Le grand cahier
Le grand cahier читать книгу онлайн
Arriv?s de la Grande Ville avec leur m?re, Claus et Lucas ne vont rester que tous les deux chez leur grand-m?re pendant la guerre. Cette derni?re est une femme sale, m?chante, radine, analphab?te et meurtri?re; les jumeaux vont alors entreprendre seuls une ?trange ?ducation. D'un c?t? ils s'entra?nent ? s'endurcir, ? ne pas s'apitoyer sur la douleur d'autrui et ? tuer, et de l'autre, ils ?crivent la liste des t?ches effectu?es dans un grand cahier. Mais, ? la suite d'un certain nombre d'?v?nements, les deux fr?res vont se retrouver s?par?s, le premier dans ce m?me pays totalitaire, le deuxi?me de l'autre c?t? de la fronti?re…
Dans la Grande Ville qu’occupent les Arm?es ?trang?res, la disette menace. Une m?re conduit donc ses enfants ? la campagne, chez leur grand-m?re. Analphab?te, avare, m?chante et m?me meurtri?re, celle-ci m?ne la vie dure aux jumeaux. Loin de se laisser abattre, ceux-ci apprennent seuls les lois de la vie, de l’?criture et de la cruaut?. Abandonn?s ? eux-m?mes, d?nu?s du moindre sens moral, ils s’appliquent ? dresser, chaque jour, dans un grand cahier, le bilan de leurs progr?s et la liste de leurs forfaits.
Le Grand Cahier nous livre une fable incisive sur les malheurs de la guerre et du totalitarisme, mais aussi un v?ritable roman d’apprentissage domin? par l’humour noir.
Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала
Exercice de mendicité
Nous revêtons des habits sales et déchirés, nous enlevons nos chaussures, nous nous salissons le visage et les mains. Nous allons dans la rue. Nous nous arrêtons, nous attendons.
Quand un officier étranger passe devant nous, nous levons le bras droit pour saluer et nous tendons la main gauche. Le plus souvent, l'officier passe sans s'arrêter, sans nous voir, sans nous regarder.
Enfin, un officier s'arrête. Il dit quelque chose dans une langue que nous ne comprenons pas. Il nous pose des questions. Nous ne répondons pas, nous restons immobiles, un bras levé, l'autre tendu en avant. Alors il fouille dans ses poches, il pose une pièce de monnaie et un bout de chocolat sur notre paume sale et il s'en va en secouant la tête.
Nous continuons d'attendre.
Une femme passe. Nous tendons la main. Elle dit:
– Pauvres petits. Je n'ai rien à vous donner.
Elle nous caresse les cheveux.
Nous disons:
– Merci.
Une autre femme nous donne deux pommes, une autre des biscuits.
Une femme passe. Nous tendons la main, elle s'arrête, elle dit:
– N'avez-vous pas honte de mendier? Venez chez moi, il y a de petits travaux faciles pour vous. Couper du bois, par exemple, ou récurer la terrasse. Vous êtes assez grands et forts pour cela. Après, si vous travaillez bien, je vous donnerai de la soupe et du pain.
Nous répondons:
– Nous n'avons pas envie de travailler pour vous, madame. Nous n'avons pas envie de manger votre soupe, ni votre pain. Nous n'avons pas faim.
Elle demande:
– Pourquoi mendiez-vous alors!
– Pour savoir quel effet ça fait et pour observer la réaction des gens.
Elle crie en s'en allant:
– Sales petits voyous! Impertinents avec ça!
En rentrant, nous jetons dans l'herbe haute qui borde la route les pommes, les biscuits, le chocolat et les pièces de monnaie.
La caresse sur nos cheveux est impossible à jeter.
