La Jalousie Du Barbouille
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Pi?ce de th??tre (farce) en un acte et en prose ?crite par Moli?re, cr??e ? Paris en 1660.
Le Barbouill? est mari? avec Ang?lique. Mais il n’est pas satisfait de sa femme qui, dit-il, le fait enrager. Il demande au docteur son avis sur la fa?on de la punir. En fait de conseils, ce dernier se perd en verbiages creux et intarissables, qui ne font qu’exasp?rer le Barbouill?, qui, pourtant, court derri?re lui.
A la sc?ne suivante, on voit appara?tre Ang?lique, qui se plaint ?galement de son mari ? son amant Val?re. Le Barbouill? revient et se plaint de la pr?sence de Val?re. Gorgibus, le p?re d’Ang?lique, ne peut dissiper la dispute. Le docteur qui veut s’en m?ler est tra?n? hors de sc?ne par le Barbouill?.
Ang?lique se d?cide ? aller ? un bal, o? elle esp?re retrouver Val?re. Au retour, elle trouve porte close, et son mari ? la fen?tre, qui refuse de la laisser entrer. Elle fait semblant de se donner la mort avec son couteau, et le Barbouill? incr?dule descend voir ce qu’il en est. Ang?lique en profite pour entrer dans la maison et fermer la porte derri?re elle. La situation est alors invers?e: c’est le Barbouill? qui est maintenant dehors. Ang?lique se plaint ? son p?re qui est revenu, que son mari ne rentre qu’? cette heure, ivre. Le Barbouill?, ne pouvant se justifier, enrage.
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Jean-Baptiste Poquelin dit MOLIÈRE
La Jalousie Du Barbouillé
Comédie
Manuscrit découvert au XVIIIe siècle par Jean-Baptiste Rousseau et publié pour la première fois en 1819.
Acteurs
Le Barbouillé, mari d’Angélique.
Le Docteur.
Angélique, fille de Gorgibus.
Valère, amant d’Angélique.
Cathau, suivante d’Angélique.
Gorgibus, père d’Angélique.
Villebrequin.
Scène I
Le Barbouillé
Il faut avouer que je suis le plus malheureux de tous les hommes. J’ai une femme qui me fait enrager: au lieu de me donner du soulagement et de faire les choses à mon souhait, elle me fait donner au diable vingt fois le jour; au lieu de se tenir à la maison, elle aime la promenade, la bonne chère, et fréquente je ne sais quelle sorte de gens. Ah! pauvre Barbouillé, que tu es misérable! Il faut pourtant la punir. Si je la tuais… L’invention ne vaut rien, car tu serais pendu. Si tu la faisais mettre en prison… La carogne en sortirait avec son passe-partout. Que diable faire donc? Mais voilà Monsieur le Docteur qui passe par ici: il faut que je lui demande un bon conseil sur ce que je dois faire.
Scène II
Le Docteur , Le Barbouillé
Le Barbouillé
Je m’en allais vous chercher pour vous faire une prière sur une chose qui m’est d’importance.
Le Docteur
Il faut que tu sois bien mal appris, bien lourdaud, et bien mal morigéné, mon ami, puisque tu m’abordes sans ôter ton chapeau, sans observer rationem loci, temporis et personae. Quoi? débuter d’abord par un discours mal digéré, au lieu de dire: Salve, vel Salvus sis, Doctor Doctorum eruditissime!
Hé! pour qui me prends-tu, mon ami?
Le Barbouillé
Ma foi, excusez-moi: c’est que j’avais l’esprit en écharpe, et je ne songeais pas à ce que je faisais; mais je sais bien que vous êtes galant homme.
Le Docteur
Sais-tu bien d’où vient le mot de galant homme?
Le Barbouillé
Qu’il vienne de Villejuif ou d’Aubervilliers, je ne m’en soucie guère.
Le Docteur
Sache que le mot de galant homme vient d’élégant; prenant le g et l’a de la dernière syllabe, cela fait ga, et puis prenant l, ajoutant un a et les deux dernières lettres, cela fait galant, et puis ajoutant homme, cela fait galant homme. Mais encore pour qui me prends-tu?
Le Barbouillé
Je vous prends pour un docteur. Or çà, parlons un peu de l’affaire que je vous veux proposer. Il faut que vous sachiez…
Le Docteur
Sache auparavant que je ne suis pas seulement un docteur, mais que je suis une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, et dix fois docteur:
1° Parce que, comme l’unité est la base, le fondement et le premier de tous les nombres, aussi, moi, je suis le premier de tous les docteurs, le docte des doctes.
2° Parce qu’il y a deux facultés nécessaires pour la parfaite connaissance de toutes choses: le sens et l’entendement; et comme je suis tout sens et tout entendement, je suis deux fois docteur.
Le Barbouillé
D’accord. C’est que…
Le Docteur
3° Parce que le nombre de trois est celui de la perfection, selon Aristote; et comme je suis parfait, et que toutes mes productions le sont aussi, je suis trois fois docteur.
Le Barbouillé
Hé bien! Monsieur le Docteur…
Le Docteur
4° Parce que la philosophie a quatre parties: la logique, morale, physique et métaphysique; et comme je les possède toutes quatre, et que je suis parfaitement versé en icelles, je suis quatre fois docteur.
Le Barbouillé
Que diable! je n’en doute pas. Écoutez-moi donc.
Le Docteur
5° Parce qu’il y a cinq universelles: le genre, l’espèce, la différence, le propre et l’accident, sans la connaissance desquels il est impossible de faire aucun bon raisonnement; et comme je m’en sers avec avantage, et que j’en connais l’utilité, je suis cinq fois docteur.
Le Barbouillé
Il faut que j’aie bonne patience.
Le Docteur
6° Parce que le nombre de six est le nombre du travail; et comme je travaille incessamment pour ma gloire, je suis six fois docteur.
Le Barbouillé
Ho! parle tant que tu voudras.
Le Docteur
7° Parce que le nombre de sept est le nombre de la félicité; et comme je possède une parfaite connaissance de tout ce qui peut rendre heureux, et que je le suis en effet par mes talents, je me sens obligé de dire de moi-même: O ter quatuorque beatum!
8° Parce que le nombre de huit est le nombre de la justice, à cause de l’égalité qui se rencontre en lui, et que la justice et la prudence avec laquelle je mesure et pèse toutes mes actions me rendent huit fois docteur.
9° Parce qu’il y a neuf Muses, et que je suis également chéri d’elles.
10° Parce que, comme on ne peut passer le nombre de dix sans faire une répétition des autres nombres, et qu’il est le nombre universel, aussi, aussi, quand on m’a trouvé, on a trouvé le docteur universel: je contiens en moi tous les autres docteurs. Ainsi tu vois par des raisons plausibles, vraies, démonstratives et convaincantes, que je suis une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, et dix fois docteur.
Le Barbouillé
Que diable est ceci? je croyais trouver un homme bien savant, qui me donnerait un bon conseil, et je trouve un ramoneur de cheminée qui, au lieu de me parler, s’amuse à jouer à la mourre. Un, deux, trois, quatre, ha, ha, ha! – Oh bien! ce n’est pas cela: c’est que je vous prie de m’écouter, et croyez que je ne suis pas un homme à vous faire perdre vos peines, et que si vous me satisfaisiez sur ce que je veux de vous, je vous donnerai ce que vous voudrez; de l’argent, si vous en voulez.
Le Docteur
Hé! de l’argent.
Le Barbouillé
Oui, de l’argent, et toute autre chose que vous pourriez demander.