Le Chevalier De Maison-Rouge
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Un des livres consacr?s par Dumas ? la R?volution Fran?aise. L'action se passe en 1793. Le jacobin Maurice Lindey, officier dans la garde civique, sauve des investigations d'une patrouille une jeune et belle inconnue, qui garde l'anonymat. Prisonni?re au Temple, o? r?gne le cordonnier Simon, ge?lier du dauphin, Marie-Antoinette re?oit un billet lui annon?ant que le chevalier de Maison-Rouge pr?pare son enl?vement…
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Morand venait tout naturellement d’attirer Maurice sur un terrain délicat. Maurice avait, à son tour, répondu par un signe affirmatif; la lice était ouverte. Dixmer alors, comme un héraut qui sonne, ajouta:
– Un moment, un moment, citoyen Morand; vous en exceptez, j’espère, les femmes ennemies de la nation.
Un silence de quelques secondes suivit cette riposte à la réponse de Morand et au signe de Maurice.
Ce silence, ce fut Maurice qui le rompit.
– N’exceptons personne, dit-il tristement; hélas! les femmes qui ont été les ennemies de la nation en sont bien punies aujourd’hui, ce me semble.
– Vous voulez parler des prisonnières du Temple, de l’Autrichienne, de la sœur et de la fille de Capet, s’écria Dixmer avec une volubilité, qui ôtait toute expression à ses paroles.
Morand pâlit en attendant la réponse du jeune municipal, et l’on eût dit, si l’on eût pu les voir, que ses ongles allaient tracer un sillon sur sa poitrine, tant ils s’y appliquaient profondément.
– Justement, dit Maurice, c’est d’elles que je parle.
– Quoi! dit Morand d’une voix étranglée, ce que l’on dit est-il vrai, citoyen Maurice?
– Et que dit-on? demanda le jeune homme.
– Que les prisonnières sont cruellement maltraitées, parfois, par ceux-là mêmes dont le devoir serait de les protéger.
– Il y a des hommes, dit Maurice, qui ne méritent pas le nom d’hommes. Il y a des lâches qui n’ont point combattu, et qui ont besoin de torturer les vaincus pour se persuader à eux-mêmes qu’ils sont vainqueurs.
– Oh! vous n’êtes point de ces hommes-là, vous, Maurice, et j’en suis bien certaine, s’écria Geneviève.
– Madame, répondit Maurice, moi qui vous parle, j’ai monté la garde auprès de l’échafaud sur lequel a péri le feu roi. J’avais le sabre à la main, et j’étais là pour tuer de ma main quiconque eût voulu le sauver. Cependant, lorsqu’il est arrivé près de moi, j’ai, malgré moi, ôté mon chapeau, et, me retournant vers mes hommes:
«- Citoyens, leur ai-je dit, je vous préviens que je passe mon sabre au travers du corps du premier qui insultera le ci-devant roi.
» Oh! je défie qui que ce soit de dire qu’un seul cri soit parti de ma compagnie. C’est encore moi qui avais écrit de ma main le premier des dix mille écriteaux qui furent affichés dans Paris, lorsque le roi revint de Varennes: «Quiconque saluera le roi sera battu; quiconque l’insultera sera pendu.»
» Eh bien, continua Maurice sans remarquer le terrible effet que ses paroles produisaient dans l’assemblée, eh bien, j’ai donc prouvé que je suis un bon et franc patriote, que je déteste les rois et leurs partisans. Eh bien, je le déclare, malgré mes opinions, qui ne sont rien autre chose que des convictions profondes, malgré la certitude que j’ai que l’Autrichienne est, pour sa bonne part, dans les malheurs qui désolent la France, jamais, jamais un homme, quel qu’il soit, fût-ce Santerre lui-même, n’insultera l’ex-reine en ma présence.
– Citoyen, interrompit Dixmer, secouant la tête en homme qui désapprouve une telle hardiesse, savez-vous qu’il faut que vous soyez bien sûr de nous pour dire de pareilles choses devant nous?
– Devant vous, comme devant tous, Dixmer; et j’ajouterai: elle périra peut-être sur l’échafaud de son mari, mais je ne suis pas de ceux à qui une femme fait peur, et je respecterai toujours tout ce qui est plus faible que moi.
– Et la reine, demanda timidement Geneviève, vous a-t-elle témoigné parfois, monsieur Maurice, qu’elle fût sensible à cette délicatesse, à laquelle elle est loin d’être accoutumée?
– La prisonnière m’a remercié plusieurs fois de mes égards pour elle, madame.
– Alors, elle doit voir revenir votre tour de garde avec plaisir?
– Je le crois, répondit Maurice.
– Alors, dit Morand tremblant comme une femme, puisque vous avouez ce que personne n’avoue plus maintenant, c’est-à-dire un cœur généreux, vous ne persécutez pas non plus les enfants?
– Moi? dit Maurice. Demandez à l’infâme Simon ce que pèse le bras du municipal devant lequel il a eu l’audace de battre le petit Capet.
Cette réponse produisit un mouvement spontané à la table de Dixmer, tous les convives se levèrent respectueusement.
Maurice seul était resté assis et ne se doutait pas qu’il causait cet élan d’admiration.
– Eh bien, qu’y a-t-il donc? demanda-t-il avec étonnement.
– J’avais cru qu’on avait appelé de l’atelier, répondit Dixmer.
– Non, non, dit Geneviève. Je l’avais cru d’abord aussi; mais nous nous sommes trompés.
Et chacun reprit sa place.
– Ah! c’est donc vous, citoyen Maurice, dit Morand d’une voix tremblante, qui êtes le municipal dont on a tant parlé, et qui a si noblement défendu un enfant?
– On en a parlé? dit Maurice avec une naïveté presque sublime.
– Oh! voilà un noble cœur, dit Morand en se levant de table, pour ne point éclater, et en se retirant dans l’atelier, comme si un travail pressé le réclamait.
– Oui, citoyen, répondit Dixmer, oui, on en a parlé; et l’on doit dire que tous les gens de cœur et de courage vous ont loué sans vous connaître.
– Et laissons-le inconnu, dit Geneviève; la gloire que nous lui donnerions serait une gloire trop dangereuse.
Ainsi, dans cette conversation singulière, chacun, sans le savoir, avait placé son mot d’héroïsme, de dévouement et de sensibilité.
Il y avait eu jusqu’au cri de l’amour.
XVII Les mineurs
Au moment où l’on sortait de table, Dixmer fut prévenu que son notaire l’attendait dans son cabinet; il s’excusa près de Maurice, qu’il avait d’ailleurs l’habitude de quitter ainsi, et se rendit où l’attendait son tabellion.
Il s’agissait de l’achat d’une petite maison rue de la Corderie, en face du jardin du Temple. C’était plutôt, du reste, un emplacement qu’une maison qu’achetait Dixmer, car la bâtisse actuelle tombait en ruine; mais il avait l’intention de la faire relever.
Aussi le marché n’avait-il point traîné avec le propriétaire; le matin même, le notaire l’avait vu et était tombé d’accord à dix-neuf mille cinq cents livres. Il venait faire signer le contrat et toucher la somme en échange de cette bâtisse; le propriétaire devait complètement débarrasser, dans la journée même, la maison, où les ouvriers devaient être mis le lendemain.
Le contrat signé, Dixmer et Morand se rendirent avec le notaire rue de la Corderie, pour voir à l’instant même la nouvelle acquisition, car elle était achetée sauf visite.