Les Joyaux de la sorciere
Les Joyaux de la sorciere читать книгу онлайн
Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала
— Ça ne tient pas debout ! Elles le connaissaient ?
— Certains témoins ont prétendu l’avoir vu parler avec Anna au cours d’une promenade de la jeune femme.
Incapable de rester tranquille plus longtemps, Morosini se leva et se mit à arpenter le bureau du chef comme s’il était dans le sien propre. Cette histoire était abracadabrante, inexplicable et il avait une sainte horreur des affaires inexplicables.
— A-t-on au moins cherché à savoir comment elles sont sorties de la chambre ? Par les fenêtres ?
— Ouvertes bien sûr étant donné la saison mais trop hautes pour des femmes. Le Palazzo Ricci est une copie quelque peu réduite de la résidence des Grands-Ducs de Toscane, à Florence, le palais Pitti. Il aurait fallu supposer que notre homme avait épousé coup sur coup deux alpinistes chevronnées capables d’évoluer sur la paroi encombrées de froufrous et volants de déshabillés élégants… et ne me parlez pas des murs : on les a sondés du sol au plafond sans découvrir quoi que ce soit. Pas la moindre cachette, pas le moindre passage !
— C’est insensé ! À moins d’une complicité, je ne vois pas comment la sortie était possible mais les domestiques sont-ils fiables ?
— J’ai l’impression qu’ils ont tous une peur bleue de leur patron. La plupart sont italiens et il doit les tenir d’une façon ou d’une autre.
— Sans doute mais vous m’avez dit que ces femmes étaient très belles : une jolie fille peut obtenir ce qu’elle veut d’un amoureux…
— Quoi qu’il en soit ni la Police ni le F. B. I. n’ont trouvé quoi que ce soit et comme le supposé coupable est mort, le dossier n’est plus à l’ordre du jour…
— Il a bien failli se rouvrir en l’honneur de Jacqueline Auger puisqu’elle était destinée à devenir la troisième épouse et par conséquent la troisième victime car j’en mettrais ma main au feu : c’est lui qui les tue ou les fait tuer.
— Elle « est » la troisième victime, sans compter le malheureux Bascombe puisque lui aussi a été assassiné. Son seul avantage est que sa mort a été rapide ce qui malheureusement n’est pas le cas des autres. Ça vous ennuierait de vous tenir tranquille ? Vous me donnez le vertige !
— Pardon !
Aldo revint s’asseoir pour allumer une nouvelle cigarette avant de demander :
— Sauriez-vous où est Ricci en ce moment ?
— Je n’en sais rien mais ce n’est pas difficile à savoir.
Anderson attrapa l’un des téléphones posés sur son bureau, aboya dedans des ordres en suivant d’un œil rêveur les volutes de son cigare. Environ deux minutes plus tard il avait la réponse :
— Il est ici : le Maire inaugure demain un building qu’il vient d’achever sur Lexington Avenue. Qu’avez-vous en tête ?
— Rien de précis pour l’instant. Sinon… que j’aimerais visiter Newport quand il n’y est pas. La « Season » n’est pas encore commencée, je pense ?
— Non. Dans quelques jours. Je crains que vous ne trouviez pas grand-chose. Les enquêteurs ont tout passé au peigne fin.
— Un œil nouveau peut parfois déceler ce qui a échappé à des professionnels avertis. Ainsi j’aimerais voir l’endroit où habitait Bascombe.
— Ça, je peux vous le donner…
Sur un bloc de papier, Anderson griffonna trois lignes, arracha la page et la tendit à son visiteur :
— C’est à peu près tout ce que je peux faire pour vous. En Rhode Island vous ne serez plus sous ma juridiction mais sous celle de la Police de Providence en général et du shérif de Newport en particulier. L’un comme l’autre sont farouchement hostiles à ce qui peut troubler la vie de leur secteur, en particulier durant la période la plus élégante.
— Ricci ne s’en est pas privé pourtant !
— Oui mais vous ne devez jamais perdre de vue le fait qu’il est très riche, très habile et très généreux avec cette flopée de fondations plus ou moins charitables. Jusqu’à présent on s’obstine à voir en lui un homme malheureux poursuivi par un destin implacable. Alors si vous allez fouiner là-bas faites attention aux endroits où vous mettrez les pieds !
Pour montrer que, selon lui, l’entretien prenait fin, Phil Anderson s’extirpa une fois de plus de son fauteuil et Aldo fut bien obligé d’en faire autant. Cependant il avait encore quelque chose à dire :
— J’ai pris bonne note que pour l’instant il est à New York, donc chez vous ? Ne pouvez-vous le faire surveiller… discrètement ?
L’autre partit d’un énorme éclat de rire.
— Est-ce que vous imaginez, par hasard, que je m’en prive ? Comme vous je suis certain que c’est un criminel comme on n’en voit pas beaucoup, même ici et qu’en outre, il trafique l’alcool, l’opium et deux ou trois autres babioles. Alors si grâce à vous je pouvais dénicher une preuve qui me permette de l’abattre, je vous promets une reconnaissance éternelle et peut-être même des funérailles officielles mais n’allez pas vous aviser de demander l’aide de Dan Morris, le shérif de Newport : il lui mange dans la main. Compris !
