Les Enfants Du Capitaine Grant
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Lord et Lady Glenarvan, ainsi que le g?ographe Paganel, aident Mary et Robert Grant ? retrouver leur p?re qui a fait naufrage sur une ?le dont on ne connait que la latitude, ce qui les am?ne ? traverser l'Am?rique du sud, puis l'Australie o? un bagnard ?vad?, Ayrton, tente de s'emparer du yacht de Glenarvan, et enfin l'Oc?anie o?, apr?s avoir ?chapp? aux anthropophages, il retrouveront enfin la trace de leur p?re…
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Vers l’est, le regard s’arrêtait sur une lisière de myalls et de gommiers, que dominait à sept mille cinq cents pieds dans les airs la cime imposante du mont Hottam.
De longues avenues d’arbres verts à feuilles persistantes rayonnaient dans toutes les directions.
Çà et là se massaient d’épais taillis de «grass-trees», arbustes hauts de dix pieds, semblables au palmier nain, et perdus dans leur chevelure de feuilles étroites et longues. L’air était embaumé du parfum des lauriers-menthes, dont les bouquets de fleurs blanches, alors en pleine floraison, dégageaient les plus fines senteurs aromatiques.
Aux groupes charmants de ces arbres indigènes se mariaient les productions transplantées des climats européens. Le pêcher, le poirier, le pommier, le figuier, l’oranger, le chêne lui-même, furent salués par les hurrahs des voyageurs, et ceux-ci, s’ils ne s’étonnèrent pas trop de marcher à l’ombre des arbres de leur pays, s’émerveillèrent, du moins, à la vue des oiseaux qui voltigeaient entre les branches, les «satin-birds «au plumage soyeux, et les séricules, vêtus mi-partie d’or et de velours noir.
Entre autres, et pour la première fois, il leur fut donné d’admirer le «menure», c’est l’oiseau-lyre, dont l’appendice caudal figure le gracieux instrument d’Orphée. Il fuyait entre les fougères arborescentes, et lorsque sa queue frappait les branches, on s’étonnait presque de ne pas entendre ces harmonieux accords dont s’inspirait Amphion pour rebâtir les murs de Thèbes. Paganel avait envie d’en jouer.
Cependant, lord Glenarvan ne se contentait pas d’admirer les féeriques merveilles de cette oasis improvisée dans le désert australien. Il écoutait le récit des jeunes gentlemen. En Angleterre, au milieu de ses campagnes civilisées, le nouvel arrivant eût tout d’abord appris à son hôte d’où il venait, où il allait. Mais ici, et par une nuance de délicatesse finement observée, Michel et Sandy Patterson crurent devoir se faire connaître des voyageurs auxquels ils offraient l’hospitalité. Ils racontèrent donc leur histoire.
C’était celle de tous ces jeunes anglais, intelligents et industrieux, qui ne croient pas que la richesse dispense du travail. Michel et Sandy Patterson étaient fils d’un banquier de Londres. À vingt ans, le chef de leur famille avait dit: «Voici des millions, jeunes gens. Allez dans quelque colonie lointaine; fondez-y un établissement utile; puisez dans le travail la connaissance de la vie. Si vous réussissez, tant mieux. Si vous échouez, peu importe. Nous ne regretterons pas les millions qui vous auront servi à devenir des hommes.» Les deux jeunes gens obéirent. Ils choisirent en Australie la colonie de Victoria pour y semer les bank-notes paternelles, et ils n’eurent pas lieu de s’en repentir. Au bout de trois ans, l’établissement prospérait.
On compte dans les provinces de Victoria, de la Nouvelle Galles du sud et de l’Australie méridionale plus de trois mille stations, les unes dirigées par les squatters qui élèvent le bétail, les autres par les settlers, dont la principale industrie est la culture du sol. Jusqu’à l’arrivée des deux jeunes anglais, l’établissement le plus considérable de ce genre était celui de M Jamieson, qui couvrait cent kilomètres de superficie, avec une bordure de vingt-cinq kilomètres sur le Paroo, l’un des affluents du Darling.
