La Reine Margot Tome I
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Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
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– Bon! dit Coconnas; l’une me jette des fleurs, l’autre les pots. Si cela continue, on va démolir les maisons.
– Merci, ma mère, merci! cria le jeune homme.
– Va, femme, va! dit le vieux Mercandon, mais prends garde à nous!
– Attendez, monsieur de Coconnas, attendez, dit la jeune dame de l’hôtel de Guise; je vais faire tirer aux fenêtres.
– Ah ça! c’est donc un enfer de femmes, dont les unes sont pour moi et les autres contre moi! dit Coconnas. Mordi! finissons-en.
La scène, en effet, était bien changée, et tirait évidemment à son dénouement. En face de Coconnas, blessé il est vrai, mais dans toute la vigueur de ses vingt-quatre ans, mais habitué aux armes, mais irrité plutôt qu’affaibli par les trois ou quatre égratignures qu’il avait reçues, il ne restait plus que Mercandon et son fils: Mercandon, vieillard de soixante à soixante-dix ans; son fils, enfant de seize à dix-huit ans: ce dernier pâle, blond et frêle, avait jeté son pistolet déchargé et par conséquent devenu inutile, et agitait en tremblant une épée de moitié moins longue que celle du Piémontais; le père, armé seulement d’un poignard et d’une arquebuse vide, appelait au secours. Une vieille femme, à la fenêtre en face, la mère du jeune homme, tenait à la main un morceau de marbre et s’apprêtait à le lancer. Enfin Coconnas, excité d’un côté par les menaces, de l’autre par les encouragements, fier de sa double victoire, enivré de poudre et de sang, éclairé par la réverbération d’une maison en flammes, exalté par l’idée qu’il combattait sous les yeux d’une femme dont la beauté lui avait semblé aussi supérieure que son rang lui paraissait incontestable; Coconnas, comme le dernier des Horaces, avait senti doubler ses forces, et voyant le jeune homme hésiter, il courut à lui et croisa sur sa petite épée sa terrible et sanglante rapière. Deux coups suffirent pour la lui faire sauter des mains. Alors Mercandon chercha à repousser Coconnas, pour que les projectiles lancés par la fenêtre l’atteignissent plus sûrement. Mais Coconnas, au contraire, pour paralyser la double attaque du vieux Mercandon, qui essayait de le percer de son poignard, et de la mère du jeune homme, qui tentait de lui briser la tête avec la pierre qu’elle s’apprêtait à lui lancer, saisit son adversaire à bras-le-corps, le présentant à tous les coups comme un bouclier, et l’étouffant dans son étreinte herculéenne.
– À moi, à moi! s’écria le jeune homme, il me brise la poitrine! à moi, à moi! Et sa voix commença de se perdre dans un râle sourd et étranglé. Alors, Mercandon cessa de menacer, il supplia.
– Grâce! grâce! dit-il, monsieur de Coconnas! grâce! c’est mon unique enfant!
– C’est mon fils! c’est mon fils! cria la mère, l’espoir de notre vieillesse! ne le tuez pas, monsieur! ne le tuez pas!
– Ah! vraiment! cria Coconnas en éclatant de rire. Que je ne le tue pas! et que voulait-il donc me faire avec son épée et son pistolet?
– Monsieur, continua Mercandon en joignant les mains, j’ai chez moi l’obligation souscrite par votre père, je vous la rendrai; j’ai dix mille écus d’or, je vous les donnerai; j’ai les pierreries de notre famille, et elles seront à vous; mais ne le tuez pas, ne le tuez pas!
– Et moi, j’ai mon amour, dit à demi-voix la femme de l’hôtel de Guise, et je vous le promets. Coconnas réfléchit une seconde, et soudain:
– Êtes-vous huguenot? demanda-t-il au jeune homme.
– Je le suis, murmura l’enfant.
– En ce cas, il faut mourir! répondit Coconnas en fronçant les sourcils et en approchant de la poitrine de son adversaire la miséricorde acérée et tranchante.
– Mourir! s’écria le vieillard, mon pauvre enfant! mourir!
Et un cri de mère retentit si douloureux et si profond, qu’il ébranla pour un moment la sauvage résolution du Piémontais.
– Oh! madame la duchesse! s’écria le père se tournant vers la femme de l’hôtel de Guise, intercédez pour nous, et tous les matins et tous les soirs votre nom sera dans nos prières.
– Alors, qu’il se convertisse! dit la dame de l’hôtel de Guise.
– Je suis protestant, dit l’enfant.
– Meurs donc, dit Coconnas en levant sa dague, meurs donc puisque tu ne veux pas de la vie que cette belle bouche t’offrait.
Mercandon et sa femme virent la lame terrible luire comme un éclair au dessus de la tête de leur fils.
– Mon fils, mon Olivier, hurla la mère, abjure… abjure!
– Abjure, cher enfant! cria Mercandon, se roulant aux pieds de Coconnas, ne nous laisse pas seuls sur la terre.
– Abjurez tous ensemble! cria Coconnas; pour un Credo, trois âmes et une vie!
– Je le veux bien, dit le jeune homme.
– Nous le voulons bien, crièrent Mercandon et sa femme.
– À genoux, alors! fit Coconnas, et que ton fils récite mot à mot la prière que je vais te dire. Le père obéit le premier.
– Je suis prêt, dit l’enfant. Et il s’agenouilla à son tour.
Coconnas commença alors à lui dicter en latin les paroles du Credo. Mais, soit hasard, soit calcul, le jeune Olivier s’était agenouillé près de l’endroit où avait volé son épée. À peine vit-il cette arme à la portée de sa main, que, sans cesser de répéter les paroles de Coconnas, il étendit le bras pour la saisir. Coconnas aperçut le mouvement, tout en faisant semblant de ne pas le voir. Mais au moment où le jeune homme touchait du bout de ses doigts crispés la poignée de l’arme, il s’élança sur lui, et le renversant:
– Ah! traître! dit-il. Et il lui plongea sa dague dans la gorge. Le jeune homme jeta un cri, se releva convulsivement sur un genou et retomba mort.
– Ah! bourreau! hurla Mercandon, tu nous égorges pour nous voler les cent nobles à la rose que tu nous dois.
– Ma foi non, dit Coconnas, et la preuve… En disant ces mots, Coconnas jeta aux pieds du vieillard la bourse qu’avant son départ son père lui avait remise pour acquitter sa dette avec son créancier.
– Et la preuve, continua-t-il, c’est que voilà votre argent.
– Et toi, voici ta mort! cria la mère de la fenêtre.
– Prenez garde, monsieur de Coconnas, prenez garde, dit la dame de l’hôtel de Guise.
Mais avant que Coconnas eût pu tourner la tête pour se rendre à ce dernier avis ou pour se soustraire à la première menace, une masse pesante fendit l’air en sifflant, s’abattit à plat sur le chapeau du Piémontais, lui brisa son épée dans la main et le coucha sur le pavé, surpris, étourdi, assommé, sans qu’il eût pu entendre le double cri de joie et de détresse qui se répandit de droite et de gauche.
Mercandon s’élança aussitôt, le poignard à la main, sur Coconnas évanoui. Mais en ce moment la porte de l’hôtel de Guise s’ouvrit, et le vieillard, voyant luire les pertuisanes et les épées, s’enfuit; tandis que celle qu’il avait appelée madame la duchesse, belle d’une beauté terrible à la lueur de l’incendie, éblouissante de pierreries et de diamants, se penchait, à moitié hors de la fenêtre, pour crier aux nouveaux venus, le bras tendu vers Coconnas: