Fernande
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La baronne de Barth?le attend son vieil ami et amant le comte de Montgiroux, pair de France. Son fils Maurice, mari? ? la ni?ce du comte, se meurt de fi?vre c?r?brale. Sur la suggestion du m?decin de Maurice, la baronne a accept? de faire venir ? son ch?teau Mme Ducoudray qui pourrait apaiser la fi?vre du mourant. ? son arriv?e, la dame apprend le but de sa visite, sauver Maurice – Maurice, pr?nom qui ne lui est pas inconnu. Le comte d?couvre lui que Mme Ducoudray n'autre que Fernande,la courtisane qu’il a pris pour ma?tresse. Arrive ensuite Mme de Neuilly, parente de la baronne, veuve envieuse qui reconna?t en Fernande une ancienne pensionnaire d’orphelinat et qui voudrait bien savoir comment elle s'y est pris pour faire ce riche mariage avec M. Ducoudray. Elle r?v?le que Fernande est de sang noble, fille de la famille de Mormant. Par son entremise, Fernande apprend ? son tour que Maurice est en fait le fils du baron…
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Enfin Fernande rompit la première le silence.
– Me voici, dit-elle. Vous m’avez fait demander, Maurice; mais c’était inutile, et je serais venue sans cela.
– Vous avez donc compris le besoin que j’avais de vous voir et de vous parler. Oh! merci, merci! s’écria Maurice.
– C’est que ce même besoin était en moi, mon ami, répondit Fernande; car j’avais bien des choses à entendre sans doute, mais aussi bien des choses à vous dire.
– Eh bien, alors, parlons. Nous sommes seuls, enfin, Fernande: il n’y a plus de regards indiscrets qui nous épient, plus d’oreilles avides qui nous écoutent. Vous avez bien des choses à entendre, dites-vous; moi, je n’en ai qu’une à vous dire. Vous n’avez plus voulu me voir; moi, je n’ai plus voulu vivre. Vous avez consenti à revenir à moi: que la vie soit la bienvenue, puisqu’elle revient avec vous. Merci, Fernande; car voilà un moment qui me fait oublier tout ce que j’ai souffert.
– Vous avez bien souffert, oui, je n’en doute pas, Maurice; car, malheureusement, votre faiblesse m’en donne la preuve. Mais au moins vous avez l’isolement et le silence, vous. Moi, j’ai été obligée de vivre au milieu du monde, au milieu des plaisirs; vous pouviez pleurer, je devais sourire. Maurice, ajouta Fernande, je dois encore avoir plus souffert que vous.
– Oh! mon Dieu! mon Dieu! s’écria le malade dans une pieuse exaltation, avez-vous enfin pris pitié de nous, et serions-nous donc au bout de nos douleurs?
– Oui, Maurice, je l’espère, dit Fernande avec un sourire triste et en levant son beau et limpide regard vers le ciel où Maurice venait de lever les mains.
– Fernande, dit Maurice, vous dites cela d’un ton qui m’effraye. Pendant notre séparation, il est survenu en vous quelque chose d’étrange et d’inconnu que je ne comprends pas.
– Voulez-vous que je vous le dise, ce qui est survenu en moi que vous ne comprenez pas?
– Oh! oui, dites.
– Eh bien, c’est que votre mère, Maurice, m’a pris les deux mains comme elle eût fait à sa fille; c’est que votre femme m’a embrassée comme elle eût fait à sa sœur.
Maurice frissonna.
– C’est, continua Fernande, que j’ai été reçue dans ce château comme quelqu’un qui aurait eu droit de s’y présenter; c’est que, élevée, agrandie, purifiée, j’ai compris ce que je devais à votre mère, à votre femme, à l’hospitalité.
– Mon Dieu! Mon Dieu! que me dites-vous là, Fernande? s’écria Maurice en se soulevant sur son lit, et où voulez-vous donc en venir?
– Votre exclamation me prouve que vous m’avez comprise; du courage, Maurice, soyez homme.
– Oh! mon Dieu! mon Dieu! s’écria une seconde fois Maurice en se tordant les bras.
