La Reine Margot Tome I
La Reine Margot Tome I читать книгу онлайн
Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала
– Si je vous dis que je vous aime, me serez-vous entièrement dévoué?
– Eh! ne le suis-je point déjà, madame, et tout entier?
– Oui; mais vous doutez encore, Dieu me pardonne!
– Oh! j’ai tort, je suis ingrat, ou plutôt, comme je vous l’ai dit et comme vous l’avez répété, je suis un fou. Mais pourquoi M. de Mouy était-il chez vous ce soir? pourquoi l’ai-je vu ce matin chez M. le duc d’Alençon? pourquoi ce manteau cerise, cette plume blanche, cette affectation d’imiter ma tournure?… Ah! madame, ce n’est pas vous que je soupçonne, c’est votre frère.
– Malheureux! dit Marguerite, malheureux qui croit que le duc François pousse la complaisance jusqu’à introduire un soupirant chez sa sœur! Insensé qui se dit jaloux et qui n’a pas deviné! Savez-vous, La Mole, que le duc d’Alençon demain vous tuerait de sa propre épée s’il savait que vous êtes là, ce soir, à mes genoux, et qu’au lieu de vous chasser de cette place, je vous dis: Restez là comme vous êtes, La Mole; car je vous aime, mon beau gentilhomme, entendez-vous? je vous aime! Eh bien, oui, je vous le répète, il vous tuerait!
– Grand Dieu! s’écria La Mole en se renversant en arrière et en regardant Marguerite avec effroi, serait-il possible?
– Tout est possible, ami, en notre temps et dans cette cour. Maintenant, un seul mot: ce n’était pas pour moi que M. de Mouy, revêtu de votre manteau, le visage caché sous votre feutre, venait au Louvre. C’était pour M. d’Alençon. Mais moi, je l’ai amené ici, croyant que c’était vous. Il tient notre secret, La Mole, il faut donc le ménager.
– J’aime mieux le tuer, dit La Mole, c’est plus court et c’est plus sûr.
– Et moi, mon brave gentilhomme, dit la reine, j’aime mieux qu’il vive et que vous sachiez tout, car sa vie nous est non seulement utile, mais nécessaire. Écoutez et pesez bien vos paroles avant de me répondre: m’aimez-vous assez, La Mole, pour vous réjouir si je devenais véritablement reine, c’est-à-dire maîtresse d’un véritable royaume?
– Hélas! madame, je vous aime assez pour désirer ce que vous désirez, ce désir dût-il faire le malheur de toute ma vie!
– Eh bien, voulez-vous m’aider à réaliser ce désir, qui vous rendra plus heureux encore?
– Oh! je vous perdrai, madame! s’écria La Mole en cachant sa tête dans ses mains.
– Non pas, au contraire; au lieu d’être le premier de mes serviteurs, vous deviendrez le premier de mes sujets. Voilà tout.
– Oh! pas d’intérêt… pas d’ambition, madame… Ne souillez pas vous-même le sentiment que j’ai pour vous… du dévouement, rien que du dévouement!
– Noble nature! dit Marguerite. Eh bien, oui, je l’accepte, ton dévouement, et je saurai le reconnaître.
Et elle lui tendit ses deux mains que La Mole couvrit de baisers.
– Eh bien? dit-elle.
– Eh bien, oui! répondit La Mole. Oui, Marguerite, je commence à comprendre ce vague projet dont on parlait déjà chez nous autres huguenots avant la Saint-Barthélemy; ce projet pour l’exécution duquel, comme tant d’autres plus dignes que moi, j’avais été mandé à Paris. Cette royauté réelle de Navarre qui devait remplacer une royauté fictive, vous la convoitez; le roi Henri vous y pousse. de Mouy conspire avec vous, n’est-ce pas? Mais le duc d’Alençon, que fait-il dans toute cette affaire? où y a-t-il un trône pour lui dans tout cela? Je n’en vois point. Or, le duc d’Alençon est-il assez votre… ami pour vous aider dans tout cela, et sans rien exiger en échange du danger qu’il court?
