Le Chevalier De Maison-Rouge
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Un des livres consacr?s par Dumas ? la R?volution Fran?aise. L'action se passe en 1793. Le jacobin Maurice Lindey, officier dans la garde civique, sauve des investigations d'une patrouille une jeune et belle inconnue, qui garde l'anonymat. Prisonni?re au Temple, o? r?gne le cordonnier Simon, ge?lier du dauphin, Marie-Antoinette re?oit un billet lui annon?ant que le chevalier de Maison-Rouge pr?pare son enl?vement…
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La femme de chambre avait pris ce nom de fleur en haine du nom de Marie, qu’elle avait le malheur de porter comme l’Autrichienne.
Sur l’invitation de son maître, elle se leva et sortit.
– Eh bien, chère Geneviève, demanda Dixmer, la paix est-elle faite avec Maurice?
– Tout au contraire, mon ami, je crois que nous sommes à cette heure plus en froid que jamais.
– Et cette fois, qui a tort? demanda Dixmer.
– Maurice, sans aucun doute.
– Voyons, faites-moi juge.
– Comment! dit Geneviève en rougissant, vous ne devinez pas?
– Pourquoi il s’est fâché? Non.
– Il a pris Muguet en grippe, à ce qu’il paraît.
– Bah! vraiment? Alors il faut renvoyer cette fille. Je ne me priverai pas pour une femme de chambre d’un ami comme Maurice.
– Oh! dit Geneviève, je crois qu’il n’irait pas jusqu’à exiger qu’on l’exilât de la maison, et qu’il lui suffirait…
– Quoi?
– Qu’on l’exilât de ma chambre.
– Et Maurice a raison, dit Dixmer. C’est à vous et non à Muguet que Maurice vient rendre visite; il est donc inutile que Muguet soit là, à demeure, quand il vient.
Geneviève regarda son mari avec étonnement.
– Mais, mon ami…, dit-elle.
– Geneviève, reprit Dixmer, je croyais avoir en vous un allié qui rendrait plus facile la tâche que je me suis imposée, et voilà, au contraire, que vos craintes redoublent nos difficultés. Il y a quatre jours que je croyais tout arrêté entre nous, et voilà que tout est à refaire. Geneviève, ne vous ai-je pas dit que je me fiais en vous, en votre honneur? ne vous ai-je pas dit qu’il fallait enfin que Maurice redevînt notre ami plus intime et moins défiant que jamais? Oh! mon Dieu! que les femmes sont un éternel obstacle à nos projets!
– Mais, mon ami, n’avez-vous pas quelque autre moyen? Pour nous tous, je l’ai déjà dit, mieux vaudrait que M. Maurice fût éloigné.
– Oui, pour nous tous, peut-être: mais, pour celle qui est au-dessus de nous tous, pour celle à qui nous avons juré de sacrifier notre fortune, notre vie, notre honneur même, il faut que ce jeune homme revienne. Savez-vous que l’on a des soupçons sur Turgy, et qu’on parle de donner un autre serviteur aux princesses?
– C’est bien, je renverrai Muguet.
– Eh! mon Dieu, Geneviève, dit Dixmer avec un de ces mouvements d’impatience si rares chez lui, pourquoi me parler de cela? pourquoi souffler le feu de ma pensée avec la vôtre? pourquoi me créer des difficultés dans la difficulté même? Geneviève, faites, en femme honnête, dévouée, ce que vous croirez devoir faire, voilà ce que je vous dis; demain, je serai sorti; demain, je remplace Morand dans ses travaux d’ingénieur. Je ne dînerai point avec vous, mais lui y dînera; il a quelque chose à demander à Maurice, il vous expliquera ce que c’est. Ce qu’il a à lui demander, songez-y, Geneviève, c’est la chose importante; c’est, non pas le but auquel nous marchons, mais le moyen; c’est le dernier espoir de cet homme si bon, si noble, si dévoué; de ce protecteur de vous et de moi, pour qui nous devons donner notre vie.
– Et pour qui je donnerais la mienne! s’écria Geneviève avec enthousiasme.
– Eh bien! cet homme, Geneviève, je ne sais comment cela s’est fait, vous n’avez pas su le faire aimer à Maurice, de qui il était important surtout qu’il fût aimé. En sorte qu’aujourd’hui, dans la mauvaise disposition d’esprit où vous l’avez mis, Maurice refusera peut-être à Morand ce qu’il lui demandera, et ce qu’il faut à tout prix que nous obtenions. Voulez-vous maintenant que je vous dise, Geneviève, où mèneront Morand toutes vos délicatesses et toutes vos sentimentalités?
– Oh! monsieur, s’écria Geneviève en joignant les mains et en pâlissant, monsieur, ne parlons jamais de cela.
– Eh bien, donc, reprit Dixmer en posant ses lèvres sur le front de sa femme, soyez forte et réfléchissez.
Et il sortit.
– Oh! mon Dieu, mon Dieu! murmura Geneviève avec angoisse, que de violences ils me font pour que j’accepte cet amour vers lequel vole toute mon âme!…
Le lendemain, comme nous l’avons dit déjà, était un décadi.
Il y avait un usage fondé dans la famille Dixmer, comme dans toutes les familles bourgeoises de l’époque: c’était un dîner plus long et plus cérémonieux le dimanche que les autres jours. Depuis son intimité, Maurice, invité à ce dîner une fois pour toutes, n’y avait jamais manqué. Ce jour-là, quoiqu’on ne se mît d’habitude à table qu’à deux heures, Maurice arrivait à midi.
À la manière dont il était parti, Geneviève désespéra presque de le voir.
En effet, midi sonna sans qu’on aperçût Maurice; puis midi et demi, puis une heure.
Il serait impossible d’exprimer ce qui se passait, pendant cette attente, dans le cœur de Geneviève.
Elle s’était d’abord habillée le plus simplement possible; puis, voyant qu’il tardait à venir, par ce sentiment de coquetterie naturelle au cœur de la femme, elle avait mis une fleur à son côté, une fleur dans ses cheveux, et elle avait attendu encore en sentant son cœur se serrer de plus en plus. On en était arrivé ainsi presque au moment de se mettre à table, et Maurice ne paraissait pas.
À deux heures moins dix minutes, Geneviève entendit le pas du cheval de Maurice, ce pas qu’elle connaissait si bien.
– Oh! le voici, s’écria-t-elle; son orgueil n’a pu lutter contre son amour. Il m’aime! il m’aime!
Maurice sauta à bas de son cheval qu’il remit aux mains du garçon jardinier, mais en lui ordonnant de l’attendre où il était. Geneviève le regardait descendre et vit avec inquiétude que le jardinier ne conduisait point le cheval à l’écurie.
Maurice entra. Il était ce jour-là d’une beauté resplendissante. Le large habit noir carré à grands revers, le gilet blanc, la culotte de peau de chamois dessinant des jambes moulées sur celles de l’Apollon; le col de batiste blanche et ses beaux cheveux, découvrant un front large et poli, en faisaient un type d’élégante et vigoureuse nature.
Il entra.
Comme nous l’avons dit, sa présence dilatait le cœur de Geneviève; elle l’accueillit radieuse.
– Ah! vous voilà, dit-elle en lui tendant la main; vous dînez avec nous, n’est-ce pas?
– Au contraire, citoyenne, dit Maurice d’un ton froid, je venais vous demander la permission de m’absenter.
– Vous absenter?
– Oui, les affaires de la section me réclament. J’ai craint que vous ne m’attendiez et que vous ne m’accusiez d’impolitesse; voilà pourquoi je suis venu.