Fernande
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La baronne de Barth?le attend son vieil ami et amant le comte de Montgiroux, pair de France. Son fils Maurice, mari? ? la ni?ce du comte, se meurt de fi?vre c?r?brale. Sur la suggestion du m?decin de Maurice, la baronne a accept? de faire venir ? son ch?teau Mme Ducoudray qui pourrait apaiser la fi?vre du mourant. ? son arriv?e, la dame apprend le but de sa visite, sauver Maurice – Maurice, pr?nom qui ne lui est pas inconnu. Le comte d?couvre lui que Mme Ducoudray n'autre que Fernande,la courtisane qu’il a pris pour ma?tresse. Arrive ensuite Mme de Neuilly, parente de la baronne, veuve envieuse qui reconna?t en Fernande une ancienne pensionnaire d’orphelinat et qui voudrait bien savoir comment elle s'y est pris pour faire ce riche mariage avec M. Ducoudray. Elle r?v?le que Fernande est de sang noble, fille de la famille de Mormant. Par son entremise, Fernande apprend ? son tour que Maurice est en fait le fils du baron…
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En effet, depuis son arrivée à Fontenay-aux-Roses et la prière que lui avait faite madame de Barthèle de lui consacrer toute sa journée et la matinée du lendemain, le comte paraissait fort préoccupé. Il est vrai que cette préoccupation pouvait aussi bien lui venir de la maladie de Maurice que d’une cause étrangère, mais cela à des yeux étrangers seulement, et il est évident que cette préoccupation, qui n’avait pas tout à fait échappé à madame de Barthèle lui eût été bien autrement visible, sans la préoccupation personnelle dans laquelle elle-même était plongée.
Arrivée au salon, elle fit donc asseoir le comte, et, revenant aux inquiétudes maternelles qui pour le moment s’étaient emparées de son esprit, sans cependant pouvoir en chasser entièrement la légèreté qui lui était naturelle:
– Je vous disais donc, mon ami, continua-t-elle, que Clotilde est un ange. Nous avons véritablement bien fait de marier ces enfants. Si vous saviez quels soins touchants elle prodigue à son mari! et lui, notre Maurice, comme il est attendri de ces soins! comme sa voix est émue quand il la remercie! avec quel accent profond il lui dit en prenant ses deux mains dans les siennes: «Bonne Clotilde, je vous afflige, pardonnez-moi!…» Oh! maintenant, ces mots qu’il répétait sans cesse sont expliqués; ce pardon qu’il demandait, nous savons pour quelle faute.
– Mais, moi, reprit M. de Montgiroux, j’ignore tout, et, comme vous m’avez fait rester pour me l’apprendre, j’espère, chère amie, que vous voudrez bien maîtriser vos émotions et mettre un peu d’ordre dans vos pensées, afin de les suivre jusqu’au bout.
– Oui, vous avez raison, reprit madame de Barthèle; je vais droit au fait. Écoutez-moi donc.
La recommandation était aussi inutile que la promesse était dérisoire.
CHAPITRE III
En effet, madame de Barthèle, comme on a pu s’en apercevoir jusqu’à présent, avait été douée par le ciel d’un excellent cœur mais de l’esprit le moins méthodique qui se puisse trouver. Sa conversation, d’ailleurs pleine de finesse et d’originalité, ne procédait que par sauts et par bonds, et n’arrivait à son but, quand toutefois elle y arrivait, qu’à travers mille écarts. C’était un parti que ses auditeurs devaient prendre de la poursuivre sur les différents terrains où elle se plaçait: sa marche était celle du cavalier dans le jeu d’échecs; ceux qui la connaissaient la retrouvaient toujours, ou plutôt la forçaient à se retrouver; mais ceux qui la voyaient pour la première fois engageaient avec elle une conversation à bâtons rompus, à laquelle la fatigue les forçait bientôt de renoncer. Au reste, excellente femme, on la citait pour des qualités réelles, assez rares dans un monde où l’on se contente des apparences de ces qualités. Ce défaut de suite dans les idées, que nous venons de lui reprocher, donnait à sa conversation quelque chose d’imprévu, qui n’était pas désagréable pour ceux qui, comme M. de Montgiroux, n’étaient pas pressés d’arriver à l’autre bout de cette conversation. C’était une nature brusque et franche, dont la franchise et la brusquerie avaient conservé le charme