Le Chevalier De Maison-Rouge
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Un des livres consacr?s par Dumas ? la R?volution Fran?aise. L'action se passe en 1793. Le jacobin Maurice Lindey, officier dans la garde civique, sauve des investigations d'une patrouille une jeune et belle inconnue, qui garde l'anonymat. Prisonni?re au Temple, o? r?gne le cordonnier Simon, ge?lier du dauphin, Marie-Antoinette re?oit un billet lui annon?ant que le chevalier de Maison-Rouge pr?pare son enl?vement…
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– Lui mourir! s’écria Geneviève; lui porter sa tête sur l’échafaud! Mais vous ne savez donc pas, Maurice, que lui c’est mon protecteur, celui de ma famille; que je donnerais ma vie pour la sienne; que s’il meurt je mourrai, et que si vous êtes mon amour, vous, lui est ma religion?
– Ah! dit Maurice, vous allez peut-être continuer de dire que vous m’aimez. En vérité, les femmes sont trop faibles et trop lâches.
Puis, se retournant:
– Allons, monsieur, dit-il au jeune royaliste, il faut me tuer ou mourir.
– Pourquoi cela?
– Parce que si vous ne me tuez pas, je vous arrête.
Maurice étendit la main pour le saisir au collet.
– Je ne vous disputerai pas ma vie, dit le chevalier de Maison-Rouge, tenez!
Et il jeta ses armes sur un fauteuil.
– Et pourquoi ne me disputerez-vous pas votre vie?
– Parce que ma vie ne vaut pas le remords que j’éprouverais de tuer un galant homme; et puis surtout, surtout parce que Geneviève vous aime.
– Ah! s’écria la jeune femme en joignant les mains; ah! que vous êtes toujours bon, grand, loyal et généreux, Armand!
Maurice les regardait tous deux avec un étonnement presque stupide.
– Tenez, dit le chevalier, je rentre dans ma chambre; je vous donne ma parole d’honneur que ce n’est point pour fuir, mais pour cacher un portrait.
Maurice porta vivement les yeux vers celui de Geneviève; il était à sa place.
Soit que Maison-Rouge eût deviné la pensée de Maurice, soit qu’il eût voulu pousser au comble la générosité:
– Allons, dit-il, je sais que vous êtes républicain; mais je sais que vous êtes en même temps un cœur pur et loyal. Je me confierai à vous jusqu’à la fin: regardez!
Et il tira de sa poitrine une miniature qu’il montra à Maurice: c’était le portrait de la reine.
Maurice baissa la tête et appuya la main sur son front.
– J’attends vos ordres, monsieur, dit Maison-Rouge; si vous voulez mon arrestation, vous frapperez à cette porte quand il sera temps que je me livre. Je ne tiens plus à la vie, du moment où cette vie n’est plus soutenue par l’espérance de sauver la reine.
Le chevalier sortit sans que Maurice fît un seul geste pour le retenir.
À peine fut-il hors de la chambre que Geneviève se précipita aux pieds du jeune homme.
– Pardon, dit-elle, pardon, Maurice, pour tout le mal que je vous ai fait; pardon pour mes tromperies, pardon au nom de mes souffrances et de mes larmes, car, je vous le jure, j’ai bien pleuré, j’ai bien souffert. Ah! mon mari est parti ce matin; je ne sais où il est allé, et peut-être ne le reverrai-je plus; et maintenant un seul ami me reste, non pas un ami, un frère, et vous allez le faire tuer. Pardon, Maurice! pardon!
Maurice releva la jeune femme.
– Que voulez-vous? dit-il, il y a de ces fatalités-là; tout le monde joue sa vie à cette heure; le chevalier de Maison-Rouge a joué comme les autres, mais il a perdu; maintenant il faut qu’il paye.
– C’est-à-dire qu’il meure, si je vous comprends bien.
– Oui.
– Il faut qu’il meure, et c’est vous qui me dites cela?
– Ce n’est pas moi, Geneviève, c’est la fatalité.
– La fatalité n’a pas dit son dernier mot dans cette affaire, puisque vous pouvez le sauver, vous.
– Aux dépens de ma parole, et par conséquent de mon honneur. Je comprends, Geneviève.
– Fermez les yeux, Maurice, voilà tout ce que je vous demande, et jusqu’où la reconnaissance d’une femme peut aller, je vous promets que la mienne y montera.
– Je fermerais inutilement les yeux, madame; il y a un mot d’ordre donné, un mot d’ordre, sans lequel personne ne peut sortir, car je vous le répète, la maison est cernée.
– Et vous le savez?
– Sans doute que je le sais.
– Maurice!
– Eh bien?
– Mon ami, mon cher Maurice, ce mot d’ordre, dites-le-moi, il me le faut.
– Geneviève! s’écria Maurice, Geneviève! mais qui donc êtes-vous pour venir me dire: «Maurice, au nom de l’amour que j’ai pour toi, sois sans parole, sois sans honneur, trahis ta cause, renie tes opinions»? Que m’offrez-vous, Geneviève, en échange de tout cela, vous qui me tentez ainsi?
– Oh! Maurice, sauvez-le, sauvez-le d’abord, et ensuite demandez-moi la vie.
– Geneviève, répondit Maurice d’une voix sombre, écoutez-moi: j’ai un pied dans le chemin de l’infamie; pour y descendre tout à fait, je veux avoir au moins une bonne raison contre moi-même; Geneviève, jurez-moi que vous n’aimez pas le chevalier de Maison-Rouge…
– J’aime le chevalier de Maison-Rouge comme une sœur, comme une amie, pas autrement, je vous le jure!
– Geneviève, m’aimez-vous?
– Maurice, je vous aime, aussi vrai que Dieu m’entend.
– Si je fais ce que vous me demandez, abandonnerez-vous parents, amis, patrie, pour fuir avec le traître?
– Maurice! Maurice!
– Elle hésite… oh! elle hésite! Et Maurice se rejeta en arrière avec toute la violence du dédain.
Geneviève, qui s’était appuyée à lui, sentit tout à coup son appui manquer, elle tomba sur ses genoux.
– Maurice, dit-elle en se renversant en arrière et en tordant ses mains jointes; Maurice, tout ce que tu voudras, je te le jure; ordonne, j’obéis.
– Tu seras à moi, Geneviève?
– Quand tu l’exigeras.
– Jure sur le Christ!
Geneviève étendit le bras:
– Mon Dieu! dit-elle, vous avez pardonné à la femme adultère, j’espère que vous me pardonnerez.
Et de grosses larmes roulèrent sur ses joues, et tombèrent sur ses longs cheveux épars et flottants sur sa poitrine.
– Oh! pas ainsi, ne jurez pas ainsi, dit Maurice, ou je n’accepte pas votre serment.
– Mon Dieu! reprit-elle, je jure de consacrer ma vie à Maurice, de mourir avec lui, et, s’il le faut, pour lui, s’il sauve mon ami, mon protecteur, mon frère, le chevalier de Maison-Rouge.
– C’est bien; il sera sauvé, dit Maurice.
Il alla vers la chambre.