La Reine Margot Tome I
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Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
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– Sur ma parole, Monseigneur, et puisque Votre Altesse veut que je lui donne mon avis, Votre Altesse les a toutes depuis que le roi de Navarre a refusé l’offre que j’étais venu lui faire. Mais, je vous le répète, Monseigneur, me concerter avec nos chefs est chose indispensable.
– Faites donc, monsieur, répondit d’Alençon. Seulement, à quand la réponse?
de Mouy regarda le prince en silence. Puis, paraissant prendre une résolution:
– Monseigneur, dit-il, donnez-moi votre main; j’ai besoin que cette main d’un fils de France touche la mienne pour être sûr que je ne serai point trahi.
Le duc non seulement tendit la main vers de Mouy, mais il saisit la sienne et la serra.
– Maintenant, Monseigneur, je suis tranquille, dit le jeune huguenot. Si nous étions trahis, je dirais que vous n’y êtes pour rien. Sans quoi, Monseigneur, et pour si peu que vous fussiez dans cette trahison, vous seriez déshonoré.
– Pourquoi me dites-vous cela, de Mouy, avant de me dire quand vous me rapporterez la réponse de vos chefs?
– Parce que, Monseigneur, en me demandant à quand la réponse, vous me demandez en même temps où sont les chefs, et que, si je vous dis: À ce soir, vous saurez que les chefs sont à Paris et s’y cachent.
Et en disant ces mots, par un geste de défiance, de Mouy attachait son œil perçant sur le regard faux et vacillant du jeune homme.
– Allons, allons, reprit le duc, il vous reste encore des doutes, monsieur de Mouy. Mais je ne puis du premier coup exiger de vous une entière confiance. Vous me connaîtrez mieux plus tard. Nous allons être liés par une communauté d’intérêts qui vous délivrera de tout soupçon. Vous dites donc à ce soir, monsieur de Mouy?
– Oui, Monseigneur, car le temps presse. À ce soir. Mais où cela, s’il vous plaît?
– Au Louvre, ici, dans cette chambre, cela vous convient-il?
– Cette chambre est habitée? dit de Mouy en montrant du regard les deux lits qui s’y trouvaient en face l’un de l’autre.
– Par deux de mes gentilshommes, oui.
– Monseigneur, il me semble imprudent, à moi, de revenir au Louvre.
– Pourquoi cela?
– Parce que, si vous m’avez reconnu, d’autres peuvent avoir d’aussi bons yeux que Votre Altesse et me reconnaître à leur tour. Je reviendrai cependant au Louvre, si vous m’accordez ce que je vais vous demander.
– Quoi?
– Un sauf-conduit.
– de Mouy, répondit le duc, un sauf-conduit de moi saisi sur vous me perd et ne vous sauve pas. Je ne puis pour vous quelque chose qu’à la condition qu’à tous les yeux nous sommes complètement étrangers l’un à l’autre. La moindre relation de ma part avec vous, prouvée à ma mère ou à mes frères, me coûterait la vie. Vous êtes donc sauvegardé par mon propre intérêt, du moment où je me serai compromis avec les autres, comme je me compromets avec vous en ce moment. Libre dans ma sphère d’action, fort si je suis inconnu, tant que je reste moi-même impénétrable je vous garantis tous; ne l’oubliez pas. Faites donc un nouvel appel à votre courage, tentez sur ma parole ce que vous tentiez sans la parole de mon frère. Venez ce soir au Louvre.
– Mais comment voulez-vous que j’y vienne? Je ne puis risquer ce costume dans les appartements. Il était pour les vestibules et les cours. Le mien est encore plus dangereux, puisque tout le monde me connaît ici et qu’il ne me déguise aucunement.
– Aussi, je cherche, attendez… Je crois que… oui, le voici.
En effet, le duc avait jeté les yeux autour de lui, et ses yeux s’étaient arrêtés sur la garde-robe d’apparat de La Mole, pour le moment étendue sur le lit, c’est-à-dire sur ce magnifique manteau cerise brodé d’or dont nous avons déjà parlé, sur son toquet orné d’une plume blanche, entouré d’un cordon de marguerites d’or et d’argent entremêlées, enfin sur un pourpoint de satin gris perle et or.
– Voyez-vous ce manteau, cette plume et ce pourpoint? dit le duc; ils appartiennent à M. de La Mole, un de mes gentilshommes, un muguet du meilleur ton. Cet habit a fait rage à la cour, et on reconnaît M. de La Mole à cent pas lorsqu’il le porte. Je vais vous donner l’adresse du tailleur qui le lui a fourni; en le lui payant le double de ce qu’il vaut, vous en aurez un pareil ce soir. Vous retiendrez bien le nom de M. de La Mole, n’est-ce pas?
Le duc d’Alençon achevait à peine la recommandation, que l’on entendit un pas qui s’approchait dans le corridor et qu’une clef tourna dans la serrure.
– Eh! qui va là? s’écria le duc en s’élançant vers la porte et en poussant le verrou.
– Pardieu, répondit une voix du dehors, je trouve la question singulière. Qui va là vous-même? Voilà qui est plaisant! quand je veux rentrer chez moi, on me demande qui va là!
– Est-ce vous, monsieur de la Mole?
– Eh! sans doute que c’est moi. Mais vous, qui êtes-vous? Pendant que La Mole exprimait son étonnement de trouver sa chambre habitée et essayait de découvrir quel en était le nouveau commensal, le duc d’Alençon se retournait vivement, une main sur le verrou, l’autre sur la serrure.
– Connaissez-vous M. de La Mole? demanda-t-il à de Mouy.
– Non, Monseigneur.
– Et lui, vous connaît-il?
– Je ne le crois pas.
– Alors, tout va bien; d’ailleurs, faites semblant de regarder par la fenêtre. de Mouy obéit sans répondre, car La Mole commençait à s’impatienter et frappait à tour de bras.
Le duc d’Alençon jeta un dernier regard vers de Mouy, et, voyant qu’il avait le dos tourné, il ouvrit.
– Monseigneur le duc! s’écria La Mole en reculant de surprise, oh! pardon, pardon, Monseigneur!
– Ce n’est rien, monsieur. J’ai eu besoin de votre chambre pour recevoir quelqu’un.
– Faites, Monseigneur, faites. Mais permettez, je vous en supplie, que je prenne mon manteau et mon chapeau, qui sont sur le lit; car j’ai perdu l’un et l’autre cette nuit sur le quai de la Grève, où j’ai été attaqué de nuit par des voleurs.
– En effet, monsieur, dit le prince en souriant et en passant lui-même à La Mole les objets demandés, vous voici assez mal accommodé; vous avez eu affaire à des gaillards fort entêtés, à ce qu’il paraît!
Et le duc passa lui-même à La Mole le manteau et le toquet. Le jeune homme salua et sortit pour changer de vêtement dans l’antichambre, ne s’inquiétant aucunement de ce que le duc faisait dans sa chambre; car c’était assez l’usage au Louvre que les logements des gentilshommes fussent, pour les princes auxquels ils étaient attachés, des hôtelleries qu’ils employaient à toutes sortes de réceptions.
de Mouy se rapprocha alors du duc, et tous deux écoutèrent pour savoir le moment où La Mole aurait fini et sortirait; mais lorsqu’il eut changé de costume, lui-même les tira d’embarras, car, s’approchant de la porte: