Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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Les quatre cavaliers regardèrent autour d’eux avec étonnement, car ils cherchaient inutilement dans leur esprit quel était ce quelqu’un qui pouvait leur manquer.
En ce moment Planchet amena le cheval d’Athos, le mousquetaire sauta légèrement en selle.
«Attendez-moi, dit-il, je reviens.»
Et il partit au galop.
Un quart d’heure après, il revint effectivement accompagné d’un homme masqué et enveloppé d’un grand manteau rouge.
Lord de Winter et les trois mousquetaires s’interrogèrent du regard. Nul d’entre eux ne put renseigner les autres, car tous ignoraient ce qu’était cet homme. Cependant ils pensèrent que cela devait être ainsi, puisque la chose se faisait par l’ordre d’Athos.
À neuf heures, guidée par Planchet, la petite cavalcade se mit en route, prenant le chemin qu’avait suivi la voiture.
C’était un triste aspect que celui de ces six hommes courant en silence, plongés chacun dans sa pensée, mornes comme le désespoir, sombres comme le châtiment.
CHAPITRE LXV
C’était une nuit orageuse et sombre, de gros nuages couraient au ciel, voilant la clarté des étoiles; la lune ne devait se lever qu’à minuit.
Parfois, à la lueur d’un éclair qui brillait à l’horizon, on apercevait la route qui se déroulait blanche et solitaire; puis, l’éclair éteint, tout rentrait dans l’obscurité.
À chaque instant, Athos invitait d’Artagnan, toujours à la tête de la petite troupe, à reprendre son rang qu’au bout d’un instant il abandonnait de nouveau; il n’avait qu’une pensée, c’était d’aller en avant, et il allait.
On traversa en silence le village de Festubert, où était resté le domestique blessé, puis on longea le bois de Richebourg; arrivés à Herlies, Planchet, qui dirigeait toujours la colonne, prit à gauche.
Plusieurs fois, Lord de Winter, soit Porthos, soit Aramis, avaient essayé d’adresser la parole à l’homme au manteau rouge; mais à chaque interrogation qui lui avait été faite, il s’était incliné sans répondre. Les voyageurs avaient alors compris qu’il y avait quelque raison pour que l’inconnu gardât le silence, et ils avaient cessé de lui adresser la parole.
D’ailleurs, l’orage grossissait, les éclairs se succédaient rapidement, le tonnerre commençait à gronder, et le vent, précurseur de l’ouragan, sifflait dans la plaine, agitant les plumes des cavaliers.
La cavalcade prit le grand trot.
Un peu au-delà de Fromelles, l’orage éclata; on déploya les manteaux; il restait encore trois lieues à faire: on les fit sous des torrents de pluie.
D’Artagnan avait ôté son feutre et n’avait pas mis son manteau; il trouvait plaisir à laisser ruisseler l’eau sur son front brûlant et sur son corps agité de frissons fiévreux.
Au moment où la petite troupe avait dépassé Goskal et allait arriver à la poste, un homme, abrité sous un arbre, se détacha du tronc avec lequel il était resté confondu dans l’obscurité, et s’avança jusqu’au milieu de la route, mettant son doigt sur ses lèvres.
Athos reconnut Grimaud.
«Qu’y a-t-il donc? s’écria d’Artagnan, aurait-elle quitté Armentières?»
Grimaud fit de sa tête un signe affirmatif. D’Artagnan grinça des dents.
«Silence, d’Artagnan! dit Athos, c’est moi qui me suis chargé de tout, c’est donc à moi d’interroger Grimaud.
– Où est-elle?» demanda Athos.
Grimaud étendit la main dans la direction de la Lys.
«Loin d’ici?» demanda Athos.
Grimaud présenta à son maître son index plié.
«Seule?» demanda Athos.
Grimaud fit signe que oui.
«Messieurs, dit Athos, elle est seule à une demi-lieue d’ici, dans la direction de la rivière.
– C’est bien, dit d’Artagnan, conduis-nous, Grimaud.»
Grimaud prit à travers champs, et servit de guide à la cavalcade.
Au bout de cinq cents pas à peu près, on trouva un ruisseau, que l’on traversa à gué.
À la lueur d’un éclair, on aperçut le village d’Erquinghem.
«Est-ce là?» demanda d’Artagnan.
