Les Quarante-Cinq Tome I
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Les Quarante-Cinq constitue le troisi?me volet du grand triptyque que Dumas a consacr? ? l'histoire de France de la Renaissance. Il ach?ve le r?cit de cette d?cadence de la seigneurie commenc? par La Reine Margot et poursuivi avec La Dame de Monsoreau. A cette ?poque d?chir?e, tout se joue sur fond de guerre : guerres de Religion, guerres dynastiques, guerres amoureuses. Aussi les h?ros meurent-ils plus souvent sur l'?chafaud que dans leur lit, et les h?ro?nes sont meilleures ma?tresses que m?res de famille. Ce qui fait la grandeur des personnages de Dumas, c'est que chacun suit sa pente jusqu'au bout, sans concession, mais avec panache. D'o? l'invincible sympathie qu'ils nous inspirent. Parmi eux, Chicot, le c?l?bre bouffon, qui prend la place du roi. C'est en lui que Dumas s'est reconnu. N'a-t-il pas tir? ce personnage enti?rement de son imagination ? Mais sa v?racit? lui permet d'?voluer avec aisance au milieu des personnages historiques dont il lie les destins. Dumas ayant achev? son roman ? la veille de la r?volution de 1848, Chicot incarne par avance la bouffonnerie de l'histoire.
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– Voyons votre conspiration, monsieur? dit sèchement le duc; mais, pour Dieu, qu'elle soit bonne, car j'avais aujourd'hui une multitude de choses agréables à faire, et si je perds mon temps à vous écouter, gare à vous!
– Eh! monsieur le duc, dit Nicolas Poulain, il s'agit tout simplement du plus épouvantable des forfaits.
– Alors, voyons le forfait.
– Monsieur le duc…
– On veut me tuer, n'est-ce pas? interrompit d'Épernon en se raidissant comme un Spartiate; eh bien! soit, ma vie est à Dieu et au roi: qu'on la prenne.
– Il ne s'agit pas de vous, monseigneur.
– Ah! cela m'étonne.
– Il s'agit du roi. On veut l'enlever, monsieur le duc.
– Oh! encore cette vieille affaire d'enlèvement! dit dédaigneusement d'Épernon.
– Cette fois la chose est assez sérieuse, monsieur le duc, si j'en crois les apparences.
– Et quel jour veut-on enlever Sa Majesté?
– Monseigneur, la première fois que Sa Majesté ira à Vincennes dans sa litière.
– Comment l'enlèvera-t-on?
– En tuant ses deux piqueurs.
– Et qui fera le coup?
– Madame de Montpensier.
D'Épernon se mit à rire.
– Cette pauvre duchesse, dit-il, que de choses on lui attribue!
– Moins qu'elle n'en projette, monseigneur.
– Et elle s'occupe de cela à Soissons?
– Madame la duchesse est à Paris.
– À Paris!
– J'en puis répondre à monseigneur.
– Vous l'avez vue?
– Oui.
– C'est-à-dire que vous avez cru la voir.
– J'ai eu l'honneur de lui parler.
– L'honneur?
– Je me trompe, monsieur le duc; le malheur.
– Mais, mon cher lieutenant de la prévôté, ce n'est point la duchesse qui enlèvera le roi?
– Pardonnez-moi, monseigneur.
– Elle-même?
– En personne, avec ses affidés, bien entendu.
– Et où se placera-t-elle pour présider à cet enlèvement?
– À une fenêtre du prieuré des Jacobins, qui est, comme vous le savez, sur la route de Vincennes.
– Que diable me contez-vous là?
– La vérité, monseigneur. Toutes les mesures sont prises pour que la litière soit arrêtée au moment où elle atteindra la façade du couvent.
– Et qui a pris ces mesures?
– Hélas!
– Achevez donc, que diable!
– Moi, monseigneur.
D'Épernon fit un bond en arrière.
– Vous? dit-il.
Poulain poussa un soupir.
– Vous en êtes, vous qui dénoncez? continua d'Épernon.
– Monseigneur, dit Poulain, un bon serviteur du roi doit tout risquer pour son service.
– En effet, mordieu! vous risquez la corde.
– Je préfère la mort à l'avilissement ou à la mort du roi; voilà pourquoi je suis venu.
– Ce sont de beaux sentiments, monsieur, et il vous faut de bien grandes raisons pour les avoir.
– J'ai pensé, monseigneur, que vous êtes l'ami du roi, que vous ne me trahiriez point, et que vous tourneriez au profit de tous la révélation que je viens faire.
Le duc regarda longtemps Poulain, et scruta profondément les linéaments de cette figure pâle.
– Il doit y avoir autre chose encore, dit-il; la duchesse, toute résolue qu'elle soit, n'oserait pas tenter seule une pareille entreprise.
– Elle attend son frère, répondit Nicolas Poulain.
– Le duc Henri! s'écria d'Épernon avec la terreur qu'on éprouverait à l'approche du lion.
– Non pas le duc Henri, monseigneur, le duc de Mayenne seulement.
– Ah! fit d'Épernon respirant; mais n'importe il faut aviser à tous ces beaux projets.
– Sans doute, monseigneur, fit Poulain, et c'est pour cela que je me suis hâté.
– Si vous avez dit vrai, monsieur le lieutenant, vous serez récompensé.
– Pourquoi mentirais-je, monseigneur? Quel est mon intérêt, moi qui mange le pain du roi? Lui dois-je, oui ou non, mes services? J'irai donc jusqu'au roi, je vous en préviens, si vous ne me croyez pas, et je mourrai, s'il le faut, pour prouver mon dire.
– Non, parfandious! vous n'irez pas au roi; entendez-vous, maître Nicolas? et c'est à moi seul que vous aurez affaire.
– Soit, monseigneur; je n'ai dit cela que parce que vous paraissiez hésiter.
– Non, je n'hésite pas; et d'abord ce sont mille écus que je vous dois.
– Monseigneur désire donc que ce soit à lui seul?
– Oui, j'ai de l'émulation, du zèle, et je retiens le secret pour moi. Vous me le cédez, n'est-ce pas?
– Oui, monseigneur.
– Avec garantie que c'est un vrai secret?
– Oh! avec toute garantie.
– Mille écus vous vont donc, sans compter l'avenir?
– J'ai une famille, monseigneur.
– Eh bien! mais, mille écus, parfandious!
– Et si l'on savait en Lorraine que j'ai fait une pareille révélation, chaque parole que j'ai prononcée me coûterait une pinte de sang.
– Pauvre cher homme!
– Il faut donc qu'en cas de malheur ma famille puisse vivre.
– Eh bien?
– Eh bien! voilà pourquoi j'accepte les mille écus.
– Au diable l'explication! et que m'importe à moi pour quel motif vous les acceptez, du moment où vous ne les refusez pas? Les mille écus sont donc à vous.
– Merci, monseigneur.
Et voyant le duc s'approcher d'un coffre où il plongea la main, Poulain s'avança derrière lui.
Mais le duc se contenta de tirer du coffre un petit livre sur lequel il écrivit d'une gigantesque et effrayante écriture: