Le Chevalier De Maison-Rouge
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Un des livres consacr?s par Dumas ? la R?volution Fran?aise. L'action se passe en 1793. Le jacobin Maurice Lindey, officier dans la garde civique, sauve des investigations d'une patrouille une jeune et belle inconnue, qui garde l'anonymat. Prisonni?re au Temple, o? r?gne le cordonnier Simon, ge?lier du dauphin, Marie-Antoinette re?oit un billet lui annon?ant que le chevalier de Maison-Rouge pr?pare son enl?vement…
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Maurice, car c’était effectivement lui, se sentit pénétré d’attendrissement et d’admiration pour cet éternel dévouement, pour cette indestructible volonté.
– Vous! murmura-t-il; vous ici, imprudent!
– Oui, moi ici! mais je suis épuisé… Oh! mon Dieu! elle parle! laissez-moi la voir! laissez-moi l’écouter!
Maurice s’effaça, et le jeune homme passa devant lui. Alors, comme Maurice était à la tête de la foule, rien ne gêna plus la vue de celui qui avait souffert tant de coups et de rebuffades pour arriver là.
Toute cette scène et les murmures qu’elle occasionna éveillèrent la curiosité des juges.
L’accusée aussi regarda de ce côté; alors, au premier rang, elle aperçut et reconnut le chevalier.
Quelque chose comme un frisson agita un moment la reine assise dans le fauteuil de fer.
L’interrogatoire, dirigé par le président Harmand, interprété par Fouquier-Tinville, et, discuté par Chauveau-Lagarde, défenseur de la reine, dura tant que le permirent les forces des juges et de l’accusée.
Pendant tout ce temps, Maurice resta immobile à sa place, tandis que plusieurs fois déjà les spectateurs s’étaient renouvelés dans la salle et dans les corridors.
Le chevalier avait trouvé un appui contre une colonne, et il était là non moins pâle que le stuc contre lequel il se tenait adossé.
Au jour avait succédé la nuit opaque: quelques bougies allumées sur les tables des jurés, quelques lampes qui fumaient aux parois de la salle, éclairaient d’un sinistre et rouge reflet le noble visage de cette femme, qui avait paru si belle aux splendides lumières des fêtes de Versailles.
Elle était là seule, répondant quelques brèves et dédaigneuses paroles aux interrogatoires du président, et se penchant parfois à l’oreille de son défenseur pour lui parler bas.
Son front blanc et poli n’avait rien perdu de sa fierté ordinaire; elle portait la robe à raies noires que, depuis la mort du roi, elle n’avait pas voulu quitter.
Les juges se levèrent pour aller aux opinions; la séance était finie.
– Me suis-je donc montrée trop dédaigneuse, monsieur? demanda-t-elle à Chauveau-Lagarde.
– Ah! madame, répondit celui-ci, vous serez toujours bien quand vous serez vous-même.
– Vois donc comme elle est fière! s’écria une femme dans l’auditoire, comme si une voix répondait à la question que la malheureuse reine venait de faire à son avocat.
La reine tourna la tête vers cette femme.
– Eh bien, oui, répéta la femme, je dis que tu es fière, Antoinette, et que c’est ta fierté qui t’a perdue.
La reine rougit.
Le chevalier se tourna vers la femme qui avait prononcé ces paroles, et répliqua doucement:
– Elle était reine.
Maurice lui saisit le poignet.
– Allons, lui dit-il tout bas, ayez le courage de ne pas vous perdre.
– Oh! monsieur Maurice, répliqua le chevalier, vous êtes un homme, et vous savez que vous parlez à un homme. Oh! dites-moi, est-ce que vous croyez qu’ils puissent la condamner?
– Je ne le crois pas, dit Maurice, j’en suis sûr.
– Oh! une femme! s’écria Maison-Rouge avec un sanglot.
– Non, une reine, répliqua Maurice. C’est vous-même qui venez de le lire.
Le chevalier saisit à son tour le poignet de Maurice, et, avec une force dont on aurait pu le croire incapable, il l’obligea à se pencher vers lui.
Il était trois heures et demie du matin, de grands vides se laissaient voir parmi les spectateurs. Quelques lumières s’éteignaient çà et là, jetant des parties de la salle dans l’obscurité.
Une des parties les plus obscures était celle où se trouvaient le chevalier et Maurice, écoutant ce qu’il allait lui dire.
– Pourquoi donc êtes-vous ici, et qu’y venez-vous faire, demanda le chevalier, vous, monsieur, qui n’avez pas un cœur de tigre?
– Hélas! dit Maurice, j’y suis pour savoir ce qu’est devenue une malheureuse femme.
– Oui, oui, dit Maison-Rouge, celle que son mari a poussée dans le cachot de la reine, n’est-ce pas? celle qui a été arrêtée sous mes yeux?
– Geneviève?
– Oui, Geneviève.
– Ainsi, Geneviève est prisonnière, sacrifiée par son mari, tuée par Dixmer?… Oh! je comprends tout, je comprends tout, maintenant. Chevalier, racontez-moi ce qui s’est passé, dites-moi où elle est, dites-moi où je puis la retrouver. Chevalier… cette femme, c’est ma vie, entendez-vous?
– Eh bien, je l’ai vue; j’étais là quand elle a été arrêtée. Moi aussi, je venais pour faire évader la reine! mais nos deux projets, que nous n’avions pu nous communiquer, se sont nuit au lieu de se servir.
– Et vous ne l’avez pas sauvée, au moins, elle, votre sœur, Geneviève?
– Le pouvais-je? Une grille de fer me séparait d’elle. Ah! si vous aviez été là, si vous aviez pu réunir vos forces aux miennes, le barreau maudit eût cédé, et nous les eussions sauvées toutes deux.
– Geneviève! Geneviève! murmura Maurice.
Puis regardant Maison-Rouge avec une indéfinissable expression de rage:
– Et Dixmer, qu’est-il devenu? demanda-t-il.
– Je ne sais. Il s’est sauvé de son côté, et moi du mien.
– Oh! dit Maurice les dents serrées, si je le rejoins jamais…
– Oui, je comprends. Mais rien n’est désespéré encore pour Geneviève, dit Maison-Rouge, tandis qu’ici, tandis que pour la reine… Oh! tenez, Maurice, vous êtes un homme de cœur, un homme puissant; vous avez des amis… Oh! je vous en prie, comme on prie Dieu… Maurice, aidez-moi à sauver la reine.
– Y pensez-vous?
– Maurice, Geneviève vous en supplie par ma voix.
– Oh! ne prononcez pas ce nom, monsieur. Qui sait si, comme Dixmer, vous n’avez pas sacrifié la pauvre femme?
– Monsieur, répondit le chevalier avec fierté, je sais, quand je m’attache à une cause, ne sacrifier que moi seul.
En ce moment, la porte des délibérations se rouvrit; Maurice allait répondre.
– Silence, monsieur! dit le chevalier; silence! voici les juges qui rentrent.
Et Maurice sentit trembler la main que Maison-Rouge, pâle et chancelant, venait de poser sur son bras.
– Oh! murmura le chevalier; oh! le cœur me manque.