Les Enfants Du Capitaine Grant
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Lord et Lady Glenarvan, ainsi que le g?ographe Paganel, aident Mary et Robert Grant ? retrouver leur p?re qui a fait naufrage sur une ?le dont on ne connait que la latitude, ce qui les am?ne ? traverser l'Am?rique du sud, puis l'Australie o? un bagnard ?vad?, Ayrton, tente de s'emparer du yacht de Glenarvan, et enfin l'Oc?anie o?, apr?s avoir ?chapp? aux anthropophages, il retrouveront enfin la trace de leur p?re…
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«Les péripéties, les dangers, les souffrances de ce voyage, nous ne les connaissons pas exactement, car les notes manquent au carnet des explorateurs. Mais cela a dû être terrible.
«En effet, au mois d’avril, arrivés dans la vallée de Cooper, ils n’étaient plus que trois. Gray venait de succomber à la peine. Quatre chameaux avaient péri. Cependant, si Burke parvient à gagner le fort Wills, où l’attend Brahe avec son dépôt de provisions, ses compagnons et lui sont sauvés. Ils redoublent d’énergie; ils se traînent pendant quelques jours encore; le 21 avril, ils aperçoivent les palissades du fort, ils l’atteignent!… Ce jour-là, après cinq mois d’une vaine attente, Brahe était parti.
– Parti! s’écria le jeune Robert.
– Oui, parti! Le jour même, par une déplorable fatalité! La note laissée par Brahe n’avait pas sept heures de date! Burke ne pouvait songer à le rejoindre. Les malheureux abandonnés se refirent un peu avec les provisions du dépôt. Mais les moyens de transport leur manquaient, et cent cinquante lieues les séparaient encore du Darling.
«C’est alors que Burke, contrairement à l’opinion de Wills, songe à gagner les établissements australiens, situés près du mont Hopeless, à soixante lieues du fort Wills. On se met en route.
«Des deux chameaux qui restent, l’un périt dans un affluent fangeux du Cooper’s-creek; l’autre ne peut plus faire un pas, il faut l’abattre, et se nourrir de sa chair. Bientôt les vivres sont dévorés.
«Les trois infortunés sont réduits à se nourrir de «nardou», plante aquatique dont les sporules sont comestibles. Faute d’eau, faute de moyens pour la transporter, ils ne peuvent s’éloigner des rives du Cooper. Un incendie brûle leur cabane et leurs effets de campement. Ils sont perdus! Ils n’ont plus qu’à mourir!
«Burke appela King près de lui: «je n’ai plus que quelques heures à vivre, lui dit-il; voilà ma montre et mes notes. Quand je serai mort, je désire que vous placiez un pistolet dans ma main droite, et que vous me laissiez tel que je serai, sans me mettre en terre!», cela dit, Burke ne parla plus, et il expira le lendemain matin à huit heures.
«King, épouvanté, éperdu, alla à la recherche d’une tribu australienne. Lorsqu’il revint, Wills venait de succomber aussi. Quant à King, il fut recueilli par des indigènes et, au mois de septembre, retrouvé par l’expédition de M Howitt, envoyée à la recherche de Burke en même temps que Mac Kinlay et Landsborough. Ainsi donc, des quatre explorateurs, un seul survécut à cette traversée du continent australien.»
Le récit de Paganel avait laissé une impression douloureuse dans l’esprit de ses auditeurs. Chacun songeait au capitaine Grant, qui errait peut-être comme Burke et les siens au milieu de ce continent funeste. Les naufragés avaient-ils échappé aux souffrances qui décimèrent ces hardis pionniers? Ce rapprochement fut si naturel, que les larmes vinrent aux yeux de Mary Grant.
«Mon père! Mon pauvre père! Murmura-t-elle.
– Miss Mary! Miss Mary! s’écria John Mangles, pour endurer de tels maux, il faut affronter les contrées de l’intérieur! Le capitaine Grant, lui, est entre les mains des indigènes, comme King, et, comme King, il sera sauvé! Il ne s’est jamais trouvé dans d’aussi mauvaises conditions!
– Jamais, ajouta Paganel, et je vous le répète, ma chère miss, les australiens sont hospitaliers.
– Dieu vous entende! répondit la jeune fille.
– Et Stuart? demanda Glenarvan, qui voulait détourner le cours de ces tristes pensées.