– Le duc, ami, conspire pour son compte. Laissons-le s’égarer: sa vie nous répond de la nôtre.
– Mais moi, moi qui suis à lui, puis-je le trahir?
– Le trahir! et en quoi le trahirez-vous? Que vous a-t-il confié? N’est-ce pas lui qui vous a trahi en donnant à de Mouy votre manteau et votre chapeau comme un moyen de pénétrer jusqu’à lui? Vous êtes à lui, dites-vous! N’étiez-vous pas à moi, mon gentilhomme, avant d’être à lui? Vous a-t-il donné une plus grande preuve d’amitié que la preuve d’amour que vous tenez de moi?
La Mole se releva pâle et comme foudroyé.
– Oh! murmura-t-il, Coconnas me le disait bien. L’intrigue m’enveloppe dans ses replis. Elle m’étouffera.
– Eh bien? demanda Marguerite.
– Eh bien, dit La Mole, voici ma réponse: on prétend, et je l’ai entendu dire à l’autre extrémité de la France, où votre nom si illustre, votre réputation de beauté si universelle m’étaient venus, comme un vague désir de l’inconnu, effleurer le cœur; on prétend que vous avez aimé quelquefois, et que votre amour a toujours été fatal aux objets de votre amour, si bien que la mort, jalouse sans doute, vous a presque toujours enlevé vos amants.
– La Mole!…
– Ne m’interrompez pas, ô ma Margarita chérie, car on ajoute aussi que vous conservez dans des boîtes d’or les cœurs de ces fidèles amis, et que parfois vous donnez à ces tristes restes un souvenir mélancolique, un regard pieux. Vous soupirez, ma reine, vos yeux se voilent; c’est vrai. Eh bien, faites de moi le plus aimé et le plus heureux de vos favoris. Des autres vous avez percé le cœur, et vous gardez ce cœur; de moi, vous faites plus, vous exposez ma tête… Eh bien, Marguerite, jurez-moi devant l’image de ce Dieu qui m’a sauvé la vie ici même, jurez-moi que si je meurs pour vous, comme un sombre pressentiment me l’annonce, jurez-moi que vous garderez, pour y appuyer quelquefois vos lèvres, cette tête que le bourreau aura séparée de mon corps; jurez, Marguerite, et la promesse d’une telle récompense, faite par ma reine, me rendra muet, traître et lâche au besoin, c’est-à-dire tout dévoué, comme doit l’être votre amant et votre complice.
– Ô lugubre folie, ma chère âme! dit Marguerite; ô fatale pensée, mon doux amour!
– Jurez…
– Que je jure?
– Oui, sur ce coffret d’argent que surmonte une croix. Jurez.
– Eh bien, dit Marguerite, si, ce qu’à Dieu ne plaise! tes sombres pressentiments se réalisaient, mon beau gentilhomme, sur cette croix, je te le jure, tu seras près de moi, vivant ou mort, tant que je vivrai moi-même; et si je ne puis te sauver dans le péril où tu te jettes pour moi, pour moi seule, je le sais, je donnerai du moins à ta pauvre âme la consolation que tu demandes et que tu auras si bien méritée.
– Un mot encore, Marguerite. Je puis mourir maintenant, me voilà rassuré sur ma mort; mais aussi je puis vivre, nous pouvons réussir: le roi de Navarre peut être roi, vous pouvez être reine, alors le roi vous emmènera; ce vœu de séparation fait entre vous se rompra un jour et amènera la nôtre. Allons, Marguerite, chère Marguerite bien-aimée, d’un mot vous m’avez rassuré sur ma mort, d’un mot maintenant rassurez-moi sur ma vie.
– Oh! ne crains rien, je suis à toi corps et âme, s’écria Marguerite en étendant de nouveau la main sur la croix du petit coffre: si je pars, tu me suivras; et si le roi refuse de t’emmener, c’est moi alors qui ne partirai pas.