– Maurice! Maurice! dit Fernande, n’agissez point ainsi, car ce que vous faites est d’un insensé. Calmez-vous, je vous en supplie. Vous êtes faible encore, ce matin vous étiez mourant. Maurice, votre vie est toujours en danger; la nuit est froide. Si vous voulez que je reste près de vous, il faut non-seulement m’écouter, mais encore il faut m’obéir. Le corps a ses lois indépendantes des émotions de l’âme. Maurice, vos bras sont nus, votre poitrine est exposée à l’air. Laissez-moi vous soigner comme si j’étais votre femme, comme si j’étais votre mère. Maurice, je vous en prie en leur nom, c’est par leur volonté que je suis ici; Fernande doit donc, tant qu’elle restera dans ce château, n’être que leur représentant; c’est dans leur intérêt que je vous parle, c’est dans leur intérêt que j’agis. Maurice, vous devez aimer ceux qui vous aiment, et surtout les aimer comme ils vous aiment.
Maurice se tut. Il était dompté par la douceur de cette femme qui venait de substituer à l’exaltation de l’amour les plus tendres soins de l’amitié, et qui imitait, au lieu de l’ardente passion dont il lui donnait l’exemple, la douce prudence de la mère qui gourmande son enfant, de la femme qui gronde son mari, pour lesquelles les scrupules de la pudeur se taisent devant la crainte du danger. En effet, le sentiment qui l’animait à cette heure rendait au cœur de la courtisane quelque chose de sa pureté native, et sanctifiant ce tête-à-tête, leur donnait à tous deux cette chasteté de la douleur qui voile les sens. Et Maurice, docile comme un enfant, cédant avec étonnement aux exigences de la raison, Maurice oubliait presque qu’une jeune femme, sa maîtresse passée, l’objet de son idolâtrie présente, se penchait sur son lit. Quant à Fernande, elle paraissait avoir complètement oublié le jeune homme, idéale personnification de ses rêves, pour ne plus voir que le malade, que la moindre émotion morale blesse, que la moindre atteinte physique met en danger. La charité passait sa main glacée sur son front brûlant, et une calme et froide espérance semblait se mêler seule au souffle de la piété.
Et pendant ce temps, Maurice, sans force pour combattre la froideur de Fernande, qui se présentait à lui sous cet affectueux aspect, Maurice se laissait aller au charme de ces sensations. Il en résultait un bien-être si suave, si pur, et en même temps si réel pour le corps et l’esprit, pour le cœur et pour l’âme, que la vie revenant à flots ranimer les facultés abattues, semblait leur rendre tout à coup cette intelligence supérieure, cette délicatesse exquise du sentiment qui maintient l’âme dans une de ces sphères élevées qui semblent flottantes au-dessus de la terre.
– Vous le voyez, Fernande, dit le malade appuyé maintenant sur son coude et fixant ses yeux sur elle avec un regard humide d’attendrissement et un soupir de bonheur, vous le voyez, j’obéis comme un pauvre enfant sans force et sans volonté. Oh! mon Dieu! quelle femme ou plutôt quel ange êtes-vous donc? de quelle étoile êtes-vous tombée, et quelle faute commise par un autre sans doute, venez-vous, esprit de dévouement, expier dans notre monde, qui ne vous connaît pas parce qu’il n’a fait que vous voir passer et qu’il n’a pu vous comprendre?
Fernande sourit.
– Allons, dit-elle, le docteur se trompe en parlant de votre convalescence; il y a encore du délire. Maurice, revenez à vous et regardez les choses de ce monde sous leur véritable aspect.
– Oh! non, non, dit Maurice, et je suis en pleine réalité, Fernande. L’aspect sous lequel j’envisage les choses est bien leur véritable aspect. Depuis que je vous aime, c’est votre volonté seule qui a réglé mes actions. Vous m’avez banni de votre présence, j’ai voulu mourir; vous paraissez, et je renais. C’est vous qui êtes mon âme, ma force, ma vie; c’est vous qui disposez de moi en maîtresse absolue. Ce rôle, dites-moi, est-il celui d’une femme ou celui d’un ange?
– Ah! Maurice, répondit Fernande en secouant la tête, pour combien d’années de la vie ne voudrais-je pas qu’il en fût de moi comme vous dites, et que j’eusse cette suprême influence sur vous!
Et en effet, comme pour venir à l’appui de ce que disait Maurice, une teinte rosée se répandait sur les joues du jeune homme, ses lèvres se coloraient doucement. Ses yeux brillaient non plus de cette flamme sèche, lueur de fièvre, mais de ce doux reflet de la pensée qui se repose, de cet éclat intelligent, rendu plus vif encore par les larmes du bonheur.