Le Chevalier De Maison-Rouge
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Un des livres consacr?s par Dumas ? la R?volution Fran?aise. L'action se passe en 1793. Le jacobin Maurice Lindey, officier dans la garde civique, sauve des investigations d'une patrouille une jeune et belle inconnue, qui garde l'anonymat. Prisonni?re au Temple, o? r?gne le cordonnier Simon, ge?lier du dauphin, Marie-Antoinette re?oit un billet lui annon?ant que le chevalier de Maison-Rouge pr?pare son enl?vement…
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– On transporte la reine à la Conciergerie?
– Eh bien? répondit le président.
– Ah! ah! fit Maurice.
– Crois-tu que ce soit sur un rêve, sur ce que tu appelles une imagination, sur une billevesée, que le comité de Salut public ait adopté une si grave mesure?
– Cette mesure a été adoptée, mais elle ne sera pas exécutée, comme une foule de mesures que j’ai vu prendre, et voilà tout…
– Lis donc jusqu’au bout, dit le président.
Et il lui présenta un dernier papier.
– Le récépissé de Richard, le geôlier de la Conciergerie! s’écria Maurice.
– Elle y a été écrouée à deux heures.
Cette fois, Maurice demeura pensif.
– La Commune, tu le sais, continua le président, agit dans des vues profondes. Elle s’est creusé un sillon large et droit; ses mesures ne sont pas des enfantillages, et elle a mis en exécution ce principe de Cromwell: «Il ne faut frapper les rois qu’à la tête.» Lis cette note secrète du ministre de la police.
Maurice lut:
Attendu que nous avons la certitude que le ci-devant chevalier de Maison-Rouge est à Paris; qu’il y a été vu en différents endroits; qu’il a laissé des traces de son passage en plusieurs complots heureusement déjoués, j’invite tous les chefs de section à redoubler de surveillance.
– Eh bien? demanda le président.
– Il faut que je te croie, citoyen président, s’écria Maurice.
Et il continua:
Signalement du chevalier de Maison-Rouge: cinq pieds trois pouces, cheveux blonds, yeux bleus, nez droit, barbe châtaine, menton rond, voix douce, mains de femme.
Trente-cinq à trente-six ans.
Au signalement, une lueur étrange passa à travers l’esprit de Maurice; il songea à ce jeune homme qui commandait la troupe de muscadins qui les avait sauvés la veille, Lorin et lui, et qui frappait si résolument sur les Marseillais avec son sabre de sapeur.
– Mordieu! murmura Maurice, serait-ce lui? En ce cas, la dénonciation qui dit qu’on m’a vu lui parler ne serait point fausse. Seulement, je ne me rappelle pas lui avoir serré la main.
– Eh bien, Maurice, demanda le président, que dites-vous de cela maintenant, mon ami?
– Je dis que je vous crois, répondit Maurice en méditant avec tristesse, car, depuis quelque temps, sans savoir quelle mauvaise influence attristait sa vie, il voyait toutes choses s’assombrir autour de lui.
– Ne joue pas ainsi ta popularité, Maurice, continua le président. La popularité, aujourd’hui, c’est la vie; l’impopularité, prends-y garde, c’est le soupçon de trahison, et le citoyen Lindey ne peut pas être soupçonné d’être un traître.
Maurice n’avait rien à répondre à une doctrine qu’il sentait bien être la sienne. Il remercia son vieil ami et quitta la section.
– Ah! murmura-t-il, respirons un peu; c’est trop de soupçons et de luttes. Allons droit au repos, à l’innocence et à la joie; allons à Geneviève.
Et Maurice prit le chemin de la vieille rue Saint-Jacques.
Lorsqu’il arriva chez le maître tanneur, Dixmer et Morand soutenaient Geneviève, en proie à une violente attaque de nerfs.
Aussi, au lieu de lui laisser l’entrée libre, comme d’habitude, un domestique lui barra-t-il le passage.
– Annonce-moi toujours, dit Maurice inquiet, et si Dixmer ne peut pas me recevoir en ce moment, je me retirerai.
Le domestique entra dans le petit pavillon, tandis que lui, Maurice, demeurait dans le jardin.
Il lui sembla qu’il se passait quelque chose d’étrange dans la maison. Les ouvriers tanneurs n’étaient point à leur ouvrage, et traversaient le jardin d’un air inquiet.
Dixmer revint lui-même jusqu’à la porte.
– Entrez, dit-il, cher Maurice, entrez; vous n’êtes pas de ceux pour qui la porte est fermée.
– Mais qu’y a-t-il donc? demanda le jeune homme.
– Geneviève est souffrante, dit Dixmer; plus que souffrante, car elle délire.
– Ah! mon Dieu! s’écria le jeune homme, ému de retrouver là encore le trouble et la souffrance. Qu’a-t-elle donc?
– Vous savez, mon cher, reprit Dixmer, aux maladies des femmes, personne ne connaît rien, et surtout le mari.
Geneviève était renversée sur une espèce de chaise longue. Près d’elle était Morand, qui lui faisait respirer des sels.
– Eh bien? demanda Dixmer.
– Toujours la même chose, reprit Morand.
– Héloïse! Héloïse! murmura la jeune femme à travers ses lèvres blanches et ses dents serrées.
– Héloïse! répéta Maurice avec étonnement.
– Eh! mon Dieu, oui, reprit vivement Dixmer, Geneviève a eu le malheur de sortir hier et de voir passer cette malheureuse charrette avec une pauvre fille, nommée Héloïse, que l’on conduisait à la guillotine. Depuis ce moment-là, elle a eu cinq ou six attaques de nerfs, et ne fait que répéter ce nom.
– Ce qui l’a frappée surtout, c’est qu’elle a reconnu dans cette fille la bouquetière qui lui a vendu les œillets que vous savez.
– Certainement que je sais, puisqu’ils ont failli me faire couper le cou.
– Oui, nous avons su tout cela, cher Maurice, et croyez bien que nous avons été on ne peut plus effrayés; mais Morand était à la séance, et il vous a vu sortir en liberté.
– Silence! dit Maurice; la voilà qui parle encore, je crois.
– Oh! des mots entrecoupés, inintelligibles, reprit Dixmer.
– Maurice! murmura Geneviève; ils vont tuer Maurice. À lui! chevalier, à lui!
Un silence profond succéda à ces paroles.
– Maison-Rouge, murmura encore Geneviève; Maison-Rouge!
Maurice sentit comme un éclair de soupçon; mais ce n’était qu’un éclair. D’ailleurs, il était trop ému de la souffrance de Geneviève pour commenter ces quelques paroles.
– Avez-vous appelé un médecin? demanda-t-il.
– Oh! ce ne sera rien, reprit Dixmer; un peu de délire, voilà tout.
Et il serra si violemment le bras de sa femme, que Geneviève revint à elle et ouvrit, en jetant un léger cri, ses yeux qu’elle avait constamment tenus fermés jusque-là.
– Ah! vous voilà tous, dit-elle, et Maurice avec vous. Oh! je suis heureuse de vous voir, mon ami; si vous saviez comme j’ai…