Le Chevalier De Maison-Rouge
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Un des livres consacr?s par Dumas ? la R?volution Fran?aise. L'action se passe en 1793. Le jacobin Maurice Lindey, officier dans la garde civique, sauve des investigations d'une patrouille une jeune et belle inconnue, qui garde l'anonymat. Prisonni?re au Temple, o? r?gne le cordonnier Simon, ge?lier du dauphin, Marie-Antoinette re?oit un billet lui annon?ant que le chevalier de Maison-Rouge pr?pare son enl?vement…
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– Un homme à habit brun, à cheveux noirs, à lunettes vertes? répéta Lorin.
– Sans doute, tenant une femme au bras.
– Jeune, jolie? s’écria Maurice en s’élançant vers le général.
– Oui, jeune et jolie.
– C’était lui et la citoyenne Dixmer.
– Qui lui?
– Maison-Rouge… Oh! misérable que je suis de ne pas les avoir tués tous les deux!
– Allons, allons, citoyen Lindey, dit Santerre, on les rattrapera.
– Mais comment diable les avez-vous laissés passer? demanda Lorin.
– Pardieu! dit Santerre, je les ai laissés passer parce qu’ils avaient le mot de passe.
– Ils avaient le mot de passe! s’écria Lorin; mais il y a donc un traître parmi nous?
– Non, non, citoyen Lorin, dit Santerre, on vous connaît, et l’on sait bien qu’il n’y a pas de traîtres parmi vous.
Lorin regarda tout autour de lui, comme pour chercher ce traître dont il venait de proclamer la présence.
Il rencontra le front sombre et l’œil vacillant de Maurice.
– Oh! murmura-t-il, que veut dire ceci?
– Cet homme ne peut être bien loin, dit Santerre; fouillons les environs; peut-être sera-t-il tombé dans quelque patrouille qui aura été plus habile que nous et qui ne s’y sera point laissé prendre.
– Oui, oui, cherchons, dit Lorin.
Et il saisit Maurice par le bras; et, sous prétexte de chercher, il l’entraîna hors du jardin.
– Oui, cherchons, dirent les soldats; mais, avant de chercher…
Et l’un d’eux jeta sa torche sous un hangar tout bourré de fagots et de plantes sèches.
– Viens, dit Lorin, viens.
Maurice n’opposa aucune résistance. Il suivit Lorin comme un enfant; tous deux coururent jusqu’au pont sans se parler davantage; là, ils s’arrêtèrent, Maurice se retourna.
Le ciel était rouge à l’horizon du faubourg, et l’on voyait monter au-dessus des maisons de nombreuses étincelles.
XXXII La foi jurée
Maurice frissonna, il étendit la main vers la rue Saint-Jacques.
– Le feu! dit-il, le feu!
– Eh bien! oui, dit Lorin, le feu; après?
– Oh! mon Dieu! mon Dieu! si elle était revenue?
– Qui cela?
– Geneviève.
– Geneviève, c’est madame Dixmer, n’est-ce pas?
– Oui, c’est elle.
– Il n’y a point de danger qu’elle soit revenue, elle n’était point partie pour cela.
– Lorin, il faut que je la retrouve, il faut que je me venge.
– Oh! oh! dit Lorin.
– Tu m’aideras à la retrouver, n’est-ce pas, Lorin?
– Pardieu! ce ne sera pas difficile.
– Et comment?
– Sans doute, si tu t’intéresses, autant que je puis le croire, au sort de la citoyenne Dixmer; tu dois la connaître, et la connaissant, tu dois savoir quels sont ses amis les plus familiers; elle n’aura pas quitté Paris, ils ont tous la rage d’y rester; elle s’est réfugiée chez quelque confidente, et demain matin tu recevras par quelque Rose ou quelque Marton un petit billet à peu près conçu en ces termes:
Amour, tyran des dieux et des mortels,
Ce n’est plus de l’encens qu’il faut sur tes autels.
Si Mars veut revoir Cythérée,
Qu’il emprunte à la Nuit son écharpe azurée.
» Et qu’il se présente chez le concierge, telle rue, tel numéro, en demandant madame Trois-Étoiles; voilà.
Maurice haussa les épaules; il savait bien que Geneviève n’avait personne chez qui se réfugier.
– Nous ne la retrouverons pas, murmura-t-il.
– Permets-moi de te dire une chose, Maurice, dit Lorin.
– Laquelle?
– C’est que ce ne serait peut-être pas un si grand malheur que nous ne la retrouvassions pas.
– Si nous ne la retrouvons pas, Lorin, dit Maurice, j’en mourrai.
– Ah diable! dit le jeune homme, c’est donc de cet amour là que tu as failli mourir?
– Oui, répondit Maurice.
Lorin réfléchit un instant.
– Maurice, dit-il, il est quelque chose comme onze heures, le quartier est désert, voici là un banc de pierre qui semble placé exprès pour recevoir deux amis. Accorde-moi la faveur d’un entretien particulier, comme on disait sous l’ancien régime. Je te donne ma parole que je ne parlerai qu’en prose.
Maurice regarda autour de lui et alla s’asseoir auprès de son ami.
– Parle, dit Maurice, en laissant tomber dans sa main son front alourdi.
– Écoute, cher ami, sans exorde, sans périphrase, sans commentaire, je te dirai une chose, c’est que nous nous perdons, ou plutôt que tu nous perds.
– Comment cela? demanda Maurice.
– Il y a, tendre ami, reprit Lorin, certain arrêté du comité de Salut public qui déclare traître à la patrie quiconque entretient des relations avec les ennemis de ladite patrie. Hein! connais-tu cet arrêté?
– Sans doute, répondit Maurice.
– Tu le connais?
– Oui.
– Eh bien! il me semble que tu n’es pas mal traître à la patrie. Qu’en dis-tu? comme dit Manlius.
– Lorin!
– Sans doute; à moins que tu ne regardes toutefois comme idolâtrant la patrie ceux qui donnent le logement, la table et le lit à M. le chevalier de Maison-Rouge, lequel n’est pas un exalté républicain, à ce que je suppose, et n’est point accusé pour le moment d’avoir fait les journées de Septembre.
– Ah! Lorin! fit Maurice en poussant un soupir.
– Ce qui fait, continua le moraliste, que tu me parais avoir été ou être encore un peu trop ami de l’ennemi de la patrie. Allons, allons, ne te révolte pas, cher ami; tu es comme feu Encelades, et tu remuerais une montagne quand tu te retournes. Je te le répète donc, ne te révolte pas, et avoue tout bonnement que tu n’es plus un zélé.
Lorin avait prononcé ces mots avec toute la douceur dont il était capable, et en glissant dessus avec un artifice tout à fait cicéronien.