Les Quarante-Cinq Tome I
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Les Quarante-Cinq constitue le troisi?me volet du grand triptyque que Dumas a consacr? ? l'histoire de France de la Renaissance. Il ach?ve le r?cit de cette d?cadence de la seigneurie commenc? par La Reine Margot et poursuivi avec La Dame de Monsoreau. A cette ?poque d?chir?e, tout se joue sur fond de guerre : guerres de Religion, guerres dynastiques, guerres amoureuses. Aussi les h?ros meurent-ils plus souvent sur l'?chafaud que dans leur lit, et les h?ro?nes sont meilleures ma?tresses que m?res de famille. Ce qui fait la grandeur des personnages de Dumas, c'est que chacun suit sa pente jusqu'au bout, sans concession, mais avec panache. D'o? l'invincible sympathie qu'ils nous inspirent. Parmi eux, Chicot, le c?l?bre bouffon, qui prend la place du roi. C'est en lui que Dumas s'est reconnu. N'a-t-il pas tir? ce personnage enti?rement de son imagination ? Mais sa v?racit? lui permet d'?voluer avec aisance au milieu des personnages historiques dont il lie les destins. Dumas ayant achev? son roman ? la veille de la r?volution de 1848, Chicot incarne par avance la bouffonnerie de l'histoire.
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À ce mot amende, la figure de M. de Chalabre s'allongea comme un museau de fouine.
– Vous avez reçu mille livres, messieurs, vous en rendrez cent; et cet argent sera employé par moi à récompenser, selon leurs mérites, ceux à qui je n'aurai rien à reprocher.
– Cent livres! murmura Pincorney; mais, cap de bious! je ne les ai plus, je les ai employées à mes équipages.
– Vous vendrez votre chaîne, dit Loignac.
– Je veux bien l'abandonner au service du roi, répondit Pincorney.
– Non pas, monsieur; le roi n'achète point les effets de ses sujets pour payer leurs amendes; vendez vous-même et payez vous-même. J'avais un mot à ajouter, continua Loignac.
J'ai remarqué divers germes d'irritation entre divers membres de cette compagnie: chaque fois qu'un différend s'élèvera, je veux qu'on me le soumette, et seul j'aurai le droit de juger de la gravité de ce différend et d'ordonner le combat, si je trouve que le combat soit nécessaire. On se tue beaucoup en duel de nos jours, c'est la mode; et je ne me soucie pas que, pour suivre la mode, ma compagnie se trouve incessamment dégarnie et insuffisante. Le premier combat, la première provocation qui aura lieu sans mon aveu, sera puni d'une rigoureuse prison, d'une amende très forte, ou même d'une peine plus sévère encore, si le cas amenait un grave dommage pour le service.
Que ceux qui peuvent s'appliquer ces dispositions, se les appliquent; allez, messieurs.
À propos, quinze d'entre vous se tiendront ce soir au pied de l'escalier de Sa Majesté quand elle recevra, et, au premier signe, se dissémineront, si besoin est, dans les antichambres; quinze se tiendront en dehors, sans mission ostensible, et se mêlant à la suite des gens qui viendront au Louvre; quinze autres enfin demeureront au logis.
– Monsieur, dit Sainte-Maline en s'approchant, permettez-moi, non pas de donner un avis, Dieu m'en garde! mais de demander un éclaircissement; toute bonne troupe a besoin d'être bien commandée: comment agirons-nous avec ensemble si nous n'avons pas de chef?
– Et moi, que suis-je donc? demanda Loignac.
– Monsieur, vous êtes notre général, vous.
– Non pas moi, monsieur, vous vous trompez, mais M. le duc d'Épernon.
– Vous êtes donc notre brigadier? en ce cas ce n'est point assez, monsieur, et il nous faudrait un officier par escouade de quinze.
– C'est juste, répondit Loignac, et je ne puis chaque jour me diviser en trois; et cependant je ne veux entre vous d'autre supériorité que celle du mérite.