de la candeur. Ce qu’elle pensait s’échappait de sa bouche comme un vin trop chargé de gaz s’échappe de la bouteille lorsqu’on la débouche; et cependant, hâtons-nous de le dire, l’éducation du grand monde, l’habitude de la haute société, étaient à ces vertus natives, qui, poussées à l’excès, peuvent devenir sinon un défaut, du moins un inconvénient, tout ce qu’elles pouvaient avoir de sauvage et d’irrégulier. La fausseté des conventions enseignées par le solfège du savoir-vivre la rappelait promptement au diapason général, aux mesures, aux blanches et aux noires de l’harmonie sociale; et ce n’était jamais que pour les choses sans importance, ou lorsqu’elle était atteinte par une parole hypocrite ou malveillante, que madame de Barthèle se laissait aller, si on peut dire cela, à l’excellence de son caractère. Inconséquente comme une grande dame, elle avait cependant dans la voix, dans le regard, dans le maintien, l’aplomb d’une femme accoutumée à régner dans son salon et à dominer dans celui des autres; et, si la légèreté de ses décisions contrastait parfois avec l’importance du sujet traité, si l’excentricité de ses paradoxes faisait souvent envisager la question sous un point de vue tout différent de celui où elle l’envisageait elle même, on sentait, au fond de ce qui émanait d’elle, un bonté si parfaite, une intention si bienveillante, qu’on était toujours disposé à se soumettre à ses volontés, tant on avait de conviction sur la pureté du cœur qui les concevait et du zèle qui en surveillait l’exécution. Arrivée à l’âge où toute femme de bon sens renonce à plaire autrement que par la bienveillance de l’esprit, elle avouait ses cinquante ans révolus, mais en ajoutant, avec une grande ingénuité de cœur, qu’elle se trouvait en encore aussi jeune qu’à vingt-cinq ans. Personne ne songeait à la démentir. Elle était active, fraîche, alerte; elle faisait les honneurs du thé avec une grâce parfaite, et peut-être, en effet, ne manquait-il à cette fleur d’automne que le soleil du printemps.
Ramenée au sujet qui l’intéressait par l’impatience du comte, madame de Barthèle reprit donc:
– Pour Clotilde et moi, vous le savez, mon cher comte, la vie de Maurice, c’est la vie. Nous n’avons de bonheur que le sien, nos yeux ne voient que par ses yeux, et tous nos souvenirs, comme toutes nos prévoyances, sont pour lui. Eh bien donc, vous saurez, vous que cette interminable session cloue au Luxembourg, vous saurez que, depuis notre arrivée ici, nous avions inutilement tout mis en usage pour connaître le chagrin qui causait tant de ravages dans le cœur de notre pauvre Maurice; car enfin vous vous souvenez qu’il était devenu triste, rêveur, sombre.
– Je m’en souviens parfaitement. Poursuivez, chère amie.
– Or, qui pouvait causer cette mélancolie chez un homme riche, jeune, beau, supérieur à tous les autres hommes? Et, sur ce point, ne croyez pas que l’amour maternel m’aveugle, comte: Maurice est fort supérieur à tous les jeunes gens de son âge.
– C’est mon avis comme le vôtre, dit le comte, mais ce secret?…
– Eh bien, ce secret, comprenez-vous? c’était pour nous l’énigme du sphinx. En attendant, et tandis que nous nous creusions la tête pour en deviner la cause, le mal faisait des progrès, ses forces s’éteignaient à vue d’œil, et, quoiqu’il ne poussât pas une plainte, quoiqu’il réprimât ses impatiences, il était évident qu’il était menacé de quelque dangereuse maladie.
– Vous vous rappelez que je le remarquai moi-même? Mais continuez.
– En effet, c’est par votre conseil que nous sommes venus à la campagne. Nous avions craint d’abord qu’il ne se refusât à quitter Paris; mais nous nous trompions: le pauvre garçon ne fit aucune difficulté, il se laissa conduire comme un enfant; seulement, en arrivant ici, malgré tous les souvenirs que devait lui rappeler cette maison, il s’enferma dans sa chambre, et, le lendemain, il fut forcé de garder le lit.
– Ah! mais j’ignorais que la chose fût aussi grave, dit le comte.
– Ce n’est pas le tout; le mal dès lors commença à faire d’effrayants progrès. Nous envoyâmes chercher son ami Gaston, ce jeune médecin que vous connaissez.
– Et que dit-il?