Le Chevalier De Maison-Rouge
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Un des livres consacr?s par Dumas ? la R?volution Fran?aise. L'action se passe en 1793. Le jacobin Maurice Lindey, officier dans la garde civique, sauve des investigations d'une patrouille une jeune et belle inconnue, qui garde l'anonymat. Prisonni?re au Temple, o? r?gne le cordonnier Simon, ge?lier du dauphin, Marie-Antoinette re?oit un billet lui annon?ant que le chevalier de Maison-Rouge pr?pare son enl?vement…
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– Oui, répondit sans hésitation Morand.
– N’importe! reprit celui qui avait été pour les moyens extrêmes, nous avons, vous le voyez bien mal fait de ne pas le tuer.
– Mon ami, dit Morand, nous luttons contre la violence; nous la flétrissons du nom de crime. Nous avons bien fait, quelque chose qui puisse en résulter, de ne point assassiner un homme; puis, je le répète, je crois Maurice un cœur noble et honnête.
– Oui, mais si ce cœur noble et honnête est celui d’un républicain exalté, peut-être lui-même regarderait-il comme un crime, s’il a surpris quelque chose, de ne pas immoler son propre honneur, comme ils disent, sur l’autel de la patrie.
– Mais, dit Morand, croyez-vous qu’il sache quelque chose?
– Eh! n’entendez-vous point? Il parle de secrets qui resteront ensevelis dans son cœur.
– Ces secrets sont évidemment ceux qui lui ont été confiés par moi, relativement à notre contrebande; il n’en connaît pas d’autres.
– Mais, dit Morand, de cette entrevue d’Auteuil n’a-t-il rien soupçonné? Vous savez qu’il accompagnait votre femme?
– C’est moi-même qui ai dit à Geneviève de prendre Maurice avec elle pour la sauvegarder.
– Écoutez, dit Morand, nous verrons bien si ces soupçons sont vrais. Le tour de garde de notre bataillon arrive au Temple le 2 juin, c’est-à-dire dans huit jours; vous êtes capitaine, Dixmer, et moi, je suis lieutenant: si notre bataillon ou notre compagnie même reçoit contrordre, comme l’a reçu l’autre jour le bataillon de la Butte-des -Moulins, que Santerre a remplacé par celui des Gravilliers, tout est découvert, et nous n’avons plus qu’à fuir Paris ou à mourir en combattant. Mais si tout suit le cours des choses…
– Nous sommes perdus de la même façon, répliqua Dixmer.
– Pourquoi cela?
– Pardieu! tout ne roulait-il pas sur la coopération de ce municipal? N’était-ce pas lui qui, sans le savoir, nous devait ouvrir un chemin jusqu’à la reine?
– C’est vrai, dit Morand abattu.
– Vous voyez donc, reprit Dixmer en fronçant le sourcil, qu’à tout prix il nous faut renouer avec ce jeune homme.
– Mais, s’il s’y refuse, s’il craint de se compromettre? dit Morand.
– Écoutez, dit Dixmer, je vais interroger Geneviève; c’est elle qui l’a quitté la dernière, elle saura peut-être quelque chose.
– Dixmer, dit Morand, je vous vois avec peine mêler Geneviève à tous nos complots; non pas que je craigne une indiscrétion de sa part, ô grand Dieu! Mais la partie que nous jouons est terrible, et j’ai honte et pitié à la fois de mettre dans notre enjeu la tête d’une femme.
– La tête d’une femme, répondit Dixmer, pèse le même poids que celle d’un homme, là où la ruse, la candeur ou la beauté peuvent faire autant et quelquefois même plus que la force, la puissance et le courage; Geneviève partage nos convictions et nos sympathies, Geneviève partagera notre sort.
– Faites donc, cher ami, répondit Morand; j’ai dit ce que je devais dire. Faites: Geneviève est digne en tous points de la mission que vous lui donnez ou plutôt qu’elle s’est donnée elle-même. C’est avec les saintes qu’on fait les martyrs.
Et il tendit sa main blanche et efféminée à Dixmer, qui la serra entre ses mains vigoureuses.
Puis Dixmer, recommandant à Morand et à ses compagnons une surveillance plus grande que jamais, passa chez Geneviève.
Elle était assise devant une table, l’œil attaché sur une broderie et le front baissé.
Elle se retourna au bruit de la porte qui s’ouvrait et reconnut Dixmer.
– Ah! c’est vous, mon ami? dit-elle.
– Oui, répondit Dixmer avec un visage placide et souriant; je reçois de notre ami Maurice une lettre à laquelle je ne comprends rien. Tenez, lisez-la donc, et dites-moi ce que vous en pensez.
Geneviève prit la lettre d’une main dont, malgré toute sa puissance sur elle-même, elle ne pouvait dissimuler le tremblement, et lut.
Dixmer suivit des yeux; ses yeux parcouraient chaque ligne.
– Eh bien? dit-il quand elle eut fini.
– Eh bien, je pense que M. Maurice Lindey est un honnête homme, répondit Geneviève avec le plus grand calme, et qu’il n’y a rien à craindre de son côté.
– Vous croyez qu’il ignore quelles sont les personnes que vous avez été visiter à Auteuil?
– J’en suis sûre.
– Pourquoi donc cette brusque détermination? Vous a-t-il paru hier ou plus froid ou plus ému que d’habitude?
– Non, dit Geneviève; je crois qu’il était le même.
– Songez bien à ce que vous me répondez là, Geneviève; car votre réponse, vous devez le comprendre, va avoir sur tous nos projets une grave influence.
– Attendez donc, dit Geneviève avec une émotion qui perçait à travers tous les efforts qu’elle faisait pour conserver sa froideur; attendez donc…
– Bien! dit Dixmer avec une légère contraction des muscles de son visage; bien, rappelez-vous tous vos souvenirs, Geneviève.
– Oui, reprit la jeune femme, oui, je me rappelle; hier il était maussade; M. Maurice est un peu tyran dans ses amitiés… et nous avons quelquefois boudé des semaines entières.
– Ce serait donc une simple bouderie? demanda Dixmer.
– C’est probable.
– Geneviève, dans notre position, comprenez cela, ce n’est pas une probabilité qu’il nous faut, c’est une certitude.
– Eh bien, mon ami… j’en suis certaine.
– Cette lettre alors ne serait qu’un prétexte pour ne point revenir à la maison?
– Mon ami, comment voulez-vous que je vous dise de pareilles choses?
– Dites, Geneviève, répondit Dixmer, car à toute autre femme que vous je ne les demanderais pas.
– C’est un prétexte, dit Geneviève en baissant les yeux.
– Ah! fit Dixmer.
Puis, après un moment de silence, retirant de son gilet et appuyant sur le dossier de la chaise de sa femme une main avec laquelle il venait de comprimer les battements de son cœur:
– Rendez-moi un service, chère amie, fit Dixmer.
– Et lequel? demanda Geneviève en se retournant étonnée.
– Prévenez jusqu’à l’ombre d’un danger; Maurice est peut-être plus avant dans nos secrets que nous ne le soupçonnons. Ce que vous croyez un prétexte est peut-être une réalité. Écrivez-lui un mot.