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La Mare Au Diable

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La Mare Au Diable
Название: La Mare Au Diable
Автор: Sand George
Дата добавления: 16 январь 2020
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La Mare Au Diable читать книгу онлайн

La Mare Au Diable - читать бесплатно онлайн , автор Sand George

La Mare au Diable est un lieu maudit o? souffle l'angoisse. Pr?s d'elle se d?roule toute l'histoire. Un paysan, veuf avec ses enfants, cherche femme. Qui ?pousera-t-il? celle qu'on lui a promise, ou une pauvre paysanne, harcel?e par son patron? Cette petite Marie est l'?me d'un paysage de r?ve, et l'embl?me de l'enfance ?ternelle. Un roman d'amour, mais travers? par le cri des chiens fous, la nu?e sanglotante des oiseaux, le fossoyeur ?pileptique. La voix de la terre s'y accorde avec celle de l'Ame enfantine: George Sand y parle avec force du sol natal et des premiers souvenirs.

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Dans la nuit sonore, on entend ces clameurs sinistres tournoyer parfois assez longtemps au-dessus des maisons; et comme on ne peut rien voir, on ressent malgré soi une sorte de crainte et de malaise sympathique, jusqu’à ce que cette nuée sanglotante se soit perdue dans l’immensité.

Il y a d’autres bruits encore qui sont propres à ce moment de l’année, et qui se passent principalement dans les vergers. La cueille des fruits n’est pas encore faite, et mille crépitations inusitées font ressembler les arbres à des êtres animés. Une branche grince, en se courbant sous un poids arrivé tout à coup à son dernier degré de développement; ou bien une pomme se détache et tombe à vos pieds avec un son mat sur la terre humide. Alors vous entendez fuir, en frôlant les branches et les herbes, un être que vous ne voyez pas: c’est le chien du paysan, ce rôdeur curieux, inquiet, à la fois insolent et poltron, qui se glisse partout, qui ne dort jamais, qui cherche toujours on ne sait quoi, qui vous épie, caché dans les broussailles et prend la fuite au bruit de la pomme tombée, croyant que vous lui lancez une pierre.

C’est durant ces nuits-là, nuits voilées et grisâtres, que le chanvreur raconte ses étranges aventures de follets et de lièvres blancs, d’âmes en peine et de sorciers transformés en loups, de sabbat au carrefour et de chouettes prophétesses au cimetière. Je me souviens d’avoir passé ainsi les premières heures de la nuit autour des broyes en mouvement, dont la percussion impitoyable, interrompant le récit du chanvreur à l’endroit le plus terrible, nous faisait passer un frisson glacé dans les veines. Et souvent aussi le bonhomme continuait à parler en broyant; et il y avait quatre à cinq mots perdus: mots effrayants, sans doute, que nous n’osions pas lui faire répéter, et dont l’omission ajoutait un mystère plus affreux aux mystères déjà si sombres de son histoire. C’est en vain que les servantes nous avertissaient qu’il était bien tard pour rester dehors, et que l’heure de dormir était depuis longtemps sonnée pour nous: elles-mêmes mouraient d’envie d’écouter encore; et avec quelle terreur ensuite nous traversions le hameau pour rentrer chez nous! comme le porche de l’église nous paraissait profond et l’ombre des vieux arbres épaisse et noire! Quant au cimetière, on ne le voyait point; on fermait les yeux en le côtoyant.

Mais le chanvreur n’est pas plus que le sacristain adonné exclusivement au plaisir de faire peur; il aime à faire rire, il est moqueur et sentimental au besoin, quand il faut chanter l’amour et l’hyménée; c’est lui qui recueille et conserve dans sa mémoire les chansons les plus anciennes et qui les transmet à la postérité. C’est donc lui qui est chargé, dans les noces, du personnage que nous allons lui voir jouer à la présentation des livrées de la petite Marie.

II. Les livrées

Quand tout le monde fut réuni dans la maison, on ferma avec le plus grand soin les portes et les fenêtres; on alla même barricader la lucarne du grenier; on mit des planches, des tréteaux, des souches et des tables en travers de toutes les issues, comme si on se préparait à soutenir un siège; et il se fit, dans cet intérieur fortifié, un silence d’attente assez solennel, jusqu’à ce qu’on entendit au loin des chants, des rires et le son des instruments rustiques. C’était la bande de l’épouseur, Germain en tête, accompagné de ses plus hardis compagnons, du fossoyeur, des parents, amis et serviteurs, qui formaient un joyeux et solide cortège.

Cependant, à mesure qu’ils approchèrent de la maison, ils se ralentirent, se concertèrent et firent silence. Les jeunes filles, enfermées dans le logis, s’étaient ménagé aux fenêtres de petites fentes, par lesquelles elles les virent arriver et se développer en ordre de bataille. Il tombait une pluie fine et froide, qui ajoutait au piquant de la situation, tandis qu’un grand feu pétillait dans l’âtre de la maison. Marie eût voulu abréger les lenteurs inévitables de ce siège en règle; elle n’aimait pas à voir ainsi se morfondre son fiancé mais elle n’avait pas voix au chapitre dans la circonstance, et même elle devait partager ostensiblement la mutine cruauté de ses compagnes.

