Les Enfants Du Capitaine Grant
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Lord et Lady Glenarvan, ainsi que le g?ographe Paganel, aident Mary et Robert Grant ? retrouver leur p?re qui a fait naufrage sur une ?le dont on ne connait que la latitude, ce qui les am?ne ? traverser l'Am?rique du sud, puis l'Australie o? un bagnard ?vad?, Ayrton, tente de s'emparer du yacht de Glenarvan, et enfin l'Oc?anie o?, apr?s avoir ?chapp? aux anthropophages, il retrouveront enfin la trace de leur p?re…
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«Vous avez vu! dit-il. Charmants! Bons soldats. José! Juan! Miquele! Pepe! Pepe, sept ans! mâche déjà sa cartouche!»
Pepe, s’entendant complimenter, rassembla ses deux petits pieds et présenta les armes avec une grâce parfaite.
«Il ira bien! Ajouta le sergent. Un jour, colonel major ou brigadier général!»
Le sergent Manuel se montrait si enchanté qu’il n’y avait à le contredire ni sur la supériorité du métier des armes, ni sur l’avenir réservé à sa belliqueuse progéniture. Il était heureux, et, comme l’a dit Goethe: «Rien de ce qui nous rend heureux n’est illusion.»
Toute cette histoire dura un bon quart d’heure, au grand étonnement de Thalcave. L’indien ne pouvait comprendre que tant de paroles sortissent d’un seul gosier. Personne n’interrompit le commandant.
Mais comme il faut bien qu’un sergent, même un sergent français finisse par se taire, Manuel se tut enfin, non sans avoir obligé ses hôtes à le suivre dans sa demeure. Ceux-ci se résignèrent à être présentés à Mme Ipharaguerre, qui leur parut être «une bonne personne», si cette expression du vieux monde peut s’employer toutefois, à propos d’une indienne.
Puis, quand on eut fait toutes ses volontés, le sergent demanda à ses hôtes ce qui lui procurait l’honneur de leur visite. C’était l’instant ou jamais de s’expliquer. Paganel lui raconta en français tout ce voyage à travers les pampas et termina en demandant la raison pour laquelle les indiens avaient abandonné le pays.
«Ah!… Personne!… Répondit le sergent en haussant les épaules. Effectivement!… Personne!… Nous autres, bras croisés… Rien à faire!
– Mais pourquoi?
– Guerre.
– Guerre?
– Oui! Guerre civile…
– Guerre civile?… Reprit Paganel, qui, sans y prendre garde, se mettait à «parler nègre.»
– Oui, guerre entre Paraguayens et Buenos-Ayriens, répondit le sergent.
– Eh bien?
– Eh bien, indiens tous dans le nord, sur les derrières du général Flores. Indiens pillards, pillent.
– Mais les caciques?
– Caciques avec eux.
– Quoi! Catriel.
– Pas de Catriel.
– Et Calfoucoura?
– Point de Calfoucoura.
– Et Yanchetruz?
– Plus de Yanchetruz!»
Cette réponse fut rapportée à Thalcave, qui secoua la tête d’un air approbatif. En effet, Thalcave l’ignorait ou l’avait oublié, une guerre civile, qui devait entraîner plus tard l’intervention du Brésil, décimait les deux partis de la république.
Les indiens ont tout à gagner à ces luttes intestines, et ils ne pouvaient manquer de si belles occasions de pillage. Aussi le sergent ne se trompait-il pas en donnant à l’abandon des pampas cette raison d’une guerre civile qui se faisait dans le nord des provinces argentines.
Mais cet événement renversait les projets de Glenarvan, dont les plans se trouvaient ainsi déjoués. En effet, si Harry Grant était prisonnier des caciques, il avait dû être entraîné avec eux jusqu’aux frontières du nord.
Dès lors, où et comment le retrouver? Fallait-il tenter une recherche périlleuse, et presque inutile, jusqu’aux limites septentrionales de la pampa?
C’était une résolution grave, qui devait être sérieusement débattue.
Cependant, une question importante pouvait encore être posée au sergent, et ce fut le major qui songea à la faire pendant que ses amis se regardaient en silence.
«Le sergent avait-il entendu dire que des européens fussent retenus prisonniers par les caciques de la pampa?»
Manuel réfléchit pendant quelques instants, en homme qui fait appel à ses souvenirs.
«Oui, dit-il enfin.
– Ah!» fit Glenarvan, se rattachant à un nouvel espoir.
Paganel, Mac Nabbs, Robert et lui entouraient le sergent.
«Parlez! Parlez! disaient-ils en le considérant d’un œil avide.
– Il y a quelques années, répondit Manuel, oui… C’est cela… Prisonniers européens… Mais jamais vus…
– Quelques années, reprit Glenarvan, vous vous trompez… La date du naufrage est précise… Le Britannia s’est perdu en juin 1862… Il y a donc moins de deux ans.
– Oh! Plus que cela, mylord.
– Impossible, s’écria Paganel.
– Si vraiment! C’était à la naissance de Pepe… Il s’agissait de deux hommes.
– Non, trois! dit Glenarvan.
– Deux! répliqua le sergent d’un ton affirmatif.
– Deux! dit Glenarvan très surpris. Deux anglais?
– Non pas, répondit le sergent. Qui parle d’anglais? Non… Un français et un italien.
– Un italien qui fut massacré par les Poyuches? s’écria Paganel.
– Oui! Et j’ai appris depuis… Français sauvé.
– Sauvé! s’écria le jeune Robert, dont la vie était suspendue aux lèvres du sergent.
– Oui, sauvé des mains des indiens», répondit Manuel.
Chacun regardait le savant, qui se frappait le front d’un air désespéré.
«Ah! Je comprends, dit-il enfin, tout est clair, tout s’explique!
– Mais de quoi s’agit-il? demanda Glenarvan, aussi inquiet qu’impatienté.
– Mes amis, répondit Paganel, en prenant les mains de Robert, il faut nous résigner à une grave déconvenue! Nous avons suivi une fausse piste! Il ne s’agit point ici du capitaine, mais d’un de mes compatriotes, dont le compagnon, Marco Vazello, fut effectivement assassiné par les Poyuches, d’un français qui plusieurs fois accompagna ces cruels indiens jusqu’aux rives du Colorado, et qui, après s’être heureusement échappé de leurs mains, a revu la France. En croyant suivre les traces d’Harry Grant, nous sommes tombés sur celles du jeune Guinnard.»
Un profond silence accueillit cette déclaration.
L’erreur était palpable. Les détails donnés par le sergent, la nationalité du prisonnier, le meurtre de son compagnon, son évasion des mains des indiens, tout s’accordait pour la rendre évidente.
Glenarvan regardait Thalcave d’un air décontenancé. L’indien prit alors la parole:
«N’avez-vous jamais entendu parler de trois anglais captifs? demanda-t-il au sergent français.
– Jamais, répondit Manuel… On l’aurait appris à Tandil… Je le saurais… Non, cela n’est pas…»