Le Chevalier De Maison-Rouge
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Un des livres consacr?s par Dumas ? la R?volution Fran?aise. L'action se passe en 1793. Le jacobin Maurice Lindey, officier dans la garde civique, sauve des investigations d'une patrouille une jeune et belle inconnue, qui garde l'anonymat. Prisonni?re au Temple, o? r?gne le cordonnier Simon, ge?lier du dauphin, Marie-Antoinette re?oit un billet lui annon?ant que le chevalier de Maison-Rouge pr?pare son enl?vement…
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Il était suivi par un petit chien épagneul qui hurlait lamentablement.
– À mort l’aristocrate! à mort le ci-devant! crièrent quelques hommes du peuple en désignant le jeune homme; il a trempé son mouchoir dans le sang de l’Autrichienne: à mort!
– Grand Dieu! dit Maurice à Lorin, le reconnais-tu? le reconnais-tu?
– À mort le royaliste! répétèrent les forcenés; ôtez-lui ce mouchoir dont il veut se faire une relique: arrachez, arrachez!
Un sourire orgueilleux erra sur les lèvres du jeune homme; il arracha sa chemise, découvrit sa poitrine, et laissa tomber son mouchoir.
– Messieurs, dit-il, ce sang n’est pas celui de la reine, mais bien le mien; laissez-moi mourir tranquillement.
Et une blessure profonde et reluisante apparut béante sous sa mamelle gauche.
La foule jeta un cri et recula.
Alors le jeune homme s’affaissa lentement et tomba sur ses genoux en regardant l’échafaud comme un martyr regarde l’autel.
– Maison-Rouge! murmura Lorin à l’oreille de Maurice.
– Adieu! murmura le jeune homme en baissant la tête avec un divin sourire; adieu, ou plutôt au revoir!
Et il expira au milieu des gardes stupéfaits.
– Il y a encore cela à faire, Lorin, dit Maurice, avant de devenir mauvais citoyen.
Le petit chien tournait autour du cadavre, effaré et hurlant.
– Tiens! c’est Black, dit un homme qui tenait un gros bâton à la main; tiens! c’est Black; viens ici, mon petit vieux.
Le chien s’avança vers celui qui l’appelait; mais à peine fut-il à sa portée, que l’homme leva son bâton et lui écrasa la tête en éclatant de rire.
– Oh! le misérable! s’écria Maurice.
– Silence! murmura Lorin en l’arrêtant, silence, ou nous sommes perdus… c’est Simon.
L La visite domiciliaire
Lorin et Maurice étaient revenus chez le premier d’entre eux. Maurice, pour ne pas compromettre son ami trop ouvertement, avait adopté l’habitude de sortir le matin et de ne rentrer que le soir.
Mêlé aux événements, assistant au transfert des prisonniers à la Conciergerie, il épiait chaque jour le passage de Geneviève, n’ayant pu savoir en quelle maison elle avait été renfermée.
Car, depuis sa visite à Fouquier-Tinville, Lorin lui avait fait comprendre que la première démarche ostensible le perdrait, qu’alors il serait sacrifié sans avoir pu porter secours à Geneviève, et Maurice, qui se fût fait incarcérer sur-le-champ dans l’espoir d’être réuni à sa maîtresse, devint prudent par la crainte d’être à jamais séparé d’elle.
Il allait donc chaque matin des Carmes à Port-Libre, des Madelonnettes à Saint-Lazare, de la Force au Luxembourg, et stationnait devant les prisons au sortir des charrettes qui menaient les accusés au tribunal révolutionnaire. Son coup d’œil jeté sur les victimes, il courait à une autre prison.
Mais il s’aperçut bientôt que l’activité de dix hommes ne suffirait pas à surveiller ainsi les trente-trois prisons que Paris possédait à cette époque, et il se contenta d’aller au tribunal même attendre la comparution de Geneviève.
C’était déjà un commencement de désespoir. En effet, quelles ressources restaient à un condamné après l’arrêt? Quelquefois le tribunal, qui commençait les séances à dix heures, avait condamné vingt ou trente personnes à quatre heures; le premier condamné jouissait de six heures de vie; mais le dernier, frappé de sentence à quatre heures moins un quart, tombait à quatre heures et demie sous la hache.
Se résigner à subir une pareille chance pour Geneviève, c’était donc se lasser de combattre le destin.
Oh! s’il eût été prévenu d’avance de l’incarcération de Geneviève… comme Maurice se fût joué de cette justice humaine tant aveuglée à cette époque! comme il eût facilement et promptement arraché Geneviève de la prison! Jamais évasions ne furent plus commodes; on pourrait dire que jamais elles ne furent plus rares. Toute cette noblesse, une fois mise en prison, s’y installait comme en un château, et prenait ses aises pour mourir. Fuir, c’était se soustraire aux conséquences du duel: les femmes elles-mêmes rougissaient d’une liberté acquise à ce prix.
Mais Maurice ne se fût pas montré si scrupuleux. Tuer des chiens, corrompre un porte-clefs, quoi de plus simple! Geneviève n’était pas un de ces noms tellement splendides qu’il attirât l’attention du monde… Elle ne se déshonorait pas en fuyant, et d’ailleurs… quand elle se fût déshonorée!
Oh! comme il se représentait avec amertume ces jardins de Port-Libre si faciles à escalader; ces chambres des Madelonnettes si commodes à percer pour gagner la rue, et les murs si bas du Luxembourg, et les corridors sombres des Carmes, dans lesquels un homme résolu pouvait pénétrer si aisément en débouchant une fenêtre!
Mais Geneviève était-elle dans une de ces prisons?
Alors, dévoré par le doute et brisé par l’anxiété, Maurice accablait Dixmer d’imprécations; il le menaçait, il savourait sa haine pour cet homme, dont la lâche vengeance se cachait sous un semblant de dévouement à la cause royale.
«Je le trouverai aussi, pensait Maurice; car, s’il veut sauver la malheureuse femme, il se montrera; s’il veut la perdre, il lui insultera. Je le retrouverai, l’infâme, et, ce jour là, malheur à lui!»
Le matin du jour où se passent les faits que nous allons raconter, Maurice était sorti pour aller s’installer à sa place au tribunal révolutionnaire. Lorin dormait.
Il fut réveillé par un grand bruit que faisaient à la porte des voix de femmes et des crosses de fusil.
Il jeta autour de lui ce coup d’œil effaré de l’homme surpris qui voudrait se convaincre que rien de compromettant ne reste en vue.
Quatre sectionnaires, deux gendarmes et un commissaire entrèrent chez lui au même instant.
Cette visite était tellement significative, que Lorin se hâta de s’habiller.
– Vous m’arrêtez? dit-il.
– Oui, citoyen Lorin.
– Pourquoi cela?
– Parce que tu es suspect.
– Ah! c’est juste.
Le commissaire griffonna quelques mots au bas du procès-verbal d’arrestation.
– Où est ton ami? dit-il ensuite.
– Quel ami?
– Le citoyen Maurice Lindey.
– Chez lui probablement, dit Lorin.
– Non pas, il loge ici.
– Lui? Allons donc! Mais cherchez, et, si vous le trouvez…