Quand les deux camps furent ainsi en présence, une décharge d’armes à feu, partie du dehors, mit en grande rumeur tous les chiens des environs. Ceux de la maison se précipitèrent vers la porte en aboyant, croyant qu’il s’agissait d’une attaque réelle, et les petits enfants que leurs mères s’efforçaient en vain de rassurer, se mirent à pleurer et à trembler. Toute cette scène fut si bien jouée qu’un étranger y eût été pris et eût songé peut-être à se mettre en état de défense contre une bande de chauffeurs.

Alors le fossoyeur, barde et orateur du fiancé, se plaça devant la porte et, d’une voix lamentable, engagea avec le chanvreur, placé à la lucarne qui était située au-dessus de la même porte, le dialogue suivant:

Le fossoyeur

– Hélas! mes bonnes gens, mes chers paroissiens, pour l’amour de Dieu, ouvrez-moi la porte.

Le chanvreur

– Qui êtes-vous donc, et pourquoi prenez-vous la licence de nous appeler vos chers paroissiens? Nous ne vous connaissons pas.

Le fossoyeur

– Nous sommes d’honnêtes gens bien en peine. N’ayez peur de nous, mes amis! donnez-nous l’hospitalité. Il tombe du verglas, nos pauvres pieds sont gelés, et nous revenons de si loin que nos sabots en sont fendus.

Le chanvreur

– Si vos sabots sont fendus, vous pouvez chercher par terre; vous trouverez bien un brin d’oisil (d’osier) pour faire des arcelets (petites lames de fer en forme d’arcs qu’on place sur les sabots fendus pour les consolider).

Le fossoyeur

– Des arcelets d’oisil, ce n’est guère solide. Vous vous moquez de nous, bonnes gens, et vous feriez mieux de nous ouvrir. On voit luire une belle flamme dans votre logis; sans doute vous avez mis la broche, et on se réjouit chez vous le cœur et le ventre. Ouvrez donc à de pauvres pèlerins qui mourront à votre porte si vous ne leur faites merci.

Le chanvreur

– Ah! ah! vous êtes des pèlerins? vous ne nous disiez pas cela. Et de quel pèlerinage arrivez-vous, s’il vous plaît!

Le fossoyeur

– Nous vous dirons cela quand vous nous aurez ouvert la porte, car nous venons de si loin que vous ne voudriez pas le croire.

Le chanvreur

– Quelle bêtise nous contez-vous? Nous ne connaissons pas cette paroisse-là. Nous voyons bien que vous êtes de mauvaises gens, des brigands, des rien du tout et des menteurs. Allez plus loin chanter vos sornettes; nous sommes sur nos gardes et vous n’entrerez point céans.

Le fossoyeur

– Hélas! mon pauvre homme, ayez pitié de nous! Nous ne sommes pas des pèlerins, vous l’avez deviné; mais nous sommes de malheureux braconniers poursuivis par les gardes. Mêmement les gendarmes sont après nous et, si vous ne nous faites point cacher dans votre fenil, nous allons être pris et conduits en prison.

Le chanvreur

– Et qui nous prouvera que, cette fois-ci, vous soyez ce que vous dites? car voilà déjà un mensonge que vous n’avez pas pu soutenir.

Le fossoyeur

– Si vous voulez nous ouvrir, nous vous montrerons une belle pièce de gibier que nous avons tuée.

Le chanvreur

– Montrez-la tout de suite, car nous sommes en méfiance.

Le fossoyeur

– Eh bien, ouvrez une porte ou une fenêtre, qu’on vous passe la bête.

Le chanvreur

– Oh! que nenni! pas si sot! je vous regarde par un petit pertuis et je ne vois parmi vous ni chasseurs, ni gibier.

Ici un garçon bouvier, trapu et d’une force herculéenne, se détacha du groupe où il se tenait inaperçu, éleva vers la lucarne une oie plumée, passée dans une forte broche de fer, ornée de bouquets de paille et de rubans.

– Oui-da! s’écria le chanvreur, après avoir passé avec précaution un bras dehors pour tâter le rôt; ceci n’est point une caille, ni une perdrix; ce n’est ni un lièvre, ni un lapin; c’est quelque chose comme une oie ou un dindon. Vraiment, vous êtes de beaux chasseurs! et ce gibier-là ne vous a guère fait courir. Allez plus loin, mes drôles! toutes vos menteries sont connues, et vous pouvez bien aller chez vous faire cuire votre souper. Vous ne mangerez pas le nôtre.

Le fossoyeur

– Hélas! mon Dieu, où irions-nous faire cuire notre gibier? C’est bien peu de chose pour tant de monde que nous sommes; et d’ailleurs, nous n’avons ni feu ni lieu. À cette heure-ci toutes les portes sont fermées, tout le monde est couché; il n’y a que vous qui fassiez la noce dans votre maison, et il faut que vous ayez le cœur bien dur pour nous laisser transir dehors. Ouvrez-nous, braves gens, encore une fois; nous ne vous occasionnerons pas de dépenses. Vous voyez bien que nous apportons le rôti; seulement un peu de place à votre foyer, un peu de flamme pour le faire cuire, et nous nous en irons contents.

Le chanvreur

– Croyez-vous qu’il y ait trop de place chez nous, et que le bois ne nous coûte rien?

Le fossoyeur

– Nous avons là une petite botte de paille pour faire le feu, nous nous en contenterons; donnez-nous seulement la permission de mettre la broche en travers à votre cheminée.

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