La Reine Margot Tome I
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Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
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Et tandis que les gens de l’hôtel de Guise enfonçaient les portes de la maison où était de Mouy; tandis que Maurevel, un flambeau à la main, essayait d’incendier la maison; tandis que, les portes une fois brisées, un combat terrible s’engageait contre un seul homme qui, à chaque coup de rapière, abattait son ennemi, Coconnas essayait, à l’aide d’un pavé, d’enfoncer la porte de Mercandon, qui, sans s’inquiéter de cet effort solitaire, arquebusait de son mieux à sa fenêtre.
Alors tout ce quartier désert et obscur se trouva illuminé comme en plein jour, peuplé comme l’intérieur d’une fourmilière; car, de l’hôtel de Montmorency, six ou huit gentilshommes huguenots, avec leurs serviteurs et leurs amis, venaient de faire une charge furieuse et commençaient, soutenus par le feu des fenêtres, à faire reculer les gens de Maurevel et ceux de l’hôtel de Guise, qu’ils finirent par acculer à l’hôtel d’où ils étaient sortis.
Coconnas, qui n’avait point encore achevé d’enfoncer la porte de Mercandon quoiqu’il s’escrimât de tout son cœur, fut pris dans ce brusque refoulement. S’adossant alors à la muraille et mettant l’épée à la main, il commença non seulement à se défendre, mais encore à attaquer avec des cris si terribles, qu’il dominait toute cette mêlée. Il ferrailla ainsi de droite et de gauche, frappant amis et ennemis, jusqu’à ce qu’un large vide se fût opéré autour de lui. À mesure que sa rapière trouait une poitrine et que le sang tiède éclaboussait ses mains et son visage, lui, l’œil dilaté, les narines ouvertes, les dents serrées, regagnait le terrain perdu et se rapprochait de la maison assiégée.
de Mouy, après un combat terrible livré dans l’escalier et le vestibule, avait fini par sortir en véritable héros de sa maison brûlante. Au milieu de toute cette lutte, il n’avait pas cessé de crier: À moi, Maurevel! Maurevel, où es-tu? l’insultant par les épithètes les plus injurieuses. Il apparut enfin dans la rue, soutenant d’un bras sa maîtresse, à moitié nue et presque évanouie, et tenant un poignard entre ses dents. Son épée, flamboyante par le mouvement de rotation qu’il lui imprimait, traçait des cercles blancs ou rouges, selon que la lune en argentait la lame ou qu’un flambeau en faisait reluire l’humidité sanglante. Maurevel avait fui. La Hurière, repoussé par de Mouy jusqu’à Coconnas, qui ne le reconnaissait pas et le recevait à la pointe de son épée, demandait grâce des deux côtés. En ce moment, Mercandon l’aperçut, le reconnut à son écharpe blanche pour un massacreur.
Le coup partit. La Hurière jeta un cri, étendit les bras, laissa échapper son arquebuse, et, après avoir essayé de gagner la muraille pour se retenir à quelque chose, tomba la face contre terre.
de Mouy profita de cette circonstance, se jeta dans la rue de Paradis et disparut.
La résistance des huguenots avait été telle, que les gens de l’hôtel de Guise, repoussés, étaient rentrés et avaient fermé les portes de l’hôtel, dans la crainte d’être assiégés et pris chez eux.
Coconnas, ivre de sang et de bruit, arrivé à cette exaltation où, pour les gens du Midi surtout, le courage se change en folie, n’avait rien vu, rien entendu. Il remarqua seulement que ses oreilles tintaient moins fort, que ses mains et son visage se séchaient un peu, et, abaissant la pointe de son épée, il ne vit plus près de lui qu’un homme couché, la face noyée dans un ruisseau rouge, et autour de lui que maisons qui brûlaient.
Ce fut une bien courte trêve, car au moment où il allait s’approcher de cet homme, qu’il croyait reconnaître pour La Hurière, la porte de la maison qu’il avait vainement essayé de briser à coups de pavés s’ouvrit, et le vieux Mercandon, suivi de son fils et de ses deux neveux, fondit sur le Piémontais, occupé à reprendre haleine.
– Le voilà! le voilà! s’écrièrent-ils tout d’une voix. Coconnas se trouvait au milieu de la rue, et, craignant d’être entouré par ces quatre hommes qui l’attaquaient à la fois, il fit, avec la vigueur d’un de ces chamois qu’il avait si souvent poursuivis dans les montagnes, un bond en arrière, et se trouva adossé à la muraille de l’hôtel de Guise. Une fois tranquillisé sur les surprises, il se remit en garde et redevint railleur.
– Ah! ah! père Mercandon! dit-il, vous ne me reconnaissez pas?
– Oh! misérable! s’écria le vieux huguenot, je te reconnais bien, au contraire; tu m’en veux! à moi, l’ami, le compagnon de ton père?
– Et son créancier, n’est-ce pas?
– Oui, son créancier, puisque c’est toi qui le dis.
– Eh bien, justement, répondit Coconnas, je viens régler nos comptes.
– Saisissons-le, lions-le, dit le vieillard aux jeunes gens qui l’accompagnaient, et qui à sa voix s’élancèrent contre la muraille.
– Un instant, un instant, dit en riant Coconnas. Pour arrêter les gens il vous faut une prise de corps et vous avez négligé de la demander au prévôt.
Et à ces paroles il engagea l’épée avec celui des jeunes gens qui se trouvait le plus proche de lui, et au premier dégagement lui abattit le poignet avec sa rapière. Le malheureux se recula en hurlant.
– Et d’un! dit Coconnas. Au même instant, la fenêtre sous laquelle Coconnas avait cherché un abri s’ouvrit en grinçant. Coconnas fit un soubresaut, craignant une attaque de ce côté; mais, au lieu d’un ennemi, ce fut une femme qu’il aperçut; au lieu de l’arme meurtrière qu’il s’apprêtait à combattre, ce fut un bouquet qui tomba à ses pieds.
– Tiens! une femme! dit-il.
Il salua la dame de son épée et se baissa pour ramasser le bouquet.
– Prenez garde, brave catholique, prenez garde, s’écria la dame.
Coconnas se releva, mais pas si rapidement que le poignard du second neveu ne fendît son manteau et n’entamât l’autre épaule.
La dame jeta un cri perçant.
Coconnas la remercia et la rassura d’un même geste, s’élança sur le second neveu, qui rompit; mais au second appel son pied de derrière glissa dans le sang. Coconnas s’élança sur lui avec la rapidité du chat-tigre, et lui traversa la poitrine de son épée.
– Bien, bien, brave cavalier! cria la dame de l’hôtel de Guise, bien! je vous envoie du secours.
– Ce n’est point la peine de vous déranger pour cela, madame! dit Coconnas. Regardez plutôt jusqu’au bout, si la chose vous intéresse, et vous allez voir comment le comte Annibal de Coconnas accommode les huguenots.
En ce moment le fils du vieux Mercandon tira presque à bout portant un coup de pistolet à Coconnas, qui tomba sur un genou.
La dame de la fenêtre poussa un cri, mais Coconnas se releva; il ne s’était agenouillé que pour éviter la balle, qui alla trouver le mur à deux pieds de la belle spectatrice.
Presque en même temps, de la fenêtre du logis de Mercandon partit un cri de rage, et une vieille femme, qui à sa croix et à son écharpe blanche reconnut Coconnas pour un catholique, lui lança un pot de fleurs qui l’atteignit au dessus du genou.