Les Possedes

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Les Possedes
Название: Les Possedes
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les Possedes - читать бесплатно онлайн , автор Dosto?evski Fedor Mikha?lovitch

«Est-il possible de croire? S?rieusement et effectivement? Tout est l?.» Stavroguine envo?te tous ceux qui l'approchent, hommes ou femmes. Il ne trouve de limite ? son immense orgueil que dans l'existence de Dieu. Il la nie et tombe dans l'absurdit? de la libert? pour un homme seul et sans raison d'?tre. Tous les personnages de ce grand roman sont poss?d?s par un d?mon, le socialisme ath?e, le nihilisme r?volutionnaire ou la superstition religieuse. Ignorant les limites de notre condition, ces id?ologies sont incapables de rendre compte de l'homme et de la soci?t? et appellent un terrorisme destructeur. Sombre trag?die d'amour et de mort, «Les Poss?d?s» sont l'incarnation g?niale des doutes et des angoisses de Dosto?evski sur l'avenir de l'homme et de la Russie. D?s 1870, il avait pressenti les dangers du totalitarisme au XXe si?cle.

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– Qu’importe? Si c’est cruel, supportez-le.

– Vous vous vengez sur moi de votre fantaisie d’hier… grommela Nicolas Vsévolodovitch avec un méchant sourire. La jeune fille rougit.

– Quelle basse pensée!

– Alors, pourquoi donc m’avez-vous donné… «tant de bonheur»? Ai-je le droit de le savoir?

– Non, interrogez-moi sans demander si vous en avez le droit; n’ajoutez pas une sottise à la bassesse de votre supposition. Vous n’êtes guère bien inspiré aujourd’hui. À propos, ne craignez-vous pas aussi l’opinion publique, et n’êtes-vous pas troublé par la pensée que ce «bonheur» vous attirera une condamnation? Oh! s’il en est ainsi, pour l’amour de Dieu, bannissez toute inquiétude. Vous n’êtes ici coupable de rien et n’avez de comptes à rendre à personne. Quand j’ai ouvert votre porte hier, vous ne saviez pas même qui allait entrer. Il n’y a eu là qu’une fantaisie de ma part, comme vous le disiez tout à l’heure, – rien de plus. Vous pouvez hardiment lever les yeux et regarder tout le monde en face!

– Tes paroles, cet enjouement factice qui dure déjà depuis une heure, me glacent d’épouvante. Ce «bonheur» dont tu parles avec tant d’irritation, me coûte… tout. Est-ce que je puis maintenant te perdre? Je le jure, je t’aimais moins hier. Pourquoi donc m’ôtes-tu tout aujourd’hui? Sais-tu ce qu’elle m’a coûté, cette nouvelle espérance? Je l’ai payée d’une vie.

– De la vôtre ou d’une autre?

Il tressaillit.

– Que veux-tu dire? questionna-t-il en regardant fixement son interlocutrice.

– Je voulais vous demander si vous l’aviez payée de votre vie ou de la mienne. Est-ce qu’à présent vous ne comprenez plus rien? répliqua en rougissant la jeune fille. – Pourquoi avez-vous fait ce brusque mouvement? Pourquoi me regardez-vous avec cet air-là? Vous m’effrayez. De quoi avez-vous toujours peur? Voilà déjà longtemps que je m’en aperçois, vous avez peur, maintenant surtout… Seigneur, que vous êtes pâle!

– Si tu sais quelque chose, Lisa, je te jure que je ne sais rien… ce n’est nullement de cela que je parlais tout à l’heure, en disant que j’avais payé d’une vie…

– Je ne vous comprends pas du tout, répondit-elle avec un tremblement dans la voix.

À la fin, un sourire lent, pensif, se montra sur les lèvres de Nicolas Vsévolodovitch. Il s’assit sans bruit, posa ses coudes sur ses genoux et mit son visage dans ses mains.

– C’est un mauvais rêve et un délire… Nous parlions de deux choses différentes.

– Je ne sais pas du tout de quoi vous parliez… Pouviez-vous ne pas savoir hier que je vous quitterais aujourd’hui? Le saviez-vous, oui ou non? Ne mentez pas, le saviez-vous, oui ou non?

– Je le savais… fit-il à voix basse.

– Eh bien, alors, de quoi vous plaignez-vous? vous le saviez et vous avez mis l’ «instant» à profit. Quelle déception y a-t-il ici pour vous?

