Aventures De Trois Russes Et De Trois Anglais Dans LAfrique Australe
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Les Aventures de trois Russes et de trois Anglais (1872) mettent en sc?ne six astronomes dont la t?che est de mesurer une portion de m?ridien terrestre. Il s'agit donc plus de g?od?sie que d'astronomie, mais historiquement, ce genre de travail a toujours ?chu aux astronomes. Les h?ros utilisent la m?thode de triangulation expos?e en d?tail dans l'Astronomie Populaire d'Arago. On retrouve le th?me des grandes exp?ditions scientifiques des Picard, Lacaille, Maupertuis, Bouguer, Godin, La Condamine, M?chain, Delambre, Arago… commandit?es par l'Acad?mie des sciences, aux ?poques o? le m?tier d'astronome ?tait un m?tier dangereux.
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Mathieu Strux, à cette occasion, fit observer que son opinion avait été d’accompagner la caravane, après avoir relié géodésiquement la dernière station en deçà du fleuve, avec les deux stations situées au delà; que si son avis eût été suivi, l’expédition ne se trouverait pas dans l’embarras; que si le sort de la triangulation était compromis par ce retard, la responsabilité en remonterait à ceux qui avaient cru devoir…, etc… Qu’en tout cas, les Russes…, etc.
Le colonel Everest, on le pense bien, protesta contre ces insinuations de son collègue, rappelant que la décision avait été prise en commun; mais sir John Murray intervint, et demanda que cette discussion, parfaitement oiseuse, d’ailleurs, fût immédiatement close. Ce qui était fait était fait, et toutes les récriminations du monde ne changeraient rien à la situation. Il fut dit seulement que si le lendemain, la caravane bochjesmane n’avait pas rallié les Européens, William Emery et Michel Zorn, qui s’étaient offerts, iraient à sa recherche en descendant vers le sud-ouest sous la conduite du foreloper. Pendant leur absence, le colonel Everest et ses collègues demeureraient au campement, et attendraient leur retour pour prendre une détermination.
Ceci convenu, les deux rivaux se tinrent à l’écart l’un de l’autre pendant le reste de la journée. Sir John Murray occupa son temps en battant les taillis voisins. Mais le gibier de poil lui fit défaut. Quant aux volatiles, il ne fut pas très-heureux au point de vue comestible. En revanche, le naturaliste, dont est souvent doublé un chasseur, eut lieu d’être satisfait. Deux remarquables espèces tombèrent sous le plomb de son fusil. Il rapporta un beau francolin, long de treize pouces, court de tarse, gris foncé au dos, rouge de pattes et de bec, dont les élégantes rémiges se nuançaient de couleur brune; remarquable échantillon de la famille des tétraonidés, dont la perdrix est le type. L’autre oiseau, que sir John avait abattu par un remarquable coup d’adresse, appartenait à l’ordre des rapaces. C’était une espèce de faucon particulier à l’Afrique australe, dont la gorge est rouge, la queue blanche, et que l’on cite justement pour la beauté de ses formes. Le foreloper dépouilla adroitement ces deux oiseaux, de manière à ce que leur peau pût être conservée intacte.
Les premières heures du 23 juin s’étaient déjà écoulées. La caravane n’avait pas encore été signalée, et les deux jeunes gens allaient se mettre en route, quand des aboiements éloignés suspendirent leur départ. Bientôt, au tournant d’un taillis d’aloës situé sur la gauche du campement, le chasseur Mokoum apparut sur son zèbre lancé à toute vitesse.
Le bushman avait devancé la caravane, et s’approchait rapidement des Européens.
«Arrivez donc, brave chasseur, s’écria joyeusement sir John Murray. Véritablement, nous désespérions de vous! Savez-vous que je ne me serais jamais consolé de ne pas vous avoir revu! Il semble que le gibier me fuit quand vous n’êtes pas à mon côté. Venez donc que nous fêtions votre retour par un bon verre de tonre usquebaugh d’Écosse!»
À ces bienveillantes et amicales paroles de l’honorable sir John, Mokoum ne répondit pas. Il dévisageait chacun des Européens. Il les comptait les uns après les autres. Une vive anxiété se peignait sur son visage.
