La Reine Margot Tome I
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Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
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Et il entra dans la chambre, dont le duc d’Alençon referma la porte derrière lui non moins vivement que n’avait fait le roi de Navarre.
de Mouy était entré furieux, exaspéré, maudissant; mais peu à peu le regard froid et fixe du jeune duc François fit sur le capitaine huguenot l’effet de cette glace enchantée qui dissipe l’ivresse.
– Monseigneur, dit-il, si j’ai bien compris, Votre Altesse veut me parler?
– Oui, monsieur de Mouy, répondit François. Malgré votre déguisement, j’avais cru vous reconnaître, et quand vous avez présenté les armes à mon frère Henri, je vous ai reconnu tout à fait. Eh bien, de Mouy, vous n’êtes donc pas content du roi de Navarre?
– Monseigneur!
– Allons, voyons! parlez-moi hardiment. Sans que vous vous en doutiez, peut-être suis-je de vos amis.
– Vous, Monseigneur?
– Oui, moi. Parlez donc.
– Je ne sais que dire à Votre Altesse, Monseigneur. Les choses dont j’avais à entretenir le roi de Navarre touchent à des intérêts que Votre Altesse ne saurait comprendre. D’ailleurs, ajouta de Mouy d’un air qu’il tâcha de rendre indifférent, il s’agissait de bagatelles.
– De bagatelles? fit le duc.
– Oui, Monseigneur.
– De bagatelles pour lesquelles vous avez cru devoir exposer votre vie en revenant au Louvre, où, vous le savez, votre tête vaut son pesant d’or. Car on n’ignore point que vous êtes, avec le roi de Navarre et le prince de Condé, un des principaux chefs des huguenots.
– Si vous croyez cela, Monseigneur, agissez envers moi comme doit le faire le frère du roi Charles et le fils de la reine Catherine.
– Pourquoi voulez-vous que j’agisse ainsi, quand je vous ai dit que j’étais de vos amis? Dites-moi donc la vérité.
– Monseigneur, dit de Mouy, je vous jure…
– Ne jurez pas, monsieur; la religion reformée défend de faire des serments, et surtout de faux serments. de Mouy fronça le sourcil.
– Je vous dis que je sais tout, reprit le duc. de Mouy continua de se taire.
– Vous en doutez? reprit le prince avec une affectueuse insistance. Eh bien, mon cher de Mouy, il faut vous convaincre. Voyons, vous allez juger si je me trompe. Avez-vous ou non proposé à mon beau-frère Henri, là, tout à l’heure (le duc étendit la main dans la direction de la chambre du Béarnais), votre secours et celui des vôtres pour le réinstaller dans sa royauté de Navarre?
de Mouy regarda le duc d’un air effaré.
– Propositions qu’il a refusées avec terreur! de Mouy demeura stupéfait.
– Avez-vous alors invoqué votre ancienne amitié, le souvenir de la religion commune? Avez-vous même alors leurré le roi de Navarre d’un espoir bien brillant, si brillant qu’il en a été ébloui, de l’espoir d’atteindre à la couronne de France? Hein? dites, suis-je bien informé? Est-ce là ce que vous êtes venu proposer au Béarnais?
– Monseigneur! s’écria de Mouy, c’est si bien cela que je me demande en ce moment même si je ne dois pas dire à Votre Altesse Royale qu’elle en a menti! provoquer dans cette chambre un combat sans merci, et assurer ainsi par la mort de nous deux l’extinction de ce terrible secret!
– Doucement, mon brave de Mouy, doucement, dit le duc d’Alençon sans changer de visage, sans faire le moindre mouvement à cette terrible menace; le secret s’éteindra mieux entre nous si nous vivons tous deux que si l’un de nous meurt. Écoutez-moi et cessez de tourmenter ainsi la poignée de votre épée. Pour la troisième fois, je vous dis que vous êtes avec un ami; répondez donc comme à un ami. Voyons, le roi de Navarre n’a-t-il pas refusé tout ce que vous lui avez offert?
– Oui, Monseigneur, et je l’avoue, puisque cet aveu ne peut compromettre que moi.
– N’avez-vous pas crié en sortant de sa chambre et en foulant aux pieds votre chapeau, qu’il était un prince lâche et indigne de demeurer votre chef?
– C’est vrai, Monseigneur, j’ai dit cela.
– Ah! c’est vrai! Vous l’avouez, enfin?
– Oui.
– Et c’est toujours votre avis?
– Plus que jamais, Monseigneur!
– Eh bien, moi, moi, monsieur de Mouy, moi, troisième fils de Henri II, moi, fils de France, suis-je assez bon gentilhomme pour commander à vos soldats, voyons? et jugez-vous que je suis assez loyal pour que vous puissiez compter sur ma parole?
– Vous, Monseigneur! vous, le chef des huguenots?
– Pourquoi pas? C’est l’époque des conversions, vous le savez. Henri s’est bien fait catholique, je puis bien me faire protestant, moi.
– Oui, sans doute, Monseigneur; mais j’attends que vous m’expliquiez…
– Rien de plus simple, et je vais vous dire en deux mots la politique de tout le monde.
» Mon frère Charles tue les huguenots pour régner plus largement. Mon frère d’Anjou les laisse tuer parce qu’il doit succéder à mon frère Charles, et que, comme vous le savez, mon frère Charles est souvent malade. Mais moi… et c’est tout différent, moi qui ne régnerai jamais, en France du moins, attendu que j’ai deux aînés devant moi; moi que la haine de ma mère et de mes frères, plus encore que la loi de la nature, éloigne du trône; moi qui ne dois prétendre à aucune affection de famille, à aucune gloire, à aucun royaume; moi qui, cependant, porte un cœur aussi noble que mes aînés; eh bien! de Mouy! moi, je veux chercher à me tailler avec mon épée un royaume dans cette France qu’ils couvrent de sang.
» Or, voilà ce que je veux, moi, de Mouy, écoutez.» Je veux être roi de Navarre, non par la naissance, mais par l’élection. Et remarquez bien que vous n’avez aucune objection à faire à cela, car je ne suis pas usurpateur, puisque mon frère refuse vos offres, et, s’ensevelissant dans sa torpeur, reconnaît hautement que ce royaume de Navarre n’est qu’une fiction. Avec Henri de Béarn, vous n’avez rien; avec moi, vous avez une épée et un nom. François d’Alençon, fils de France, sauvegarde tous ses compagnons ou tous ses complices, comme il vous plaira de les appeler. Eh bien, que dites-vous de cette offre, monsieur de Mouy?
– Je dis qu’elle m’éblouit, Monseigneur.
– de Mouy, de Mouy, nous aurons bien des obstacles à vaincre. Ne vous montrez donc pas dès l’abord si exigeant et si difficile envers un fils de roi et un frère de roi qui vient à vous.
– Monseigneur, la chose serait déjà faite si j’étais seul à soutenir mes idées; mais nous avons un conseil, et si brillante que soit l’offre, peut-être même à cause de cela, les chefs du parti n’y adhéreront-ils pas sans condition.
– Ceci est autre chose, et la réponse est d’un cœur honnête et d’un esprit prudent. À la façon dont je viens d’agir, de Mouy, vous avez dû reconnaître ma probité. Traitez-moi donc de votre côté en homme qu’on estime et non en prince qu’on flatte. de Mouy, ai-je des chances?