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Les Possedes

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Les Possedes
Название: Les Possedes
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les Possedes - читать бесплатно онлайн , автор Dosto?evski Fedor Mikha?lovitch

«Est-il possible de croire? S?rieusement et effectivement? Tout est l?.» Stavroguine envo?te tous ceux qui l'approchent, hommes ou femmes. Il ne trouve de limite ? son immense orgueil que dans l'existence de Dieu. Il la nie et tombe dans l'absurdit? de la libert? pour un homme seul et sans raison d'?tre. Tous les personnages de ce grand roman sont poss?d?s par un d?mon, le socialisme ath?e, le nihilisme r?volutionnaire ou la superstition religieuse. Ignorant les limites de notre condition, ces id?ologies sont incapables de rendre compte de l'homme et de la soci?t? et appellent un terrorisme destructeur. Sombre trag?die d'amour et de mort, «Les Poss?d?s» sont l'incarnation g?niale des doutes et des angoisses de Dosto?evski sur l'avenir de l'homme et de la Russie. D?s 1870, il avait pressenti les dangers du totalitarisme au XXe si?cle.

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– Vous… je… bégaya-t-il dans l’excès de sa joie, – je venais de m’écrier: «Qui me rendra la tranquillité?» lorsque j’ai entendu votre voix… Je considère cela comme un miracle et je commence à croire.

– En Dieu? En Dieu qui est là-haut et qui est si grand et si bon? Voyez-vous, j’ai retenu par cœur toutes vos leçons. Maurice Nikolaïévitch, quelle foi il me prêchait alors en Dieu, qui est si grand et si bon! Et vous rappelez-vous quand vous me parliez de la découverte de l’Amérique, des matelots de Colomb qui criaient: Terre! terre! Mon ancienne bonne Aléna Frolovna dit que la nuit suivante j’ai rêvé et qu’en dormant je criais: Terre! terre! Vous rappelez-vous que vous m’avez raconté l’histoire du prince Hamlet? Et comme vous me décriviez le voyage des pauvres émigrants européens qui vont en Amérique! Vous en souvenez-vous? Il n’y avait pas un mot de vrai dans tout cela, j’ai pu m’en assurer plus tard, mais si vous saviez, Maurice Nikolaïévitch, quelles belles choses il inventait! C’était presque mieux que la vérité! Pourquoi regardez-vous ainsi Maurice Nikolaïévitch? C’est l’homme le meilleur et le plus sûr qu’il y ait sur le globe terrestre, et il faut absolument que vous l’aimiez comme vous m’aimez! Il fait tout ce que je veux. Mais, cher Stépan Trophimovitch, vous êtes donc encore malheureux pour crier au milieu de la rue: «Qui me rendra la tranquillité?» Vous êtes malheureux, n’est-ce pas? Oui?

– À présent je suis heureux…

– Tante vous fait des misères? – continua-t-elle sans l’écouter, – elle est toujours aussi méchante et aussi injuste, cette inappréciable tante! Vous rappelez-vous le jour où vous vous êtes jeté dans mes bras au jardin et où je vous ai consolé en pleurant?… Mais n’ayez donc pas peur de Maurice Nikolaïévitch, il sait depuis longtemps tout ce qui vous concerne, tout; vous pourrez pleurer tant que vous voudrez sur son épaule, il vous la prêtera fort complaisamment!… Ôtez votre chapeau pour une minute, levez la tête, dressez-vous sur la pointe des pieds, je veux vous embrasser sur le front, comme je vous ai embrassé pour la dernière fois, quand nous nous sommes dit adieu. Voyez, cette demoiselle nous regarde par la fenêtre… Allons, plus haut, plus haut; mon Dieu, comme il a blanchi!

Et, se courbant sur sa selle, elle le baisa au front.

– Allons, maintenant retournez chez vous! Je sais où vous demeurez. J’irai vous voir d’ici à une minute. C’est moi qui vous ferai visite la première, entêté que vous êtes! Mais ensuite je veux vous avoir chez moi pour toute une journée. Allez donc vous préparer à me recevoir.

Sur ce, elle piqua des deux, suivie de son cavalier. Nous rebroussâmes chemin. De retour chez lui, Stépan Trophimovitch s’assit sur un divan et fondit en larmes.

– Dieu! Dieu! s’écria-t-il, enfin une minute de bonheur!

Moins d’un quart d’heure après, Élisabeth Nikolaïevna arriva selon sa promesse, escortée de son Maurice Nikolaïévitch.

– Vous et le bonheur, vous arrivez en même temps! dit Stépan Trophimovitch en se levant pour aller au-devant de la visiteuse.

– Voici un bouquet pour vous, je viens de chez madame Chevalier, elle aura des fleurs tout l’hiver. Voici également Maurice Nikolaïévitch, je vous prie de faire connaissance avec lui. J’aurais voulu vous apporter un pâté plutôt qu’un bouquet, mais Maurice Nikolaïévitch prétend que c’est contraire à l’usage russe.

Le capitaine d’artillerie qu’elle appelait Maurice Nikolaïévitch était un grand et bel homme de trente-cinq ans; il avait un extérieur très comme il faut, et sa physionomie imposante paraissait même sévère à première vue. Cependant on ne pouvait l’approcher sans deviner presque aussitôt en lui une bonté étonnante et des plus délicates. Fort taciturne, il semblait très flegmatique et d’un caractère peu liant. Chez nous, dans la suite, on parla de lui comme d’un esprit borné, ce qui n’était pas tout à fait juste.

Je ne décrirai pas la beauté d’Élisabeth Nikolaïevna. Déjà elle avait arraché un cri d’admiration à toute la ville, quoique certaines de nos dames et de nos demoiselles protestassent avec indignation contre un pareil enthousiasme. Plusieurs parmi elles avaient déjà pris en grippe Élisabeth Nikolaïevna, surtout à cause de sa fierté. Les dames Drozdoff n’avaient encore fait, pour ainsi dire, aucune visite, et, quoique ce retard fût dû en réalité à l’état maladif de Prascovie Ivanovna, on ne laissait pas d’en être mécontent. Un autre grief qu’on avait contre la jeune fille, c’était sa parenté avec la gouvernante; enfin on lui reprochait de monter à cheval tous les jours. On n’avait pas encore vu d’amazones dans notre ville; la société devait naturellement trouver mauvais qu’Élisabeth Nikolaïevna se promenât à cheval avant même d’avoir fait les visites exigées par l’étiquette provinciale. Tout le monde savait, d’ailleurs, que ces promenades lui avaient été ordonnées par les médecins, et, à ce propos, on parlait malignement de son défaut de santé. Elle ne se portait pas bien en effet. Ce qui se remarquait en elle à première vue, c’était une inquiétude maladive et nerveuse, une incessante fébrilité. Hélas! l’infortunée souffrait beaucoup, et tout s’expliqua plus tard. En évoquant aujourd’hui mes souvenirs, je ne dis plus qu’elle était une beauté, bien qu’elle me parût telle alors. Peut-être son physique laissait-il à désirer sur plus d’un point. Grande, mince, mais souple et forte, elle frappait par l’irrégularité de ses traits. Ses yeux étaient disposés un peu obliquement, à la kalmouke; les pommettes de ses joues s’accusaient avec un relief particulier sur son visage maigre et pâle, de la pâleur propre aux brunes; mais il y avait dans ce visage un charme dominateur et attirant. Une sorte de puissance se révélait dans le regard brûlant de ces yeux sombres! Élisabeth Nikolaïevna apparaissait «comme une victorieuse et pour vaincre». Elle semblait fière, parfois même insolente. J’ignore si la bonté était dans sa nature, je sais seulement qu’elle faisait sur elle-même les plus grands efforts pour être bonne. Sans doute il y avait en elle beaucoup de tendances nobles et d’aspirations élevées, mais l’équilibre manquait à son tempérament moral, et les divers éléments qui le composaient, faute de pouvoir trouver leur assiette, formaient un véritable chaos toujours en ébullition.

Elle s’assit sur un divan et promena ses yeux autour de la chambre.

– D’où vient que, dans de pareils moments, je suis toujours triste? expliquez-moi cela, savant homme! Dieu sait combien je m’attendais à être heureuse lorsqu’il me serait donné de vous revoir, et voilà qu’à présent je n’éprouve guère de joie malgré toute mon affection pour vous… Ah! Dieu, il a mon portrait! Donnez-le-moi, que je voie comment j’étais dans ce temps-là!

Neuf ans auparavant, les Drozdoff avaient envoyé de Pétersbourg à l’ancien précepteur de leur fille une ravissante petite aquarelle représentant Lisa à l’âge de douze ans. Depuis lors ce portrait était toujours resté accroché à un mur chez Stépan Trophimovitch.

– Est-ce que vraiment j’étais si jolie que cela, étant enfant? Est-ce là mon visage?

Elle se leva, et, tenant le portrait à la main, alla se regarder dans une glace.

– Vite, reprenez-le! s’écria-t-elle en rendant l’aquarelle, – ne le remettez pas à sa place maintenant, vous le rependrez plus tard, je ne veux plus l’avoir sous les yeux. – Elle se rassit sur le divan. – Une vie a fini, une autre lui a succédé qui à son tour s’est écoulée comme la première, pour être remplacée par une troisième, et toujours ainsi, et chaque fin est une amputation. Voyez quelles banalités je débite, mais pourtant que cela est vrai!

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