Les Enfants Du Capitaine Grant
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Lord et Lady Glenarvan, ainsi que le g?ographe Paganel, aident Mary et Robert Grant ? retrouver leur p?re qui a fait naufrage sur une ?le dont on ne connait que la latitude, ce qui les am?ne ? traverser l'Am?rique du sud, puis l'Australie o? un bagnard ?vad?, Ayrton, tente de s'emparer du yacht de Glenarvan, et enfin l'Oc?anie o?, apr?s avoir ?chapp? aux anthropophages, il retrouveront enfin la trace de leur p?re…
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En ce moment, quelques-unes de ces malheureuses, privées de nourriture depuis longtemps peut-être, essayaient d’attirer les oiseaux en leur présentant des graines.
On les voyait étendues sur le sol brûlant, immobiles, comme mortes, attendre pendant des heures entières qu’un naïf oiseau vînt à portée de leur main! Leur industrie en fait de pièges n’allait pas plus loin, et il fallait être un volatile australien pour s’y laisser prendre.
Cependant les indigènes, apprivoisés par les avances des voyageurs, les entouraient, et l’on dut se garder alors contre leurs instincts éminemment pillards. Ils parlaient un idiome sifflant, fait de battements de langue. Cela ressemblait à des cris d’animaux. Cependant, leur voix avait souvent des inflexions câlines d’une grande douceur; le mot «noki, noki», se répétait souvent, et les gestes le faisaient suffisamment comprendre. C’était le «Donnez-moi! Donnez-moi!» qui s’appliquait aux plus menus objets des voyageurs. Mr Olbinett eut fort à faire pour défendre le compartiment aux bagages et surtout les vivres de l’expédition.
Ces pauvres affamés jetaient sur le chariot un regard effrayant et montraient des dents aiguës qui s’étaient peut-être exercées sur des lambeaux de chair humaine. La plupart des tribus australiennes ne sont pas anthropophages, sans doute, en temps de paix, mais il est peu de sauvages qui se refusent à dévorer la chair d’un ennemi vaincu.
Cependant, à la demande d’Helena, Glenarvan donna ordre de distribuer quelques aliments. Les naturels comprirent son intention et se livrèrent à des démonstrations qui eussent ému le cœur le plus insensible. Ils poussèrent aussi des rugissements semblables à ceux des bêtes fauves, quand le gardien leur apporte la pitance quotidienne. Sans donner raison au major, on ne pouvait nier pourtant que cette race ne touchât de près à l’animal.
Mr Olbinett, en homme galant, avait cru devoir servir d’abord les femmes. Mais ces malheureuses créatures n’osèrent manger avant leurs redoutables maîtres. Ceux-ci se jetèrent sur le biscuit et la viande sèche comme sur une proie.
Mary Grant, songeant que son père était prisonnier d’indigènes aussi grossiers, sentit les larmes lui venir aux yeux. Elle se représentait tout ce que devait souffrir un homme tel qu’Harry Grant, esclave de ces tribus errantes, en proie à la misère, à la faim, aux mauvais traitements.
John Mangles, qui l’observait avec la plus inquiète attention, devina les pensées dont son cœur était plein, et il alla au-devant de ses désirs en interrogeant le quartier-maître du Britannia.
«Ayrton, lui dit-il, est-ce des mains de pareils sauvages que vous vous êtes échappé?
– Oui, capitaine, répondit Ayrton. Toutes ces peuplades de l’intérieur se ressemblent. Seulement, vous ne voyez ici qu’une poignée de ces pauvres diables, tandis qu’il existe sur les bords du Darling des tribus nombreuses et commandées par des chefs dont l’autorité est redoutable.
– Mais, demanda John Mangles, que peut faire un européen au milieu de ces naturels?
