Le Chevalier De Maison-Rouge
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Un des livres consacr?s par Dumas ? la R?volution Fran?aise. L'action se passe en 1793. Le jacobin Maurice Lindey, officier dans la garde civique, sauve des investigations d'une patrouille une jeune et belle inconnue, qui garde l'anonymat. Prisonni?re au Temple, o? r?gne le cordonnier Simon, ge?lier du dauphin, Marie-Antoinette re?oit un billet lui annon?ant que le chevalier de Maison-Rouge pr?pare son enl?vement…
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– Moi? fit Geneviève en tressaillant.
– Oui, vous; dites-lui que c’est vous qui avez ouvert la lettre et que vous désirez en avoir l’explication; il viendra, vous l’interrogerez et vous devinerez très facilement alors de quoi il est question.
– Oh! non, certes, s’écria Geneviève, je ne puis faire ce que vous dites; je ne le ferai pas.
– Chère Geneviève, quand des intérêts aussi puissants que ceux qui reposent sur nous sont en jeu, comment reculez-vous devant de misérables considérations d’amour-propre?
– Je vous ai dit mon opinion sur Maurice, monsieur, répondit Geneviève; il est honnête, il est chevaleresque, mais il est capricieux, et je ne veux pas subir d’autre servitude que celle de mon mari.
Cette réponse fut faite à la fois avec tant de calme et de fermeté, que Dixmer comprit qu’insister, en ce moment du moins, serait chose inutile; il n’ajouta pas un seul mot, regarda Geneviève sans paraître la regarder, passa sa main sur son front humide de sueur et sortit.
Morand l’attendait avec inquiétude. Dixmer lui raconta mot pour mot ce qui venait de se passer.
– Bien, répondit Morand, restons-en donc là et n’y pensons plus. Plutôt que de causer une ombre de souci à votre femme, plutôt que de blesser l’amour-propre de Geneviève, je renoncerais…
Dixmer lui posa la main sur l’épaule.
– Vous êtes fou, monsieur, lui dit-il en le regardant fixement, ou vous ne pensez pas un mot de ce que vous dites.
– Comment, Dixmer, vous croyez!…
– Je crois, chevalier, que vous n’êtes pas plus maître que moi de laisser aller vos sentiments à l’impulsion de votre cœur. Ni vous, ni moi, ni Geneviève ne nous appartenons, Morand. Nous sommes des choses appelées à défendre un principe, et les principes s’appuient sur les choses, qu’ils écrasent.
Morand tressaillit et garda le silence, un silence rêveur et douloureux.
Ils firent ainsi quelques tours dans le jardin sans échanger une seule parole.
Puis Dixmer quitta Morand.
– J’ai quelques ordres à donner, dit-il d’une voix parfaitement calme. Je vous quitte, monsieur Morand.
Morand tendit la main à Dixmer et le regarda s’éloigner.
– Pauvre Dixmer, dit-il, j’ai bien peur que, dans tout cela, ce ne soit lui qui risque le plus.
Dixmer rentra effectivement dans son atelier, donna quelques ordres, relut les journaux, ordonna une distribution de pain et de mottes aux pauvres de la section, et, rentrant chez lui, quitta son costume de travail pour ses vêtements de sortie.
Une heure après, Maurice, au plus fort de ses lectures et de ses allocutions, fut interrompu par la voix de son officieux, qui, se penchant à son oreille, lui disait tout bas:
– Citoyen Lindey, quelqu’un qui, à ce qu’il prétend du moins, a des choses très importantes à vous dire, vous attend chez vous.
Maurice rentra et fut fort étonné, en rentrant, de trouver Dixmer installé chez lui, et feuilletant les journaux. En revenant, il avait, tout le long de la route, interrogé son domestique, lequel, ne connaissant point le maître tanneur, n’avait pu lui donner aucun renseignement.
En apercevant Dixmer, Maurice s’arrêta sur le seuil de la porte et rougit malgré lui.
Dixmer se leva et lui tendit la main en souriant.
– Quelle mouche vous pique et que m’avez-vous écrit? demanda-t-il au jeune homme. En vérité, c’est me frapper sensiblement, mon cher Maurice. Moi, tiède et faux patriote, m’écrivez-vous? Allons donc, vous ne pouvez pas me redire de pareilles accusations en face; avouez bien plutôt que vous me cherchez une mauvaise querelle.
– J’avouerai tout ce que vous voudrez, mon cher Dixmer, car vos procédés ont toujours été pour moi ceux d’un galant homme; mais je n’ai pas moins pris une résolution, et cette résolution est irrévocable…
– Comment cela? demanda Dixmer; de votre propre aveu vous n’avez rien à nous reprocher, et vous nous quittez cependant?
– Cher Dixmer, croyez que pour agir comme je le fais, que pour me priver d’un ami comme vous, il faut que j’aie de bien fortes raisons.
– Oui; mais, en tout cas, reprit Dixmer en affectant de sourire, ces raisons ne sont point celles que vous m’avez écrites. Celles que vous m’avez écrites ne sont qu’un prétexte.
Maurice réfléchit un instant.
– Écoutez, Dixmer, dit-il, nous vivons dans une époque où le doute émis dans une lettre peut et doit vous tourmenter, je le comprends; il ne serait donc point d’un homme d’honneur de vous laisser sous le poids d’une pareille inquiétude. Oui, Dixmer, les raisons que je vous ai données n’étaient qu’un prétexte.
Cet aveu, qui aurait dû éclaircir le front du commerçant, sembla au contraire l’assombrir.
– Mais enfin, le véritable motif? dit Dixmer.
– Je ne puis vous le dire, répliqua Maurice; et cependant, si vous le connaissiez, vous l’approuveriez, j’en suis sûr.
Dixmer le pressa.
– Vous le voulez absolument? dit Maurice.
– Oui, répondit Dixmer.
– Eh bien, répondit Maurice, qui éprouvait un certain soulagement à se rapprocher de la vérité, voici ce que c’est: vous avez une femme jeune et belle, et la chasteté, cependant bien connue, de cette femme jeune et belle, n’a pu faire que mes visites chez vous n’aient été mal interprétées.
Dixmer pâlit légèrement.
– Vraiment? dit-il. Alors, mon cher Maurice, l’époux vous doit remercier du mal que vous faites à l’ami.
– Vous comprenez, dit Maurice, que je n’ai pas la fatuité de croire que ma présence puisse être dangereuse pour votre repos ou celui de votre femme, mais elle peut être une source de calomnies, et, vous le savez, plus les calomnies sont absurdes, plus facilement on les croit.
– Enfant! dit Dixmer en haussant les épaules.
– Enfant, tant que vous voudrez, répondit Maurice; mais de loin nous n’en serons pas moins bons amis, car nous n’aurons rien à nous reprocher; tandis que de près, au contraire…
– Eh bien, de près?
– Les choses auraient pu finir par s’envenimer.
– Pensez-vous, Maurice, que j’aurais pu croire…?
– Eh! mon Dieu! fit le jeune homme.
– Mais pourquoi m’avez-vous écrit cela plutôt que de me le dire, Maurice?
– Tenez, justement pour éviter ce qui se passe entre nous en ce moment.
– Êtes-vous donc fâché, Maurice, que je vous aime assez pour être venu vous demander une explication? fit Dixmer.