– Stuart? répondit Paganel. Oh! Stuart a été plus heureux, et son nom est célèbre dans les annales australiennes. Dès l’année 1848, John Mac Douall Stuart, votre compatriote, mes amis, préludait à ses voyages, en accompagnant Sturt dans les déserts situés au nord d’Adélaïde. En 1860, suivi de deux hommes seulement, il tenta, mais en vain, de pénétrer dans l’intérieur de l’Australie. Ce n’était pas un homme à se décourager. En 1861, le 1er janvier, il quitta le Chambers-Creek, à la tête de onze compagnons déterminés, et ne s’arrêta qu’à soixante lieues du golfe de Carpentarie; mais, les provisions manquant, il dut revenir à Adélaïde sans avoir traversé le redoutable continent. Cependant, il osa tenter encore la fortune, et organiser une troisième expédition qui, cette fois, devait atteindre le but si ardemment désiré.
«Le parlement de l’Australie méridionale patronna chaudement cette nouvelle exploration, et vota un subside de deux mille livres sterling. Stuart prit toutes les précautions que lui suggéra son expérience de pionnier. Ses amis, Waterhouse le naturaliste, Thring, Kekwick, ses anciens compagnons, Woodforde, Auld, dix en tout, se joignirent à lui. Il emporta vingt outres de cuir d’Amérique, pouvant contenir sept gallons chacune, et, le 5 avril 1862, l’expédition se trouvait réunie au bassin de Newcastle-Water, au delà du dix-huitième degré de latitude, à ce point même que Stuart n’avait pu dépasser. La ligne de son itinéraire suivait à peu près le cent trente et unième méridien, et, par conséquent, faisait un écart de sept degrés à l’ouest de celui de Burke.
«Le bassin de Newcastle-Water devait être la base des explorations nouvelles. Stuart, entouré de bois épais, essaya vainement de passer au nord et au nord-est. Même insuccès pour gagner à l’ouest la rivière de Victoria; d’impénétrables buissons fermaient toute issue.
«Stuart résolut alors de changer son campement, et il parvint à le transporter un peu plus au nord, dans les marais d’Hower. Alors, tendant vers l’est, il rencontra au milieu de plaines herbeuses le ruisseau Daily, qu’il remonta pendant une trentaine de milles.
«La contrée devenait magnifique; ses pâturages eussent fait la joie et la fortune d’un squatter; les eucalyptus y poussaient à une prodigieuse hauteur. Stuart, émerveillé, continua de se porter en avant; il atteignit les rives de la rivière Strangway et du Roper’s-Creek découvert par Leichardt; leurs eaux coulaient au milieu de palmiers dignes de cette région tropicale; là vivaient des tribus d’indigènes qui firent bon accueil aux explorateurs.
«De ce point, l’expédition inclina vers le nord-nord-ouest, cherchant à travers un terrain couvert de grès et de roches ferrugineuses les sources de la rivière Adélaïde, qui se jette dans le golfe de Van-Diemen. Elle traversait alors la terre d’Arnhem, au milieu des choux-palmistes, des bambous, des pins et des pendanus. L’Adélaïde s’élargissait; ses rives devenaient marécageuses; la mer était proche.
«Le mardi, 22 juillet, Stuart campa dans les marais de Fresh-Water, très gêné par d’innombrables ruisseaux qui coupaient sa route. Il envoya trois de ses compagnons chercher des chemins praticables; le lendemain, tantôt tournant d’infranchissables criques, tantôt s’embourbant dans les terrains fangeux, il atteignit quelques plaines élevées et revêtues de gazon où croissaient des bouquets de gommiers et des arbres à écorce fibreuse; là volaient par bandes des oies, des ibis, des oiseaux aquatiques d’une sauvagerie extrême. D’indigènes, il y avait peu ou point. Seulement quelques fumées de campements lointains.
«Le 24 juillet, neuf mois après son départ d’Adélaïde, Stuart part à huit heures vingt minutes du matin dans la direction du nord; il veut atteindre la mer le jour même; le pays est légèrement élevé, parsemé de minerai de fer et de roches volcaniques; les arbres deviennent petits; ils prennent un air maritime; une large vallée alluvionnaire se présente, bordée au delà par un rideau d’arbustes. Stuart entend distinctement le bruit des vagues qui déferlent, mais il ne dit rien à ses compagnons. On pénètre dans un taillis obstrué de sarments de vigne sauvage.