– Dis-moi toute la vérité, cria Stavroguine avec l’accent d’une profonde souffrance: – hier, quand tu as ouvert ma porte, savais-tu toi-même que tu n’entrais chez moi que pour une heure?

Elle fixa sur lui un regard haineux.

– C’est vrai que l’homme le plus sérieux peut poser les questions les plus étonnantes. Et pourquoi tant vous inquiéter de cela? Vous sentiriez-vous atteint dans votre amour-propre parce qu’une femme vous a quitté la première, au lieu d’attendre que vous lui donniez son congé? Vous savez, Nicolas Vsévolodovitch, je me suis convaincue, entre autres choses, de votre extrême magnanimité à mon égard, et, tenez, je ne puis pas souffrir cela chez vous.

Il se leva et fit quelques pas dans la chambre.

– C’est bien, j’admets que cela doive finir ainsi, soit… Mais comment tout cela a-t-il pu arriver?

– Voilà ce qui vous intrigue! Et le plus fort, c’est que vous êtes parfaitement édifié là-dessus, que vous comprenez la chose mieux que personne, et que vous-même l’aviez prévue. Je suis une demoiselle, mon cœur a fait son éducation à l’Opéra, tel a été le point de départ, tout est venu de là…

– Non.

– Il n’y a rien ici qui soit de nature à froisser votre amour-propre, et c’est l’exacte vérité. Cela a commencé par un beau moment qui a été plus fort que moi. Avant-hier, en rentrant chez moi après votre réponse si chevaleresque à l’insulte publique que je vous avais faite, j’ai deviné tout de suite que si vous me fuyiez, c’était parce que vous étiez marié, et nullement parce que vous me méprisiez, chose dont j’avais surtout peur en ma qualité de jeune fille mondaine. J’ai compris qu’en m’évitant vous me protégiez contre ma propre imprudence. Vous voyez comme j’apprécie votre grandeur d’âme. Alors est arrivé Pierre Stépanovitch, qui m’a tout expliqué. Il m’a révélé que vous étiez agité par une grande idée devant laquelle nous n’étions, lui et moi, absolument rien, mais que néanmoins j’étais un obstacle sur votre chemin. Il m’a dit qu’il était votre associé dans cette entreprise et m’a instamment priée de me joindre à vous deux; son langage était tout à fait fantastique, il citait des vers d’une chanson russe où il est question d’un navire aux rames d’érable. Je l’ai complimenté sur son imagination poétique, et il a pris mes paroles pour des propos sans conséquence. Mais sachant depuis longtemps que mes résolutions ne durent pas plus d’une minute, je me suis décidée tout de suite. Eh bien, voilà tout, ces explications suffisent, n’est-ce pas? Je vous en prie, restons-en là; autrement, qui sait? nous nous fâcherions encore. N’ayez peur de personne, je prends tout sur moi. Je suis mauvaise, capricieuse, j’ai été séduite par un navire d’opéra, je suis une demoiselle… Et, vous savez, je croyais toujours que vous m’aimiez éperdument. Toute sotte que je suis, ne me méprisez pas et ne riez pas de cette petite larme que j’ai laissée couler tout à l’heure. J’aime énormément à pleurer, je m’apitoie volontiers sur moi. Allons, assez, assez. Je ne suis capable de rien, ni vous non plus; chacun de nous a son pied de nez, que ce soit notre consolation. Au moins l’amour-propre est sauf.

– C’est un mensonge et un délire! s’écria Nicolas Vsévolodovitch qui marchait à grands pas dans la chambre en se tordant les mains. – Lisa, pauvre Lisa, qu’as-tu fait?

– Je me suis brûlée à la chandelle, rien de plus. Tiens, on dirait que vous pleurez aussi? Soyez plus convenable, moins sensible…

– Pourquoi, pourquoi es-tu venue chez moi?

– Mais ne comprendrez-vous pas enfin dans quelle situation comique vous vous placez aux yeux du monde par de pareilles questions?

– Pourquoi t’es-tu si monstrueusement, si bêtement perdue? Que faire maintenant?

– Et c’est là Stavroguine, le «buveur de sang Stavroguine», comme vous appelle une dame d’ici qui est amoureuse de vous! Écoutez, je vous l’ai déjà dit: j’ai mis ma vie dans une heure et je suis tranquille. Faites de même… ou plutôt, non, pour vous c’est inutile; vous aurez encore tant d’ «heures» et de «moments» divers…

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