Les Possedes

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Les Possedes
Название: Les Possedes
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les Possedes - читать бесплатно онлайн , автор Dosto?evski Fedor Mikha?lovitch

«Est-il possible de croire? S?rieusement et effectivement? Tout est l?.» Stavroguine envo?te tous ceux qui l'approchent, hommes ou femmes. Il ne trouve de limite ? son immense orgueil que dans l'existence de Dieu. Il la nie et tombe dans l'absurdit? de la libert? pour un homme seul et sans raison d'?tre. Tous les personnages de ce grand roman sont poss?d?s par un d?mon, le socialisme ath?e, le nihilisme r?volutionnaire ou la superstition religieuse. Ignorant les limites de notre condition, ces id?ologies sont incapables de rendre compte de l'homme et de la soci?t? et appellent un terrorisme destructeur. Sombre trag?die d'amour et de mort, «Les Poss?d?s» sont l'incarnation g?niale des doutes et des angoisses de Dosto?evski sur l'avenir de l'homme et de la Russie. D?s 1870, il avait pressenti les dangers du totalitarisme au XXe si?cle.

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Arrivé à la ville, au lieu d’aller chez sa parente, le jeune homme descendit à l’hôtel, puis se rendit droit au club où il comptait trouver quelque étranger qui consentît à tailler une banque avec lui. Son espoir ayant été trompé, il revint vers minuit à l’hôtel, se fit donner du champagne, des cigares de la Havane, et demanda un souper de six ou sept plats. Mais le champagne l’enivra et le tabac lui causa des nausées; bref, il ne put toucher au repas qu’on lui servit, et il se coucha presque sans connaissance. Le lendemain, il se réveilla frais comme une pomme et n’eut rien de plus pressé que d’aller chez des tsiganes dont il avait entendu parler au club. Pendant deux jours on ne le revit point à l’hôtel. Hier seulement, à cinq heures de l’après-midi, il était rentré ivre, s’était mis au lit et avait dormi jusqu’à dix heures du soir. À son réveil il avait demandé une côtelette, une bouteille de château-yquem, du raisin, tout ce qu’il faut pour écrire, enfin sa note. Personne n’avait rien remarqué de particulier en lui; il était calme, doux et affable. Le suicide avait sans doute eu lieu vers minuit, quoique, chose étrange, on n’eût entendu aucune détonation d’arme à feu. C’était seulement aujourd’hui, à une heure de l’après-midi, que les gens de l’établissement avaient été pris d’inquiétude; ils étaient allés frapper chez le voyageur, et, ne recevant pas de réponse, avaient enfoncé la porte. La bouteille de château-yquem était encore à moitié pleine; il restait aussi une demi-assiette de raisin. Le jeune homme s’était servi d’un petit revolver à trois coups pour se loger une balle dans le cœur. La blessure saignait à peine; les doigts du suicidé avaient laissé échapper l’arme qui était tombée sur le tapis. Le corps était à demi couché sur un divan. La mort avait dû être instantanée. Aucune trace de souffrance n’apparaissait sur le visage, dont l’expression était calme, presque heureuse, comme si la vie ne l’eût pas quitté. Toute notre société considérait le cadavre avec une curiosité avide. Qui que nous soyons, il y a en général dans le malheur d’autrui quelque chose qui réjouit nos yeux. Les dames regardaient en silence; les messieurs faisaient de fines observations qui témoignaient d’une grande liberté d’esprit. L’un d’eux remarqua que c’était la meilleure issue, et que le jeune homme ne pouvait rien imaginer de plus sage. La conclusion d’un autre fut que du moins pendant un moment il avait bien vécu. Un troisième se demanda pourquoi les suicides étaient devenus si fréquents chez nous; «il semble, dit-il, que le sol manque sous nos pieds». Ce raisonneur n’obtint aucun succès. Liamchine qui mettait sa gloire à jouer le rôle de bouffon, prit sur l’assiette une petite grappe de raisin; un autre l’imita en riant, et un troisième avançait le bras vers la bouteille de château-yquem, quand survint le maître de police qui fit «évacuer» la chambre. Comme nous n’avions plus rien à voir, nous nous retirâmes aussitôt, bien que Liamchine essayât de parlementer avec le magistrat. La route s’acheva deux fois plus gaiement qu’elle n’avait commencé.