— C’est on ne peut plus clair ! Merci de vos conseils, Chef Anderson. Je m’en souviendrai…
Difficile à oublier, en effet ! Aldo se retrouvait seul comme devant, aux prises avec un ennemi dont il ne pouvait pas imaginer l’étendue des forces et du pouvoir de malfaisance. Cela n’avait rien de récréatif mais il était malgré tout assez satisfait d’une chose – une seule ! – : Ricci était bel et bien le possesseur des joyaux de la Sorcière et, dans ce cas, il y avait gros à parier qu’il était aussi le meurtrier de la fiancée de Pavignano et de la cantatrice de Covent Garden. Morosini allait peut-être risquer sa vie mais au moins ça en vaudrait la peine. Dommage seulement que les doigts agiles d’Adalbert lui fassent défaut pour récupérer la croix et les pendants d’oreilles. Les doigts mais aussi l’intelligence, la bonne humeur, le courage tranquille et ce qui faisait de lui un incomparable compagnon d’aventures.
Comme chaque fois qu’il pensait à Adalbert ces temps derniers, son humeur s’assombrit et en arrivant à l’hôtel, il n’était pas à prendre avec des pincettes. Ce fut Nelly Parker qui en fit les frais quand elle courut après lui tandis qu’il fonçait vers les ascenseurs :
— S’il vous plaît sir Morosini ! Rien qu’un mot !
Il lui jeta un regard noir. En dépit de son habillement différent il la reconnaissait fort bien et son absurde chapeau cachait la seule chose en elle qui pût inciter Aldo à l’indulgence : ses cheveux roux qui même de loin lui rappelaient Lisa.
— Lequel ? Je ne suis pas certain d’en avoir de polis à votre disposition.
— J’essaierai de m’en contenter, fit-elle avec un sourire timide qui dévoila de petites dents blanches, des dents de gamine évoquant les barres de chocolat et les pots de confitures mangés en cachette. Vous ne voulez pas que nous nous asseyions deux minutes ?
— Si c’est ce que vous vouliez savoir c’est non. Je suis pressé !
— Ça vous reposerait un peu : vous n’avez pas arrêté de courir depuis le lunch.
— C’est gentil de vous intéresser à moi mais je me reposerai beaucoup mieux dans ma chambre et seul ! Alors, ce mot, il vient ? Je suppose que vous ne vouliez pas seulement me demander de m’asseoir ?
Les yeux candides de la jeune fille se firent implorants :
— Confiez-moi les raisons de votre séjour chez nous !
— Je vous l’ai déjà dit : vacances !
— Non : la vraie raison ! On ne commence pas ses vacances en allant chez les flics !
— Pas vous ? Comme c’est bizarre ! Je commence toujours les miennes par une visite à la police locale. Ce sont les gens les mieux renseignés sur les avantages et les inconvénients d’un pays et croyez-moi, ils répondent à vos questions avec une urbanité exquise. Vous devriez essayer la prochaine fois que vous aurez envie d’aller vous détendre quelque part ! Je vous souhaite le bonsoir, Miss !
Et sans lui laisser le temps de réaliser, il s’engouffra dans l’ascenseur dont les portes venaient de s’ouvrir devant lui. Tandis qu’elles se refermaient il put apercevoir Nelly plantée toujours à la même place avec la mine déconfite d’une petite fille qui vient de voir s’envoler son ballon rouge. Cela le fit sourire et lui fit du bien. Avant cette rafraîchissante rencontre il était à peu près décidé à laisser Vauxbrun aller dîner seul chez la baronne Pauline mais maintenant il pensait que cette sortie lui changerait peut-être les idées. Ce qui relevait de l’impossible s’il restait seul à tourner en rond dans sa chambre en écoutant la radio. En foi de quoi, il se déshabilla, se doucha longuement, se frictionna avec sa chère lavande anglaise, et se rasa. Ensuite il enfila du linge frais, des chaussettes de soie noire, passa un pantalon de smoking, des souliers vernis, brossa ses épais cheveux bruns dont l’argenture près des tempes lui parut plus accentuée, noua avec la dextérité de l’habitude un papillon de soie noire sous son col à coins cassés après avoir piqué son plastron empesé de minuscules saphirs montés sur or et endossa finalement la veste aux revers de soie dans les poches de laquelle il glissa son portefeuille et son étui à cigarettes en or frappé à ses armes sans lesquels il ne se déplaçait jamais. La douceur de l’air ne justifiant pas le port d’un manteau, il prit un mouchoir propre, un chapeau, des gants et après une dernière chiquenaude à un grain de poussière, un dernier regard au miroir, il descendit rejoindre Gilles Vauxbrun qui devait l’attendre dans le hall. Mais s’il espérait trouver un Vauxbrun épanoui à la perspective de la soirée à venir, il dut déchanter. Si Gilles offrait une image de pure élégance et de grande allure il n’en était pas moins d’humeur chagrine et à peine dans le taxi, il ne fit aucune difficulté pour en confier la raison à son ami. Le fauteuil de bureau de Louis XV venait de partir pour Boston, ce qui ne l’arrangeait pas.