voyons, c’est un pis-aller que vous accepterez peut-être.
Et elle tendit son front à ce digne ami, qui y posa ses lèvres tremblantes. Cet événement, en apparence simple, était une des grandes émotions qu’il eût éprouvées dans sa vie.
– Par où sortons-nous de Paris? demanda le postillon.
– Par la barrière de Fontainebleau, répondit Fernande.
Et, comme la voiture commençait à s’ébranler, elle passa une dernière fois par la portière sa main, sur laquelle cet homme, qui n’avait jamais été qu’un ami, déposa un dernier baiser.
Puis les chevaux partirent de cette course rapide qu’ils conservent tant qu’ils sont dans l’intérieur de la ville, et qu’ils semblent quitter d’eux-mêmes dès qu’ils atteignent les faubourgs.
En même temps que Fernande sortait de Paris par la barrière de Fontainebleau, M. de Montgiroux y rentrait par la barrière du Maine. Il n’avait pas pu attendre l’heure dite et venait demander compte à sa belle maîtresse de sa disparition de la maison de Fontenay-aux-Roses, disparition qui, du reste, n’avait étonné que lui.
Le pair de France, en arrivant chez Fernande, y trouva les domestiques dans tout le loisir des conjectures. Seulement, il y avait un point positif, c’est que la femme de chambre avait été chargée par sa maîtresse de dire au comte qu’elle avait quitté Paris pour n’y jamais revenir. Il fallut, au reste, qu’elle répétât cette désespérante nouvelle huit ou dix fois; M. de Montgiroux n’y voulait pas croire.
Dans son désespoir, il courut chez madame d’Aulnay, et lui raconta tout, c’est-à-dire le peu qu’il savait, lui demandant si elle en savait davantage. Madame d’Aulnay était encore plus ignorante que le comte; mais en sa qualité de femme auteur, elle cria tout d’abord à l’immoralité, promit de s’enquérir, dénatura les faits qu’elle put recueillir relativement à cette étrange disparition, en inventa d’autres pour lui donner avec ses propres idées un lien logique, et le lendemain, tous les oisifs du Paris élégant ne s’occupaient, au boulevard Tortoni, au foyer de l’Opéra et au Jockey-Club, que de la disparition de la belle Fernande. On vécut huit jours sur cet événement.
Au milieu de l’étonnement général, Léon de Vaux et Fabien de Rieulle ne furent pas les moins surpris. Il était évident pour eux que cette absence de Fernande se reliait aux événements dans lesquels ils avaient joué un rôle pendant cette journée du 7 mai, journée durant laquelle il s’était passé tant de choses. Mais, comme la première fois qu’ils retournèrent à Fontenay, il leur fut répondu que M. Maurice était encore souffrant, que madame de Barthèle n’était pas visible, et que la baronne était à Paris, ils furent, comme les autres, forcés de s’en tenir à de simples conjectures.
Madame de Neuilly, perdant l’espoir d’humilier son amie en lui faisant sentir la supériorité que donne une conduite sans reproche, se promettait de se venger sur madame de Barthèle et sur la baronne. Malheureusement, la baronne, avec son fils, faible encore, et avec Clotilde, radieuse de bonheur, reparut bientôt dans le monde pour y annoncer son mariage prochain avec le comte de Montgiroux, mariage qui eut lieu le 7 juin 1835, c’est-à-dire un mois, jour pour jour, après la visite de Fernande à Fontenay-aux-Roses.
Trois mois après, comme le lui avait promis Fernande, Maurice reçut la lettre suivante, qui ne pouvait au reste lui offrir aucun renseignement sur le pays qu’elle habitait, l’enveloppe ne portant pas de timbre:
«10 août 1835.
» Trois mois sont écoulés depuis que je vous ai quitté, Maurice, et la Providence m’a tenu parole. Le comte de Montgiroux a épousé votre mère; on vous a vu plein de jeunesse et de santé aux dernières courses du Champ de Mars, et, si vous ne vous avouez pas encore que vous êtes heureux, déjà Clotilde dit tout haut qu’elle est heureuse.
» Dieu soit béni!
» Vous le voyez, Maurice, je ne vis pas si éloignée de vous et isolée du monde, que je vous aie entièrement perdu de vue; il est vrai qu’au milieu du bruit que continue de faire en roulant dans l’espace cet immense univers, je ne tends l’oreille que du côté où je sais que vous êtes.
» Oh! Maurice, que tous les événements de cette journée ont été conduits par une main paternelle et miséricordieuse! et que dans mes prières du matin et du soir je remercie Dieu de nous avoir inspiré le courage de faire ce que nous avons fait!
» Maintenant à moi de tenir ma promesse en vous parlant de moi.
» J’habite un vieux château bâti sous Louis XIII, je crois, avec des murs rouges et gris, des toits élancés, couverts d’ardoises et armés de girouettes qui grincent au vent. On arrive à la porte principale par une grande allée d’ormes, aux formes tortueuses et fantastiques, qui le soir, quand par hasard je m’attarde dans quelque village et que je reviens seule, me font presque peur.
» Cela vous étonne, Maurice, que je revienne tard et seule? Je vis au milieu de bonnes gens, et je me suis faite campagnarde comme eux.
» Maintenant, suivez-moi.
» En rentrant au château, – il faut bien que je donne à ma demeure le nom sous lequel elle est connue, – en quittant l’allée d’ormes, je franchis une grande porte ornée d’un écusson; si j’étais savante en blason, je vous dirais si le champ est d’azur, de gueules, de sinople ou de sable, si le lion qui l’orne est issant, passant ou rampant; mais comme je suis très-ignorante en pareille matière, je me contenterai de vous dire que l’écusson est rayé en travers, et que le lion est debout et tient une épée.
» Vous voyez donc ma porte, n’est-ce pas, s’ouvrant au bout de son allée d’ormes et surmontée de son écusson au lion armé.
» Cette porte donne dans une vaste cour pavée autrefois dans toute son étendue, mais au milieu de laquelle j’ai fait planter un massif d’arbres dont tous les pieds sont garnis de fleurs. La voiture peut tourner, par des chemins sablés et en longeant des haies de lilas, autour de ce massif, pour s’arrêter devant un perron composé de quatre marches, et sur la rampe duquel se dressent deux lions pareils à celui de l’écusson et armés comme lui d’une épée.
» Vous connaissez ces vestibules de vieux châteaux, n’est-ce pas? tout en bois de chêne noirci par le temps, et de ce ton chaud et hardi auquel la peinture ne saurait atteindre.
» Le vestibule conduit dans une salle à manger immense, dallée de carreaux noirs et blancs alternant entre eux comme les cases d’un damier. Tous les dessus de portes représentent des chasses aux sangliers, aux cerfs, aux daims et aux renards. Les murs sont tendus de tapisseries à personnages représentant toute l’histoire de Moïse. Il y a un Moïse faisant jaillir l’eau du rocher qui est vraiment d’un beau caractère.
» Il est inutile de vous dire que je ne mange jamais dans cette grande salle, où l’on ne peut raisonnablement dîner qu’à douze ou quinze.
» Près de la salle à manger est un grand salon, rococo, Louis XV, Pompadour, comme vous voudrez, avec des fauteuils, des canapés et des rideaux de satin rouge, brochés blanc. Ce sont des fleurs, des oiseaux et des arabesques à n’en plus finir. C’est le grand salon de réception, et, comme je ne reçois pas, je n’en parle que pour mémoire.