Il était juste une heure de l’après-midi lorsque nous arrivâmes à la maison du marchand Sévostianoff. On nous dit que Sémen Iakovlévitch était en train de dîner, mais qu’il recevrait néanmoins. Nous entrâmes tous à la fois. La chambre où le bienheureux prenait ses repas et donnait ses audiences était assez spacieuse, percée de trois fenêtres et coupée en deux parties égales par un treillage en bois qui s’élevait jusqu’à mi-corps. Le commun des visiteurs restait en deçà de cette clôture; l’iourodivii se tenait de l’autre côté et ne laissait pénétrer auprès de lui que certains privilégiés; il les faisait asseoir tantôt sur des fauteuils de cuir, tantôt sur un divan; lui-même occupait un vieux voltaire dont l’étoffe montrait la corde. Âgé de cinquante-cinq ans, Sémen Iakovlévitch était un homme assez grand, aux petits yeux étroits, au visage rasé, jaune et bouffi; sa tête presque entièrement chauve ne conservait plus que quelques cheveux blonds; il avait la joue droite enflée, la bouche un peu déjetée et une grosse verrue près de la narine gauche. Sa physionomie était calme, sérieuse, presque somnolente. Vêtu, à l’allemande, d’une redingote noire, il ne portait ni gilet, ni cravate. Sous son vêtement se laissait voir une chemise propre mais d’une toile assez grossière. Ses pieds qui paraissaient malades étaient chaussés de pantoufles. C’était, disait-on, un ancien fonctionnaire, et il possédait un tchin. En ce moment il venait de manger une soupe au poisson et attaquait son second plat, – des pommes de terre en robe de chambre. À cela se réduisait invariablement sa nourriture, mais il aimait beaucoup le thé et en faisait une grande consommation. Autour de lui allaient et venaient trois domestiques gagés par le marchand; l’un d’eux était en frac, un autre ressemblait à un artelchtchik [17], le troisième avait l’air d’un rat d’église; il y avait encore un garçon de seize ans qui se remuait beaucoup. Indépendamment des laquais, là se trouvait aussi, un tronc dans la main, un moine du couvent de Saint-Euthyme, homme à cheveux blancs et d’un extérieur respectable, malgré un embonpoint peut-être excessif. Sur une table bouillait un énorme samovar, à côté d’un plateau contenant environ deux douzaines de grands verres. En face, sur une autre table, s’étalaient les offrandes: quelques pains de sucre et quelques livres de la même denrée, deux livres de thé, une paire de pantoufles brodées, un foulard, une pièce de drap, une pièce de toile, etc. Les dons en argent entraient presque tous dans le tronc du moine. Il y avait beaucoup de monde dans la chambre, les visiteurs seuls se trouvaient au nombre d’une douzaine; deux d’entre eux avaient pris place derrière le treillage, près de Sémen Iakovlévitch: l’un, vieux pèlerin aux cheveux blancs, était à coup sûr un homme du peuple; l’autre, petit et maigre, était un religieux de passage dans notre ville; assis modestement, il tenait ses yeux baissés. Le reste de l’assistance, debout devant le treillage, se composait presque exclusivement de moujiks; on remarquait toutefois dans ce public un propriétaire, une vieille dame noble et pauvre, enfin un gros marchand venu d’une ville de district; ce dernier était porteur d’une grande barbe et habillé à la russe, mais on lui connaissait une fortune de cent mille roubles. Tous attendaient leur bonheur en silence. Quatre individus s’étaient mis à genoux; l’un d’eux occupait une place plus en vue que les autres et attirait particulièrement l’attention; c’était le propriétaire, gros homme de quarante-cinq ans, qui restait pieusement agenouillé tout contre le grillage jusqu’à ce qu’il plût à Sémen Iakovlévitch d’honorer d’un regard ou d’une parole. Il était là depuis environ une heure, et le bienheureux n’avait pas encore semblé s’apercevoir de sa présence.

Nos dames, qui chuchotaient gaiement, allèrent s’entasser contre la clôture, obligeant tous les autres visiteurs à s’effacer derrière elles; seul le propriétaire ne se laissa pas déloger de sa place et même se cramponna des deux mains au treillage. Des regards badins se portèrent sur l’iourodivii; les uns l’examinèrent avec leur monocle, les autres avec leur pince-nez; Liamchine braqua même sur lui une lorgnette de théâtre. Sans s’émouvoir de la curiosité dont il était l’objet, Sémen Iakovlévitch promena ses petits yeux sur tout notre monde.

– Charmante société! Charmante société! fit-il d’une voix de basse assez forte.

Toute notre bande se mit à rire: «Qu’est-ce que cela veut dire?» Mais le bienheureux n’ajouta rien et continua à manger ses pommes de terre; quand il eut fini, il s’essuya la bouche, et on lui apporta son thé.

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