Le Chevalier De Maison-Rouge
Le Chevalier De Maison-Rouge читать книгу онлайн
Un des livres consacr?s par Dumas ? la R?volution Fran?aise. L'action se passe en 1793. Le jacobin Maurice Lindey, officier dans la garde civique, sauve des investigations d'une patrouille une jeune et belle inconnue, qui garde l'anonymat. Prisonni?re au Temple, o? r?gne le cordonnier Simon, ge?lier du dauphin, Marie-Antoinette re?oit un billet lui annon?ant que le chevalier de Maison-Rouge pr?pare son enl?vement…
Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала
– Pour habiller les déesses? Peste! mon cher! tu es difficile. Eh bien, voyons, si cela peut te distraire, je la lui mettrai, sa tunique, et toi, tu la lui ôteras.
– Lorin, je suis malade, et non seulement je n’ai plus de gaieté, mais encore la gaieté des autres me fait mal.
– Ah çà! tu m’effrayes, Maurice: tu ne te bats plus, tu ne ris plus; est-ce que tu conspires, par hasard?
– Moi! plût à Dieu!
– Tu veux dire: plût à la déesse Raison!
– Laisse-moi, Lorin, je ne puis, je ne veux pas sortir; je suis au lit et j’y reste.
Lorin se gratta l’oreille.
– Bon! dit-il, je vois ce que c’est.
– Et que vois-tu?
– Je vois que tu attends la déesse Raison.
– Corbleu! s’écria Maurice, les amis spirituels sont bien gênants; va-t’en, ou je te charge d’imprécations, toi et ta déesse.
– Charge, charge…
Maurice levait la main pour maudire, lorsqu’il fut interrompu par son officieux, qui entrait en ce moment, tenant une lettre pour le citoyen son frère.
– Citoyen Agésilas, dit Lorin, tu entres dans un mauvais moment; ton maître allait être superbe.
Maurice laissa retomber sa main, qu’il étendit nonchalamment vers la lettre; mais à peine l’eût-il touchée qu’il tressaillit, et, l’approchant avidement de ses yeux, dévora du regard l’écriture et le cachet, et, tout en blêmissant, comme s’il allait se trouver mal, rompit le cachet.
– Oh! oh! murmura Lorin, voici notre intérêt qui s’éveille, à ce qu’il paraît.
Maurice n’écoutait plus, il lisait avec toute son âme les quelques lignes de Geneviève. Après les avoir lues, il les relut deux, trois, quatre fois; puis il s’essuya le front et laissa retomber ses mains, regardant Lorin comme un homme hébété.
– Diable! dit Lorin, il paraît que voilà une lettre qui renferme de fières nouvelles.
Maurice relut la lettre pour la cinquième fois, et un vermillon nouveau colora son visage. Ses yeux desséchés s’humectèrent, et un profond soupir dilata sa poitrine; puis, oubliant tout à coup sa maladie et la faiblesse qui en était la suite, il sauta hors de son lit.
– Mes habits! s’écria-t-il à l’officieux stupéfait; mes habits, mon cher Agésilas! Ah! mon pauvre Lorin, mon bon Lorin, je l’attendais tous les jours, mais, en vérité, je ne l’espérais pas. Çà, une culotte blanche, une chemise à jabot; qu’on me coiffe et qu’on me rase sur-le-champ!
L’officieux se hâta d’exécuter les ordres de Maurice, le coiffa et le rasa en un tour de main.
– Oh! la revoir! la revoir! s’écria le jeune homme, Lorin, en vérité, je n’ai pas su jusqu’à présent ce que c’était que le bonheur.
– Mon pauvre Maurice, dit Lorin, je crois que tu as besoin de la visite que je te conseillais.
– Oh! cher ami, s’écria Maurice, pardonne-moi; mais, en vérité, je n’ai plus ma raison.
– Alors je t’offre la mienne, dit Lorin en riant de cet affreux calembour.
Ce qu’il y eut de plus étonnant, c’est que Maurice en rit aussi.
Le bonheur l’avait rendu facile en matière d’esprit.
Ce ne fut point tout.
– Tiens, dit-il en coupant un oranger couvert de fleurs, offre de ma part ce bouquet à la digne veuve de Mausole.
– À la bonne heure! s’écria Lorin, voilà de la belle galanterie! Aussi, je te pardonne. Et puis, il me semble que décidément tu es bien amoureux, et j’ai toujours eu le plus profond respect pour les grandes infortunes.
– Eh bien, oui, je suis amoureux, s’écria Maurice, dont le cœur éclatait de joie; je suis amoureux, et maintenant je puis l’avouer puisqu’elle m’aime; car, puisqu’elle me rappelle, c’est qu’elle m’aime, n’est-ce pas, Lorin?
– Sans doute, répondit complaisamment l’adorateur de la déesse Raison; mais prends garde, Maurice; la façon dont tu prends la chose fait peur…
Souvent l’amour d’une Égérie
N’est rien moins qu’une trahison
Du tyran nommé Cupidon:
Près de la plus sage on s’oublie.
Aime ainsi que moi la Raison,
Tu ne feras pas de folie.
– Bravo! bravo! cria Maurice en battant des mains.
Et, prenant ses jambes à son cou, il descendit les escaliers, quatre à quatre, gagna le quai, et s’élança dans la direction si connue de la vieille rue Saint-Jacques.
– Je crois qu’il m’a applaudi, Agésilas? demanda Lorin.
– Oui, certainement, citoyen, et il n’y a rien d’étonnant, car c’était bien joli, ce que vous avez dit là.
– Alors, il est plus malade que je ne croyais, dit Lorin.
Et, à son tour, il descendit l’escalier, mais d’un pas plus calme. Arthémise n’était pas Geneviève.
À peine Lorin fut-il dans la rue Saint-Honoré, lui et son oranger en fleurs, qu’une foule de jeunes citoyens, auxquels il avait pris, selon la disposition d’esprit où il se trouvait, l’habitude de distribuer des décimes ou des coups de pied au-dessous de la carmagnole, le suivirent respectueusement, le prenant sans doute pour un de ces hommes vertueux, auxquels Saint-Just avait proposé que l’on offrît un habit blanc et un bouquet de fleurs d’oranger.
Comme le cortège allait sans cesse grossissant, tant, même à cette époque, un homme vertueux était chose rare à voir, il y avait bien plusieurs milliers de jeunes citoyens, lorsque le bouquet fut offert à Arthémise; hommage dont plusieurs autres Raisons, qui se mettaient sur les rangs, furent malades jusqu’à la migraine.
Ce fut ce soir-là même que se répandit dans Paris la fameuse cantate:
Vive la déesse Raison!
Flamme pure, douce lumière.
Et, comme elle est parvenue jusqu’à nous sans nom d’auteur, ce qui a fort exercé la sagacité des archéologues révolutionnaires, nous aurions presque l’audace d’affirmer qu’elle fut faite pour la belle Arthémise par notre ami Hyacinthe Lorin.