Le Chevalier De Maison-Rouge
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Un des livres consacr?s par Dumas ? la R?volution Fran?aise. L'action se passe en 1793. Le jacobin Maurice Lindey, officier dans la garde civique, sauve des investigations d'une patrouille une jeune et belle inconnue, qui garde l'anonymat. Prisonni?re au Temple, o? r?gne le cordonnier Simon, ge?lier du dauphin, Marie-Antoinette re?oit un billet lui annon?ant que le chevalier de Maison-Rouge pr?pare son enl?vement…
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Girard essaya de résister.
– Laissez-moi, monsieur, dit-elle, je vous dis de me laisser.
Girard essaya d’ajouter un mot.
– Je le veux, dit la reine avec un geste de Marie-Thérèse.
Girard sortit.
Maison-Rouge essaya de plonger son regard dans l’intervalle du paravent, mais la prisonnière tournait le dos.
L’aide de l’exécuteur croisa le curé; il entrait tenant des cordes à la main.
Les deux gendarmes repoussèrent le chevalier jusqu’à la porte, avant que, ébloui, désespéré, étourdi, il eût pu articuler un cri ou faire un mouvement pour accomplir son dessein.
Il se retrouva donc avec Girard dans le corridor du guichet. Du corridor, on les refoula jusqu’au greffe, où la nouvelle du refus de la reine s’était déjà répandue, et où la fierté autrichienne de Marie-Antoinette était pour quelques-uns le texte de grossières invectives, et pour d’autres un sujet de secrète admiration.
– Allez, dit Richard à l’abbé, retournez chez vous, puisqu’elle vous chasse, et qu’elle meure comme elle voudra.
– Tiens, dit la femme Richard, elle a raison, et je ferais comme elle.
– Et vous auriez tort, citoyenne, dit l’abbé.
– Tais-toi, femme, murmura le concierge en faisant les gros yeux; est-ce que cela te regarde? Allez, l’abbé, allez.
– Non, répéta Girard, non, je l’accompagnerai malgré elle; un mot, ne fût-ce qu’un mot, si elle l’entend, lui rappellera ses devoirs; d’ailleurs, la Commune m’a donné une mission… et je dois obéir à la Commune.
– Soit; mais renvoie ton sacristain, alors, dit brutalement l’adjudant-major commandant la force armée.
C’était un ancien acteur de la Comédie-Française nommé Grammont.
Les yeux du chevalier lancèrent un double éclair, et il plongea machinalement sa main dans sa poitrine.
Girard savait que, sous son gilet, il y avait un poignard. Il l’arrêta d’un regard suppliant.
– Épargnez ma vie, dit-il tout bas; vous voyez que tout est perdu pour vous, ne vous perdez pas avec elle; je lui parlerai de vous en route, je vous le jure; je lui dirai ce que vous avez risqué pour la voir une dernière fois.
Ces mots calmèrent l’effervescence du jeune homme; d’ailleurs, la réaction ordinaire s’opérait, toute son organisation subissait un affaissement étrange. Cet homme d’une volonté héroïque, d’une puissance merveilleuse, était arrivé au bout de sa force et de sa volonté; il flottait irrésolu, ou plutôt fatigué, vaincu, dans une espèce de somnolence qu’on eût prise pour l’avant-courrière de la mort.
– Oui, dit-il, ce devait être ainsi: la croix pour Jésus, l’échafaud pour elle; les dieux et les rois boivent jusqu’à la lie le calice que leur présentent les hommes.
Il résulta de cette pensée toute résignée, tout inerte, que le jeune homme se laissa repousser, sans autre défense qu’une espèce de gémissement involontaire, jusqu’à la porte extérieure et sans faire plus de résistance que n’en faisait Ophélia, dévouée à la mort, lorsqu’elle se voyait emportée par les flots.
Au pied des grilles et aux portes de la Conciergerie, se pressait une de ces foules effrayantes comme on ne peut se les figurer sans les avoir vues au moins une fois.
L’impatience dominait toutes les passions, et toutes les passions parlaient haut leur langage, qui, en se confondant, formait une rumeur immense et prolongée, comme si tout le bruit et toute la population de Paris s’étaient concentrés dans le quartier du palais de justice.
Au-devant de cette foule campait une armée tout entière, avec des canons destinés à protéger la fête et à la rendre sûre à ceux qui venaient en jouir.
On eût en vain essayé de percer ce rempart profond, grossi peu à peu, depuis que la condamnation était connue hors de Paris, par les patriotes des faubourgs.
Maison-Rouge, repoussé hors de la Conciergerie, se trouva naturellement au premier rang des soldats.
Les soldats lui demandèrent qui il était.
Il répondit qu’il était le vicaire de l’abbé Girard; mais que, assermenté comme son curé, il avait, comme son curé, été refusé par la reine.
Les soldats le repoussèrent à leur tour jusqu’au premier rang des spectateurs.
Là, force lui fut de répéter ce qu’il avait dit aux soldats.
Alors, ce cri s’éleva:
– Il la quitte… Il l’a vue… Qu’a-t-elle dit?… Que fait-elle?… Est-elle fière toujours?… Est-elle abattue?… Pleure-t-elle?…
Le chevalier répondit à toutes ces questions d’une voix à la fois faible, douce et affable, comme si cette voix était la dernière manifestation de la vie suspendue à ses lèvres.
Sa réponse était la vérité pure et simple; seulement, cette vérité était un éloge de la fermeté d’Antoinette, et ce qu’il dit avec la simplicité et la foi d’un évangéliste jeta le trouble et le remords dans plus d’un cœur.
Lorsqu’il parla du petit dauphin et de madame Royale, de cette reine sans trône, de cette épouse sans époux, de cette mère sans enfants, de cette femme enfin seule et abandonnée, sans un ami au milieu des bourreaux, plus d’un front, çà et là, se voila de tristesse, plus d’une larme apparut, furtive et brûlante, en des yeux naguère animés de haine.
Onze heures sonnèrent à l’horloge du Palais, toute rumeur cessa à l’instant même. Cent mille personnes comptaient l’heure qui sonnait et à laquelle répondaient les battements de leur cœur.
Puis la vibration de la dernière heure éteinte dans l’espace, il se fit un grand bruit derrière les portes, en même temps qu’une charrette, venant du côté du quai aux Fleurs, fendait la foule du peuple, puis les gardes, et venait se placer au bas des degrés.
Bientôt la reine apparut au haut de l’immense perron. Toutes les passions se concentrèrent dans les yeux; les respirations demeurèrent haletantes et suspendues.
Ses cheveux étaient coupés courts, la plupart avaient blanchi pendant sa captivité, et cette nuance argentée rendait plus délicate encore la pâleur nacrée qui faisait presque céleste, en ce moment suprême, la beauté de la fille des Césars.
Elle était vêtue d’une robe blanche, et ses mains étaient liées derrière son dos.
Lorsqu’elle se montra en haut des marches ayant à sa droite l’abbé Girard, qui l’accompagnait malgré elle, et à sa gauche l’exécuteur, tous deux vêtus de noir, ce fut dans toute cette foule un murmure que Dieu seul, qui lit au fond des cœurs, put comprendre et résumer dans une vérité.
Un homme alors passa entre l’exécuteur et Marie-Antoinette.