– Ce que je faisais moi-même, répondit Ayrton; il chasse, il pêche avec eux, il prend part à leurs combats; comme je vous l’ai déjà dit, il est traité en raison des services qu’il rend, et pour peu que ce soit un homme intelligent et brave, il prend dans la tribu une situation considérable.
– Mais il est prisonnier? dit Mary Grant.
– Et surveillé, ajouta Ayrton, de façon à ne pouvoir faire un pas, ni jour ni nuit!
– Cependant, vous êtes parvenu à vous échapper, Ayrton, dit le major, qui vint se mêler à la conversation.
– Oui, Monsieur Mac Nabbs, à la faveur d’un combat entre ma tribu et une peuplade voisine. J’ai réussi.
Bien. Je ne le regrette pas. Mais si c’était à refaire, je préférerais, je crois, un éternel esclavage aux tortures que j’ai éprouvées en traversant les déserts de l’intérieur. Dieu garde le capitaine Grant de tenter une pareille chance de salut!
– Oui, certes, répondit John Mangles, nous devons désirer, miss Mary, que votre père soit retenu dans une tribu indigène. Nous trouverons ses traces plus aisément que s’il errait dans les forêts du continent.
– Vous espérez toujours? demanda la jeune fille.
– J’espère toujours, miss Mary, vous voir heureuse un jour, avec l’aide de Dieu!»
Les yeux humides de Mary Grant purent seuls remercier le jeune capitaine.
Pendant cette conversation, un mouvement inaccoutumé s’était produit parmi les sauvages; ils poussaient des cris retentissants; ils couraient dans diverses directions; ils saisissaient leurs armes et semblaient pris d’une fureur farouche.
Glenarvan ne savait où ils voulaient en venir, quand le major, interpellant Ayrton, lui dit:
«Puisque vous avez vécu pendant longtemps chez les australiens, vous comprenez sans doute le langage de ceux-ci?
– À peu près, répondit le quartier-maître, car, autant de tribus, autant d’idiomes. Cependant, je crois deviner que, par reconnaissance, ces sauvages veulent montrer à son honneur le simulacre d’un combat.»
C’était en effet la cause de cette agitation. Les indigènes, sans autre préambule, s’attaquèrent avec une fureur parfaitement simulée, et si bien même, qu’à moins d’être prévenu on eût pris au sérieux cette petite guerre. Mais les australiens sont des mimes excellents, au dire des voyageurs, et, en cette occasion, ils déployèrent un remarquable talent.
Leurs instruments d’attaque et de défense consistaient en un casse-tête, sorte de massue de bois qui a raison des crânes les plus épais, et une espèce de «tomahawk», pierre aiguisée très dure, fixée entre deux bâtons par une gomme adhérente. Cette hache a une poignée longue de dix pieds. C’est un redoutable instrument de guerre et un utile instrument de paix, qui sert à abattre les branches ou les têtes, à entailler les corps ou les arbres, suivant le cas.
Toutes ces armes s’agitaient dans des mains frénétiques, au bruit des vociférations; les combattants se jetaient les uns sur les autres; ceux-ci tombaient comme morts, ceux-là poussaient le cri du vainqueur. Les femmes, les vieilles principalement, possédées du démon de la guerre, les excitaient au combat, se précipitaient sur les faux cadavres, et les mutilaient en apparence avec une férocité qui, réelle, n’eût pas été plus horrible. À chaque instant, lady Helena craignait que le jeu ne dégénérât en bataille sérieuse. D’ailleurs, les enfants, qui avaient pris part au combat, y allaient franchement. Les petits garçons et les petites filles, plus rageuses, surtout, s’administraient des taloches superbes avec un entrain féroce.
Ce combat simulé durait déjà depuis dix minutes, quand soudain les combattants s’arrêtèrent. Les armes tombèrent de leurs mains. Un profond silence succéda au bruyant tumulte. Les indigènes demeurèrent fixes dans leur dernière attitude, comme des personnages de tableaux vivants.
On les eût dit pétrifiés.