Les Enfants Du Capitaine Grant
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Lord et Lady Glenarvan, ainsi que le g?ographe Paganel, aident Mary et Robert Grant ? retrouver leur p?re qui a fait naufrage sur une ?le dont on ne connait que la latitude, ce qui les am?ne ? traverser l'Am?rique du sud, puis l'Australie o? un bagnard ?vad?, Ayrton, tente de s'emparer du yacht de Glenarvan, et enfin l'Oc?anie o?, apr?s avoir ?chapp? aux anthropophages, il retrouveront enfin la trace de leur p?re…
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«Ah! Malencontreux document! Tu peux te vanter d’avoir mis le cerveau d’une douzaine de braves gens à une rude épreuve!»
Et le digne géographe, véritablement furieux contre lui-même, se frappait le front à le démolir.
Cependant Glenarvan rejoignit Mulrady et Wilson, préposés à la garde extérieure. Un profond silence régnait sur cette plaine comprise entre la lisière du bois et la rivière. Les gros nuages immobiles s’écrasaient sur la voûte du ciel. Au milieu de cette atmosphère engourdie dans une torpeur profonde, le moindre bruit se fût transmis avec netteté, et rien ne se faisait entendre. Ben Joyce et sa bande devaient s’être repliés à une distance assez considérable, car des volées d’oiseaux qui s’ébattaient sur les basses branches des arbres, quelques kanguroos occupés à brouter paisiblement les jeunes pousses, un couple d’eurus dont la tête confiante passait entre les grandes touffes d’arbrisseaux, prouvaient que la présence de l’homme ne troublait pas ces paisibles solitudes.
«Depuis une heure, demandait Glenarvan à ses deux matelots, vous n’avez rien vu, rien entendu?
– Rien, votre honneur, répondit Wilson. Les convicts doivent être à plusieurs milles d’ici.
– Il faut qu’ils n’aient pas été en force suffisante pour nous attaquer, ajouta Mulrady. Ce Ben Joyce aura voulu recruter quelques bandits de son espèce parmi les bushrangers qui errent au pied des Alpes.
– C’est probable, Mulrady, répondit Glenarvan. Ces coquins sont des lâches. Ils nous savent armés et bien armés. Peut-être attendent-ils la nuit pour commencer leur attaque. Il faudra redoubler de surveillance à la chute du jour. Ah! Si nous pouvions quitter cette plaine marécageuse et poursuivre notre route vers la côte! Mais les eaux grossies de la rivière nous barrent le passage. Je payerais son pesant d’or un radeau qui nous transporterait sur l’autre rive!
– Pourquoi votre honneur, dit Wilson, ne nous donne-t-il pas l’ordre de construire ce radeau? Le bois ne manque pas.
– Non, Wilson, répondit Glenarvan, cette Snowy n’est pas une rivière, c’est un infranchissable torrent.»
En ce moment, John Mangles, le major et Paganel rejoignirent Glenarvan. Ils venaient précisément d’examiner la Snowy. Les eaux accrues par les dernières pluies s’étaient encore élevées d’un pied au-dessus de l’étiage. Elles formaient un courant torrentueux, comparable aux rapides de l’Amérique. Impossible de s’aventurer sur ces nappes mugissantes et ces impétueuses avalasses, brisées en mille remous où se creusaient des gouffres.
John Mangles déclara le passage impraticable.
«Mais, ajouta-t-il, il ne faut pas rester ici sans rien tenter. Ce qu’on voulait faire avant la trahison d’Ayrton est encore plus nécessaire après.
– Que dis-tu, John? demanda Glenarvan.
– Je dis que des secours sont urgents, et puisqu’on ne peut aller à Twofold-Bay, il faut aller à Melbourne. Un cheval nous reste. Que votre honneur me le donne, mylord, et j’irai à Melbourne.
– Mais c’est là une dangereuse tentative, John, dit Glenarvan. Sans parler des périls de ce voyage de deux cents milles à travers un pays inconnu, les sentiers et la route doivent être gardés par les complices de Ben Joyce.
– Je le sais, mylord, mais je sais aussi que la situation ne peut se prolonger. Ayrton ne demandait que huit jours d’absence pour ramener les hommes du Duncan. Moi, je veux en six jours être revenu sur les bords de la Snowy. Eh bien! Qu’ordonne votre honneur?
– Avant que Glenarvan se prononce, dit Paganel, je dois faire une observation. Qu’on aille à Melbourne, oui, mais que ces dangers soient réservés à John Mangles, non. C’est le capitaine du Duncan, et comme tel il ne peut s’exposer. J’irai à sa place.
– Bien parlé, répondit le major. Et pourquoi serait-ce vous, Paganel?
– Ne sommes-nous pas là? S’écrièrent Mulrady et Wilson.
– Et croyez-vous, reprit Mac Nabbs, que je m’effraye d’une traite de deux cents milles à cheval?
– Mes amis, dit Glenarvan, si l’un de nous doit aller à Melbourne, que le sort le désigne. Paganel, écrivez nos noms…
– Pas le vôtre, du moins, mylord, dit John Mangles.
– Et pourquoi? demanda Glenarvan.
– Vous séparer de lady Helena, vous, dont la blessure n’est pas même fermée!
– Glenarvan, dit Paganel, vous ne pouvez quitter l’expédition.
– Non, reprit le major. Votre place est ici, Edward, vous ne devez pas partir.
– Il y a des dangers à courir, répondit Glenarvan, et je n’en laisserai pas ma part à d’autres. écrivez, Paganel. Que mon nom soit mêlé aux noms de mes camarades, et fasse le ciel qu’il soit le premier à sortir!»
On s’inclina devant cette volonté. Le nom de Glenarvan fut joint aux autres noms. On procéda au tirage, et le sort se prononça pour Mulrady. Le brave matelot poussa un hurrah de satisfaction.
«Mylord, je suis prêt à partir», dit-il.
Glenarvan serra la main de Mulrady. Puis il retourna vers le chariot, laissant au major et à John Mangles la garde du campement.
Lady Helena fut aussitôt instruite du parti pris d’envoyer un messager à Melbourne et de la décision du sort. Elle trouva pour Mulrady, des paroles qui allèrent au cœur de ce vaillant marin. On le savait brave, intelligent, robuste, supérieur à toute fatigue, et, véritablement, le sort ne pouvait mieux choisir.
Le départ de Mulrady fut fixé à huit heures, après le court crépuscule du soir. Wilson se chargea de préparer le cheval. Il eut l’idée de changer le fer révélateur qu’il portait au pied gauche, et de le remplacer par le fer de l’un des chevaux morts dans la nuit. Les convicts ne pourraient pas reconnaître les traces de Mulrady, ni le suivre, n’étant pas montés.
Pendant que Wilson s’occupait de ces détails, Glenarvan prépara la lettre destinée à Tom Austin; mais son bras blessé le gênait, et il chargea Paganel d’écrire pour lui. Le savant, absorbé dans une idée fixe, semblait étranger à ce qui se passait autour de lui. Il faut le dire, Paganel, dans toute cette succession d’aventures fâcheuses, ne pensait qu’à son document faussement interprété. Il en retournait les mots pour leur arracher un nouveau sens, et demeurait plongé dans les abîmes de l’interprétation.
Aussi n’entendit-il pas la demande de Glenarvan, et celui-ci fut forcé de la renouveler.
«Ah! Très bien, répondit Paganel, je suis prêt!»
Et tout en parlant, Paganel préparait machinalement son carnet. Il en déchira une page blanche, puis, le crayon à la main, il se mit en devoir d’écrire.
Glenarvan commença à dicter les instructions suivantes: