Les Possedes
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«Est-il possible de croire? S?rieusement et effectivement? Tout est l?.» Stavroguine envo?te tous ceux qui l'approchent, hommes ou femmes. Il ne trouve de limite ? son immense orgueil que dans l'existence de Dieu. Il la nie et tombe dans l'absurdit? de la libert? pour un homme seul et sans raison d'?tre. Tous les personnages de ce grand roman sont poss?d?s par un d?mon, le socialisme ath?e, le nihilisme r?volutionnaire ou la superstition religieuse. Ignorant les limites de notre condition, ces id?ologies sont incapables de rendre compte de l'homme et de la soci?t? et appellent un terrorisme destructeur. Sombre trag?die d'amour et de mort, «Les Poss?d?s» sont l'incarnation g?niale des doutes et des angoisses de Dosto?evski sur l'avenir de l'homme et de la Russie. D?s 1870, il avait pressenti les dangers du totalitarisme au XXe si?cle.
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– Ah! on trompette cela partout?
– C'est-à-dire qu’on ne le trompette pas encore, j’avoue que rien de semblable n’est arrivé à mes oreilles, mais vous savez comment raisonne la foule, surtout quand elle vient d’être éprouvée par un sinistre. On a bientôt fait de mettre en circulation le bruit le plus idiot. Au fond, du reste, vous n’avez absolument rien à craindre. Vis-à-vis de la loi vous êtes complètement innocent, vis-à-vis de la conscience aussi, – vous ne vouliez pas cela, n’est-ce pas? Vous ne le vouliez pas? Il n’y a pas de preuves, il n’y a qu’une coïncidence… À moins que Fedka ne se rappelle les paroles imprudentes prononcées par vous l’autre jour chez Kiriloff (quel besoin aviez-vous de parler ainsi?), mais cela ne prouve rien du tout, et, d’ailleurs, nous ferons taire Fedka. Je me charge de lui couper la langue aujourd’hui même…
– Les cadavres n’ont pas été brûlés?
– Pas le moins du monde; cette canaille n’a rien su faire convenablement. Mais du moins je me réjouis de vous voir si tranquille… car, bien que ce ne soit nullement votre faute et que vous n’ayez pas même une pensée à vous reprocher, n’importe… Avouez pourtant que tout cela arrange admirablement vos affaires: vous êtes, du coup, libre, veuf, en mesure d’épouser, quand vous voudrez, une belle et riche demoiselle, qui, par surcroît de veine, se trouve déjà dans vos mains. Voilà ce que peut faire un pur hasard, un concours fortuit de circonstances, – hein?
– Vous me menacez, imbécile?
– Allons, c’est cela, traitez-moi tout de suite d’imbécile, et quel ton! Vous devriez être enchanté, et vous… Je suis accouru tout exprès pour vous apprendre au plus tôt… Et pourquoi vous menacerais-je? Je me soucie bien d’obtenir quelque chose de vous par l’intimidation! Il me faut votre libre consentement, je ne veux point d’une adhésion forcée. Vous êtes une lumière, un soleil… C’est moi qui vous crains de toute mon âme, et non vous qui me craignez! Je ne suis pas Maurice Nikolaïévitch… Figurez-vous qu’au moment où j’arrivais ici à bride abattue, j’ai trouvé Maurice Nikolaïévitch près de la grille de votre jardin… il a dû passer là toute la nuit, son manteau était tout trempé! C’est prodigieux! Comment un homme peut-il être fou à ce point là?
– Maurice Nikolaïévitch? C’est vrai?
– C’est l’exacte vérité. Il est devant la grille du jardin. À trois cents pas d’ici, si je ne me trompe. J’ai passé à côté de lui aussi rapidement que possible, mais il m’a vu. Vous ne le saviez pas? En ce cas je suis bien aise d’avoir pensé à vous le dire. Tenez, celui-là est plus à craindre que personne, s’il a un revolver sur lui, et enfin la nuit, le mauvais temps, une irritation bien légitime, – car le voilà dans une drôle de situation, ha, ha! Qu’est-ce qu’il fait là selon vous?
– Il attend Élisabeth Nikolaïevna, naturellement.
– Bah! Mais pourquoi irait-elle le retrouver? Et… par une telle pluie… voilà un imbécile!
– Elle va le rejoindre tout de suite.
– Vraiment! Voilà une nouvelle! Ainsi… Mais écoutez, à présent la position d’Élisabeth Nikolaïevna est changée du tout au tout: que lui importe maintenant Maurice Nikolaïévitch? Rendu libre par le veuvage, vous pouvez l’épouser dès demain, n’est-ce pas? Elle ne le sait pas encore, – laissez-moi faire, et dans un instant j’aurai tout arrangé. Où est-elle? Ce qu’elle va être contente en apprenant cela!
– Contente?
– Je crois bien, allons lui porter la nouvelle.
– Et vous pensez que ces cadavres n’éveilleront chez elle aucun soupçon? demanda Nicolas Vsévolodovitch avec un singulier clignement d’yeux.
– Non, certes, ils n’en éveilleront pas, répondit plaisamment Pierre Stépanovitch, – car au point de vue juridique… Eh! quelle idée! Et quand même elle se douterait de quelque chose! Les femmes glissent si facilement là-dessus, vous ne connaissez pas encore les femmes! D’abord, maintenant c’est tout profit pour elle de vous épouser, attendue qu’elle s’est perdue de réputation; ensuite, je lui ai parlé du «navire» et j’ai remarqué qu’elle y mordait, voilà de quel calibre est cette demoiselle. N’ayez pas peur, elle enjambera ces petits cadavres avec aisance et facilité, d’autant plus que vous êtes tout à fait, tout à fait innocent, n’est-ce pas? Seulement elle aura soin de conserver ces petits cadavres pour vous les servir plus tard, après un an de mariage. Toute femme, en allant ceindre la couronne nuptiale, cherche ainsi des armes dans le passé de son mari, mais d’ici là… qu’y aura-t-il dans un an? Ha, ha, ha!
– Si vous avez un drojki, conduisez-la tout de suite auprès de Maurice Nikolaïévitch. Elle m’a déclaré tout à l’heure qu’elle ne pouvait pas me souffrir et qu’elle allait me quitter; assurément elle ne me permettrait pas de lui offrir une voiture.
– Ba-ah! Est-ce que, réellement, elle veut s’en aller? D’où cela pourrait-il venir? demanda Pierre Stépanovitch en regardant Stavroguine d’un air stupide.
– Elle s’est aperçue cette nuit que je ne l’aimais pas du tout… ce que, sans doute, elle a toujours su.
– Mais est-ce que vous ne l’aimez pas? répliqua le visiteur qui paraissait prodigieusement étonné; – s’il en est ainsi, pourquoi donc hier, quand elle est entrée, l’avez-vous gardée chez vous au lieu de la prévenir loyalement dès l’abord que vous ne l’aimiez pas? Vous avez commis une lâcheté épouvantable; et quel rôle ignoble je me trouve, par votre fait, avoir joué auprès d’elle!
Stavroguine eut un brusque accès d’hilarité.
– Je ris de mon singe, se hâta-t-il d’expliquer.
– Ah! vous avez deviné que je faisais le paillasse, reprit en riant aussi Pierre Stépanovitch; – c’était pour vous égayer! Figurez-vous, au moment où vous êtes entré ici, votre visage m’a appris que vous aviez du «malheur». Peut-être même est-ce une déveine complète, hein? Tenez, je parie, poursuivit-il en élevant gaiement la voix, – que pendant toute la nuit vous êtes resté assis à côté l’un de l’autre dans la salle, et que vous avez perdu un temps précieux à faire assaut de noblesse… Allons, pardonnez-moi, pardonnez-moi; cela m’est bien égal après tout: hier déjà j’étais sûr que le dénouement serait bête. Je vous l’ai amenée à seule fin de vous procurer un peu d’amusement, et pour vous prouver qu’avec moi vous ne vous ennuierez pas; je suis fort utile sous ce rapport; en général j’aime à faire plaisir aux gens. Si maintenant vous n’avez plus besoin d’elle, ce que je présumais en venant chez vous, eh bien…»
– Ainsi ce n’est que pour mon amusement que vous l’avez amenée?
– Pourquoi donc aurait-ce été?
– Ce n’était pas pour me décider à tuer ma femme?
– En voilà une! Mais est-ce que vous l’avez tuée? Quel homme tragique!
– Vous l’avez tuée, cela revient au même.
– Mais est-ce que je l’ai tuée? Je vous répète que je ne suis absolument pour rien dans cette affaire-là. Pourtant vous commencez à m’inquiéter…
– Continuez, vous disiez: «Si maintenant vous n’avez plus besoin d’elle, eh bien…»