Les Enfants Du Capitaine Grant
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Lord et Lady Glenarvan, ainsi que le g?ographe Paganel, aident Mary et Robert Grant ? retrouver leur p?re qui a fait naufrage sur une ?le dont on ne connait que la latitude, ce qui les am?ne ? traverser l'Am?rique du sud, puis l'Australie o? un bagnard ?vad?, Ayrton, tente de s'emparer du yacht de Glenarvan, et enfin l'Oc?anie o?, apr?s avoir ?chapp? aux anthropophages, il retrouveront enfin la trace de leur p?re…
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Heureusement, car, ce refuge manqué, toute chance de salut s’évanouissait, et il fallait périr dans les flots.
L’eau s’élevait jusqu’au sommet du tronc, à l’endroit où les branches mères prenaient naissance.
Il fut donc facile de s’y accrocher. Thalcave, abandonnant son cheval et hissant Robert, grimpa le premier, et bientôt ses bras puissants eurent mis en lieu sûr les nageurs épuisés. Mais Thaouka, entraîné par le courant, s’éloignait rapidement.
Il tournait vers son maître sa tête intelligente, et, secouant sa longue crinière, il l’appelait en hennissant.
«Tu l’abandonnes! dit Paganel à Thalcave.
– Moi!» s’écria l’indien.
Et, plongeant dans les eaux torrentueuses, il reparut à dix brasses de l’arbre. Quelques instants après, son bras s’appuyait au cou de Thaouka, et cheval et cavalier dérivaient ensemble vers le brumeux horizon du nord.
Chapitre XXIII Où l’on mène la vie des oiseaux
L’arbre sur lequel Glenarvan et ses compagnons venaient de trouver refuge ressemblait à un noyer.
Il en avait le feuillage luisant et la forme arrondie.
En réalité, c’était «l’ombu», qui se rencontre isolément dans les plaines argentines. Cet arbre au tronc tortueux et énorme est fixé au sol non seulement par ses grosses racines, mais encore par des rejetons vigoureux qui l’y attachent de la plus tenace façon. Aussi avait-il résisté à l’assaut du mascaret.
Cet ombu mesurait en hauteur une centaine de pieds, et pouvait couvrir de son ombre une circonférence de soixante toises. Tout cet échafaudage reposait sur trois grosses branches qui se trifurquaient au sommet du tronc large de six pieds. Deux de ces branches s’élevaient presque perpendiculairement, et supportaient l’immense parasol de feuillage, dont les rameaux croisés, mêlés, enchevêtrés comme par la main d’un vannier, formaient un impénétrable abri.
La troisième branche, au contraire, s’étendait à peu près horizontalement au-dessus des eaux mugissantes; ses basses feuilles s’y baignaient déjà; elle figurait un cap avancé de cette île de verdure entourée d’un océan. L’espace ne manquait pas à l’intérieur de cet arbre gigantesque; le feuillage, repoussé à la circonférence, laissait de grands intervalles largement dégagés, de véritables clairières, de l’air en abondance, de la fraîcheur partout. À voir ces branches élever jusqu’aux nues leurs rameaux innombrables, tandis que des lianes parasites les rattachaient l’une à l’autre, et que des rayons de soleil se glissaient à travers les trouées du feuillage, on eût vraiment dit que le tronc de cet ombu portait à lui seul une forêt tout entière.
À l’arrivée des fugitifs, un monde ailé s’enfuit sur les hautes ramures, protestant par ses cris contre une si flagrante usurpation de domicile.
Ces oiseaux qui, eux aussi, avaient cherché refuge sur cet ombu solitaire, étaient là par centaines, des merles, des étourneaux, des isacas, des hilgueros et surtout les picaflors, oiseaux-mouches aux couleurs resplendissantes; et, quand ils s’envolèrent, il sembla qu’un coup de vent dépouillait l’arbre de toutes ses fleurs.
Tel était l’asile offert à la petite troupe de Glenarvan. Le jeune Grant et l’agile Wilson, à peine juchés dans l’arbre, se hâtèrent de grimper jusqu’à ses branches supérieures. Leur tête trouait alors le dôme de verdure. De ce point culminant, la vue embrassait un vaste horizon. L’océan créé par l’inondation les entourait de toutes parts, et les regards, si loin qu’ils s’étendissent, ne purent en apercevoir la limite. Aucun arbre ne sortait de la plaine liquide; l’ombu, seul au milieu des eaux débordées, frémissait à leur choc. Au loin, dérivant du sud au nord, passaient, emportés par l’impétueux courant, des troncs déracinés, des branches tordues, des chaumes arrachés à quelque rancho démoli, des poutres de hangars volées par les eaux aux toits des estancias, des cadavres d’animaux noyés, des peaux sanglantes, et sur un arbre vacillant toute une famille de jaguars rugissants qui se cramponnaient des griffes à leur radeau fragile.
Plus loin encore un point noir, presque invisible déjà, attira l’attention de Wilson. C’était Thalcave et son fidèle Thaouka, qui disparaissaient dans l’éloignement.
«Thalcave, ami Thalcave! s’écria Robert, en tendant la main vers le courageux patagon.
– Il se sauvera, Monsieur Robert, répondit Wilson; mais allons rejoindre son honneur.»
Un instant après, Robert Grant et le matelot descendaient les trois étages de branches et se trouvaient au sommet du tronc. Là, Glenarvan, Paganel, le major, Austin et Mulrady étaient assis, à cheval ou accrochés, suivant leurs aptitudes naturelles. Wilson rendit compte de sa visite à la cime de l’ombu. Tous partagèrent son opinion à l’égard de Thalcave. Il n’y eut doute que sur la question de savoir si ce serait Thalcave qui sauverait Thaouka, ou Thaouka qui sauverait Thalcave. La situation des hôtes de l’ombu était, sans contredit, beaucoup plus alarmante. L’arbre ne céderait pas sans doute à la force du courant, mais l’inondation croissante pouvait gagner ses hautes branches, car la dépression du sol faisait de cette partie de la plaine un profond réservoir.
Le premier soin de Glenarvan fut donc d’établir, au moyen d’entailles, des points de repère qui permissent d’observer les divers niveaux d’eau.
La crue, stationnaire alors, paraissait avoir atteint sa plus grande élévation. C’était déjà rassurant.
«Et maintenant, qu’allons-nous faire? dit Glenarvan.
– Faire notre nid, parbleu! répondit gaiement Paganel.
– Faire notre nid! s’écria Robert.
– Sans doute, mon garçon, et vivre de la vie des oiseaux, puisque nous ne pouvons vivre de la vie des poissons.
– Bien! dit Glenarvan, mais qui nous donnera la becquée?
– Moi», répondit le major.
Tous les regards se portèrent sur Mac Nabbs; le major était confortablement assis dans un fauteuil naturel formé de deux branches élastiques, et d’une main il tendait ses alforjas mouillées, mais rebondies.
«Ah! Mac Nabbs, s’écria Glenarvan, je vous reconnais bien là! Vous songez à tout, même dans des circonstances où il est permis de tout oublier.
– Du moment qu’on était décidé à ne pas se noyer, répondit le major, ce n’était pas dans l’intention de mourir de faim!
– J’y aurais bien songé, dit naïvement Paganel, mais je suis si distrait!
– Et que contiennent les alforjas? demanda Tom Austin.
– La nourriture de sept hommes pendant deux jours, répondit Mac Nabbs.
– Bon, dit Glenarvan, j’espère que l’inondation aura suffisamment diminué d’ici vingt-quatre heures.
– Ou que nous aurons trouvé un moyen de regagner la terre ferme, répliqua Paganel.