La Reine Margot Tome II
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Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
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– Et je lui laisserai croire, madame, soyez tranquille, dit Henri répondant à la reine sur le même ton.
– Grand Dieu! s’écria Marguerite en lâchant vivement la main qu’elle tenait, et qui était celle du roi de Navarre.
– Silence! dit Henri.
– Mille noms du diable! qu’avez-vous donc à chuchoter ainsi? s’écria Charles. Henri, répondez-moi, où êtes-vous?
– Me voici, Sire, dit la voix du roi de Navarre.
– Diable! dit Coconnas qui tenait la duchesse de Nevers dans un coin, voilà qui se complique.
– Alors, nous sommes deux fois perdus, dit Henriette. Coconnas, brave jusqu’à l’imprudence, avait réfléchi qu’il fallait toujours finir par rallumer les bougies; et pensant que le plus tôt serait le mieux, il quitta la main de madame de Nevers, ramassa au milieu des débris un chandelier, s’approcha du chauffe-doux [2], et souffla sur un charbon qui enflamma aussitôt la mèche d’une bougie. La chambre s’éclaira. Charles IX jeta autour de lui un regard interrogateur.
Henri était près de sa femme; la duchesse de Nevers était seule dans un coin; et Coconnas, debout au milieu de la chambre, un chandelier à la main, éclairait toute la scène.
– Excusez-nous, mon frère, dit Marguerite, nous ne vous attendions pas.
– Aussi Votre Majesté, comme elle peut le voir, nous a fait une peur étrange! dit Henriette.
– Pour ma part, dit Henri qui devina tout, je crois que la peur a été si réelle qu’en me levant j’ai renversé la table. Coconnas jeta au roi de Navarre un regard qui voulait dire:
«À la bonne heure! voilà un mari qui entend à demi-mot.»
– Quel affreux remue-ménage! répéta Charles IX. Voilà ton souper renversé, Henriot. Viens avec moi, tu l’achèveras ailleurs; je te débauche pour ce soir.
– Comment, Sire! dit Henri, Votre Majesté me ferait l’honneur?…
– Oui, Ma Majesté te fait l’honneur de t’emmener hors du Louvre. Prête-le moi, Margot, je te le ramènerai demain matin.
– Ah! mon frère! dit Marguerite, vous n’avez pas besoin de ma permission pour cela, et vous êtes bien le maître.
– Sire, dit Henri, je vais prendre chez moi un autre manteau, et je reviens à l’instant même.
– Tu n’en as pas besoin, Henriot; celui que tu as là est bon.
– Mais, Sire…, essaya le Béarnais.
– Je te dis de ne pas retourner chez toi, mille noms d’un diable! n’entends tu pas ce que je te dis? Allons, viens donc!
– Oui, oui, allez! dit tout à coup Marguerite en serrant le bras de son mari, car un singulier regard de Charles venait de lui apprendre qu’il se passait quelque chose d’étrange.
– Me voilà, Sire, dit Henri. Mais Charles ramena son regard sur Coconnas, qui continuait son office d’éclaireur en rallumant les autres bougies.
– Quel est ce gentilhomme, demanda-t-il à Henri en toisant le Piémontais; ne serait-ce point, par hasard, M. de La Mole?
– Qui lui a donc parlé de La Mole? se demanda tout bas Marguerite.
– Non, Sire, répondit Henri, M. de La Mole n’est point ici, et je le regrette, car j’aurais eu l’honneur de le présenter à Votre Majesté en même temps que M. de Coconnas, son ami; ce sont deux inséparables, et tous deux appartiennent à M. d’Alençon.
– Ah! ah! notre grand tireur! dit Charles. Bon! Puis en fronçant le sourcil:
– Ce M. de La Mole, ajouta-t-il, n’est-il pas huguenot?
– Converti, Sire, dit Henri, et je réponds de lui comme de moi.
– Quand vous répondrez de quelqu’un, Henriot, après ce que vous avez fait aujourd’hui, je n’ai plus le droit de douter de lui. Mais n’importe, j’aurais voulu le voir, ce M. de La Mole. Ce sera pour plus tard.
En faisant de ses gros yeux une dernière perquisition dans la chambre, Charles embrassa Marguerite et emmena le roi de Navarre en le tenant par dessous le bras.
À la porte du Louvre, Henri voulut s’arrêter pour parler à quelqu’un.
– Allons, allons! sors vite, Henriot, lui dit Charles. Quand je te dis que l’air du Louvre n’est pas bon pour toi ce soir, que diable! crois-moi donc.
– Ventre-saint-gris! murmura Henri; et de Mouy, que va-t-il devenir tout seul dans ma chambre?… Pourvu que cet air qui n’est pas bon pour moi ne soit pas plus mauvais encore pour lui!
– Ah ça! dit le roi lorsque Henri et lui eurent traversé le pont-levis, cela t’arrange donc, Henriot, que les gens de M. d’Alençon fassent la cour à ta femme?
– Comment cela, Sire?
– Oui, ce M. de Coconnas ne fait-il pas les doux yeux à Margot?
– Qui vous a dit cela?
– Dame! reprit le roi, on me l’a dit.
– Raillerie pure, Sire; M. de Coconnas fait les doux yeux à quelqu’un, c’est vrai, mais c’est à madame de Nevers.
– Ah bah!
– Je puis répondre à Votre Majesté de ce que je lui dis là. Charles se prit à rire aux éclats.
– Eh bien, dit-il, que le duc de Guise vienne encore me faire des propos, et j’allongerai agréablement sa moustache en lui contant les exploits de sa belle-sœur. Après cela, dit le roi en se ravisant, je ne sais plus si c’est de M. de Coconnas ou de M. de La Mole qu’il m’a parlé.
– Pas plus l’un que l’autre, Sire, dit Henri, et je vous réponds des sentiments de ma femme.
– Bon! Henriot, bon! dit le roi; j’aime mieux te voir ainsi qu’autrement; et, sur mon honneur, tu es si brave garçon que je crois que je finirai par ne plus pouvoir me passer de toi.
En disant ces mots, le roi se mit à siffler d’une façon particulière, et quatre gentilshommes qui attendaient au bout de la rue de Beauvais le vinrent rejoindre, et tous ensemble s’enfoncèrent dans l’intérieur de la ville.
Dix heures sonnaient.
– Eh bien, dit Marguerite quand le roi et Henri furent partis, nous remettons nous à table?
– Non, ma foi! dit la duchesse, j’ai eu trop peur. Vive la petite maison de la rue Cloche-Percée! on n’y peut pas entrer sans en faire le siège, et nos braves ont le droit d’y jouer des épées. Mais que cherchez-vous sous les meubles et dans les armoires, monsieur de Coconnas?
– Je cherche mon ami La Mole, dit le Piémontais.
– Cherchez du côté de ma chambre, monsieur, dit Marguerite, il y a là un certain cabinet…
– Bon, dit Coconnas, j’y suis. Et il entra dans la chambre.