– Oh! quant à celle-là, monsieur, dussiez vous la nier, elle se fera bien jour toute seule, et à l'œuvre vous connaîtrez des différences, si dans l'ensemble il n'en est pas.
– J'instituerai donc des chefs volants, dit Loignac après avoir rêvé un instant aux paroles de Sainte-Maline; avec le mot d'ordre je donnerai le nom du chef: par ce moyen, chacun à son tour saura obéir et commander; mais je ne connais encore les capacités de personne: il faut que ces capacités se développent pour fixer mon choix. Je regarderai et je jugerai.
Sainte-Maline s'inclina et rentra dans les rangs.
– Or, vous entendez, reprit Loignac, je vous ai divisés par escouades de quinze; vous connaissez vos numéros: la première à l'escalier, la seconde dans la cour, la troisième au logis; cette dernière, demi-vêtue et l'épée au chevet, c'est-à-dire prête à marcher au premier signal. Maintenant, allez, messieurs.
– Monsieur de Montcrabeau et monsieur de Pincorney, à demain le paiement de votre amende; je suis trésorier. Allez.
Tous sortirent: Ernauton de Carmainges resta seul.
– Vous désirez quelque chose, monsieur? demanda Loignac.
– Oui, monsieur, dit Ernauton en s'inclinant; il me semble que vous avez oublié de préciser ce que nous aurons à faire. Être au service du roi est un glorieux mot sans doute, mais j'eusse bien désiré savoir jusqu'où entraîne ce service.
– Cela, monsieur, répliqua Loignac, constitue une question délicate et à laquelle je ne saurai catégoriquement répondre.
– Oserai-je vous demander pourquoi, monsieur?
Toutes ces paroles étaient adressées à M. de Loignac avec une si exquise politesse que, contre son habitude, M. de Loignac cherchait en vain une réponse sévère.
– Parce que moi-même j'ignore souvent le matin ce que j'aurai à faire le soir.
– Monsieur, dit Carmainges, vous êtes si haut placé, relativement à nous, que vous devez savoir beaucoup de choses que nous ignorons.
– Faites comme j'ai fait, monsieur de Carmainges; apprenez ces choses sans qu'on vous les dise: je ne vous en empêche point.
– J'en appelle à vos lumières, monsieur, dit Ernauton, parce qu'arrivé à la cour sans amitié ni haine, et n'étant guidé par aucune passion, je puis, sans valoir mieux, vous être cependant plus utile qu'un autre.
– Vous n'avez ni amitiés ni haines?
– Non, monsieur.
– Vous aimez le roi cependant, à ce que je suppose, du moins?
– Je le dois, et je le veux, monsieur de Loignac, comme serviteur, comme sujet et comme gentilhomme.
– Eh bien, c'est un des points cardinaux sur lesquels vous devez vous régler; si vous êtes un habile homme, il doit vous servir à trouver celui qui est à l'opposite.
– Très bien, monsieur, répliqua Ernauton en s'inclinant, et me voilà fixé; reste un point cependant qui m'inquiète fort.
– Lequel, monsieur?
– L'obéissance passive.
– C'est la première condition.
– J'ai parfaitement entendu, monsieur. L'obéissance passive est quelquefois difficile pour des gens délicats sur l'honneur.
– Cela ne me regarde point, monsieur de Carmainges, dit Loignac.
– Cependant, monsieur, lorsqu'un ordre vous déplaît?
– Je lis la signature de M. d'Épernon, et cela me console.
– Et M. d'Épernon?
– M. d'Épernon lit la signature de Sa Majesté, et se console comme moi.
– Vous avez raison, monsieur, dit Ernauton, et je suis votre humble serviteur.
Ernauton fit un pas pour se retirer; ce fut Loignac qui le retint.
– Vous venez cependant d'éveiller en moi certaines idées, fit-il, et je vous dirai à vous des choses que je ne dirais point à d'autres, parce que ces autres-là n'ont eu ni le courage ni la convenance de me parler comme vous.
Ernauton s'inclina.