Grimaud secoua la tête en signe de négation.
«Silence donc!» dit Athos.
Et la troupe continua son chemin.
Un autre éclair brilla; Grimaud étendit le bras, et à la lueur bleuâtre du serpent de feu on distingua une petite maison isolée, au bord de la rivière, à cent pas d’un bac. Une fenêtre était éclairée.
«Nous y sommes», dit Athos.
En ce moment, un homme couché dans le fossé se leva, c’était Mousqueton; il montra du doigt la fenêtre éclairée.
«Elle est là, dit-il.
– Et Bazin? demanda Athos.
– Tandis que je gardais la fenêtre, il gardait la porte.
– Bien, dit Athos, vous êtes tous de fidèles serviteurs.» Athos sauta à bas de son cheval, dont il remit la bride aux mains de Grimaud, et s’avança vers la fenêtre après avoir fait signe au reste de la troupe de tourner du côté de la porte.
La petite maison était entourée d’une haie vive, de deux ou trois pieds de haut. Athos franchit la haie, parvint jusqu’à la fenêtre privée de contrevents, mais dont les demi-rideaux étaient exactement tirés.
Il monta sur le rebord de pierre, afin que son œil pût dépasser la hauteur des rideaux.
À la lueur d’une lampe, il vit une femme enveloppée d’une mante de couleur sombre, assise sur un escabeau, près d’un feu mourant: ses coudes étaient posés sur une mauvaise table, et elle appuyait sa tête dans ses deux mains blanches comme l’ivoire.
On ne pouvait distinguer son visage, mais un sourire sinistre passa sur les lèvres d’Athos, il n’y avait pas à s’y tromper, c’était bien celle qu’il cherchait.
En ce moment un cheval hennit: Milady releva la tête, vit, collé à la vitre, le visage pâle d’Athos, et poussa un cri.
Athos comprit qu’il était reconnu, poussa la fenêtre du genou et de la main, la fenêtre céda, les carreaux se rompirent.
Et Athos, pareil au spectre de la vengeance, sauta dans la chambre.
Milady courut à la porte et l’ouvrit; plus pâle et plus menaçant encore qu’Athos, d’Artagnan était sur le seuil.
Milady recula en poussant un cri. D’Artagnan, croyant qu’elle avait quelque moyen de fuir et craignant qu’elle ne leur échappât, tira un pistolet de sa ceinture; mais Athos leva la main.
«Remets cette arme à sa place, d’Artagnan, dit-il, il importe que cette femme soit jugée et non assassinée. Attends encore un instant, d’Artagnan, et tu seras satisfait. Entrez, messieurs.»
D’Artagnan obéit, car Athos avait la voix solennelle et le geste puissant d’un juge envoyé par le Seigneur lui-même. Aussi, derrière d’Artagnan, entrèrent Porthos, Aramis, Lord de Winter et l’homme au manteau rouge.
Les quatre valets gardaient la porte et la fenêtre.
Milady était tombée sur sa chaise les mains étendues, comme pour conjurer cette terrible apparition; en apercevant son beau-frère, elle jeta un cri terrible.
«Que demandez-vous? s’écria Milady.
– Nous demandons, dit Athos, Charlotte Backson, qui s’est appelée d’abord la comtesse de La Fère, puis Lady de Winter, baronne de Sheffield.
– C’est moi, c’est moi! murmura-t-elle au comble de la terreur, que me voulez-vous?
– Nous voulons vous juger selon vos crimes, dit Athos: vous serez libre de vous défendre, justifiez-vous si vous pouvez. Monsieur d’Artagnan, à vous d’accuser le premier.»
D’Artagnan s’avança.
«Devant Dieu et devant les hommes, dit-il, j’accuse cette femme d’avoir empoisonné Constance Bonacieux, morte hier soir.»
Il se retourna vers Porthos et vers Aramis.
«Nous attestons», dirent d’un seul mouvement les deux mousquetaires.
D’Artagnan continua.
«Devant Dieu et devant les hommes, j’accuse cette femme d’avoir voulu m’empoisonner moi-même, dans du vin qu’elle m’avait envoyé de Villeroi, avec une fausse lettre, comme si le vin venait de mes amis; Dieu m’a sauvé; mais un homme est mort à ma place, qui s’appelait Brisemont.