Maintenant, la station d’Hottam l’emportait en étendue et en affaires. Les deux jeunes gens étaient squatters et settlers tout à la fois. Ils administraient avec une rare habileté, et, ce qui est plus difficile, avec une énergie peu commune, leur immense propriété.
On le voit, cette station se trouvait reportée à une grande distance des principales villes, au milieu des déserts peu fréquentés du Murray. Elle occupait l’espace compris entre 14648 et 147, c’est-à-dire un terrain long et large de cinq lieues, situé entre les Buffalos-Ranges et le mont Hottam. Aux deux angles nord de ce vaste quadrilatère se dressaient à gauche le mont Aberdeen, à droite les sommets du High-Barven. Les eaux belles et sinueuses n’y manquaient pas, grâce aux creeks et affluents de l’Oven’S-River, qui se jette au nord dans le lit du Murray. Aussi, l’élève du bétail et la culture du sol y réussissaient également. Dix mille acres de terre, admirablement assolés et aménagés, mêlaient les récoltes indigènes aux productions exotiques, tandis que plusieurs millions d’animaux s’engraissaient dans les verdoyants pâturages. Aussi, les produits de Hottam-Station étaient-ils cotés à de hauts cours sur les marchés de Castlemaine et de Melbourne.
Michel et Sandy Patterson achevaient de donner ces détails de leur industrieuse existence quand, à l’extrémité d’une avenue de casuarinas, apparut l’habitation.
C’était une charmante maison de bois et de briques, enfouie sous des bouquets d’émérophilis. Elle avait la forme élégante du chalet, et une véranda à laquelle pendaient des lampes chinoises contournait le long des murs comme un impluvium antique. Devant les fenêtres se déployaient des bannes multicolores qui semblaient être en fleurs. Rien de plus coquet, rien de plus délicieux au regard, mais aussi rien de plus confortable. Sur les pelouses et dans les massifs groupés aux alentours poussaient des candélabres de bronze, qui supportaient d’élégantes lanternes; à la nuit tombante, tout ce parc s’illuminait des blanches lumières du gaz, venu d’un petit gazomètre, caché sous des berceaux de myalls et de fougères arborescentes.
D’ailleurs, on ne voyait ni communs, ni écuries, ni hangars, rien de ce qui indique une exploitation rurale. Toutes ces dépendances, – un véritable village composé de plus de vingt huttes et maisons, – étaient situées à un quart de mille, au fond d’une petite vallée. Des fils électriques mettaient en communication instantanée le village et la maison des maîtres. Celle-ci, loin de tout bruit, semblait perdue dans une forêt d’arbres exotiques.
Bientôt, l’avenue des casuarinas fut dépassée. Un petit pont de fer d’une élégance extrême, jeté sur un creek murmurant, donnait accès dans le parc réservé.
Il fut franchi. Un intendant de haute mine vint au-devant des voyageurs; les portes de l’habitation s’ouvrirent, et les hôtes de Hottam-Station pénétrèrent dans les somptueux appartements contenus sous cette enveloppe de briques et de fleurs.
Tout le luxe de la vie artiste et fashionable s’offrit à leurs yeux. Sur l’antichambre, ornée de sujets décoratifs empruntés à l’outillage du turf et de la chasse, s’ouvrait un vaste salon à cinq fenêtres. Là, un piano couvert de partitions anciennes et nouvelles, des chevalets portant des toiles ébauchées, des socles ornés de statues de marbre, quelques tableaux de maîtres flamands accrochés aux murs, de riches tapis, doux au pied comme une herbe épaisse, pans de tapisserie égayés de gracieux épisodes mythologiques, un lustre antique suspendu au plafond, des faïences précieuses, des bibelots de prix et d’un goût parfait, mille riens chers et délicats qu’on s’étonnait de voir dans une habitation australienne, prouvaient une suprême entente des arts et du confort. Tout ce qui pouvait charmer les ennuis d’un exil volontaire, tout ce qui pouvait ramener l’esprit au souvenir des habitudes européennes, meublait ce féerique salon. On se serait cru dans quelque château de France ou d’Angleterre.