Le colonel Everest s’en aperçut aussitôt, et allant au chasseur qui venait de mettre pied à terre:
«Qui cherchez-vous, Mokoum? lui demanda-t-il.
– Monsieur Palander, répondit le bushman.
– N’a-t-il pas suivi votre caravane? N’est-il pas avec vous? reprit le colonel Everest.
– Il n’y est plus! répondit Mokoum. J’espérais le retrouver à votre campement! Il s’est égaré!»
Sur ces derniers mots du bushman, Mathieu Strux s’était rapidement avancé:
«Nicolas Palander perdu! s’écria-t-il, un savant confié à vos soins, un astronome dont vous répondiez, et que vous ne ramenez pas! Savez-vous bien, chasseur, que vous êtes responsable de sa personne, et qu’il ne suffit pas de dire: Monsieur Nicolas Palander est perdu!»
Ces paroles de l’astronome russe échauffèrent les oreilles du chasseur, qui n’étant point en chasse, n’avait aucune raison d’être patient.
«Eh! eh! monsieur l’astrologue de toutes les Russies, répondit-il d’une voix irritée, est-ce que vous n’allez pas mesurer vos paroles? Est-ce que je suis chargé de garder votre compagnon qui ne sait pas se garder lui-même! Vous vous en prenez à moi, et vous avez tort, entendez-vous? Si monsieur Palander s’est perdu, c’est par sa faute! Vingt fois, je l’ai surpris, toujours absorbé dans ses chiffres, et s’éloignant de notre caravane. Vingt fois, je l’ai averti et ramené. Mais avant-hier, à la tombée de la nuit, il a disparu, et malgré mes recherches, je n’ai pu le retrouver. Soyez plus habile, si vous le pouvez, et puisque vous savez si bien manœuvrer votre lunette, mettez votre œil au bout, et tâchez de découvrir votre compagnon!
Le bushman aurait sans doute continué sur ce ton, à la grande colère de Mathieu Strux, qui, la bouche ouverte, ne pouvait placer un mot, si John Murray n’eût calmé l’irascible chasseur. Fort heureusement pour le savant russe, la discussion entre le bushman et lui s’arrêta. Mais Mathieu Strux, par une insinuation sans fondement, se rabattit sur le colonel Everest qui ne s’y attendait pas.
«En tout cas, dit d’un ton sec l’astronome de Poulkowa, je n’entends pas abandonner mon malheureux compagnon dans ce désert. En ce qui me regarde, j’emploierai tous mes efforts à le retrouver. Si c’était sir John Murray ou monsieur William Emery, dont la disparition eût été ainsi constatée, le colonel Everest, j’imagine, n’hésiterait pas à suspendre les opérations géodésiques pour porter secours à ses compatriotes. Or, je ne vois pas pourquoi on ferait moins pour un savant russe que pour un savant anglais!»
Le colonel Everest, ainsi interpellé, ne put garder son calme habituel.
«Monsieur Mathieu Strux, s’écria-t-il les bras croisés, le regard fixé sur les yeux de son adversaire, est-ce un parti pris chez vous de m’insulter gratuitement? Pour qui nous prenez-vous, nous autres Anglais! Nous avons-nous donné le droit de douter de nos sentiments dans une question d’humanité? Qui vous fait supposer que nous n’irons pas au secours de ce maladroit calculateur…
– Monsieur…, riposta le Russe sur ce qualificatif appliqué à Nicolas Palander.
– Oui! maladroit, reprit le colonel Everest, en articulant toutes les syllabes de son épithète, et pour retourner contre vous ce que vous avanciez si légèrement tout à l’heure, j’ajouterai qu’au cas où nos opérations manqueraient par ce fait, la responsabilité en remonterait aux Russes et non aux Anglais!
– Colonel, s’écria Mathieu Strux, dont les yeux lançaient des éclairs, vos paroles…
– Mes paroles sont toutes pesées, monsieur, et cela dit, nous entendons qu’à compter de ce moment jusqu’au moment où nous aurons retrouvé votre calculateur toute opération soit suspendue! Êtes-vous prêt à partir?
– J’étais prêt avant même que vous n’eussiez prononcé une seule parole!» répondit aigrement Mathieu Strux.