Les Enfants Du Capitaine Grant
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Lord et Lady Glenarvan, ainsi que le g?ographe Paganel, aident Mary et Robert Grant ? retrouver leur p?re qui a fait naufrage sur une ?le dont on ne connait que la latitude, ce qui les am?ne ? traverser l'Am?rique du sud, puis l'Australie o? un bagnard ?vad?, Ayrton, tente de s'emparer du yacht de Glenarvan, et enfin l'Oc?anie o?, apr?s avoir ?chapp? aux anthropophages, il retrouveront enfin la trace de leur p?re…
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Cette impossibilité ne pouvait échapper à des esprits perspicaces. L’hypothèse de Paganel, plausible en Patagonie dans les provinces argentines, eût donc été illogique en Australie. Paganel le reconnut dans une discussion qui fut soulevée à ce sujet par le major Mac Nabbs. Il devint évident que les degrés relatés au document ne s’appliquaient qu’au lieu du naufrage, que par conséquent la bouteille avait été jetée à la mer à l’endroit où se brisa le Britannia, sur la côte occidentale de l’Australie.
Cependant, et comme le fit justement observer Glenarvan, cette interprétation définitive n’excluait pas l’hypothèse de la captivité du capitaine Grant. Celui-ci, d’ailleurs, le faisait pressentir dans son document par ces mots, dont il fallait tenir compte: où ils seront prisonniers de cruels indigènes. Mais il n’existait plus aucune raison pour rechercher les prisonniers sur le trente-septième parallèle plutôt que sur un autre.
Cette question, longtemps débattue, reçut ainsi sa solution définitive, et donna les conséquences suivantes: si des traces du Britannia ne se rencontraient pas au cap Bernouilli, lord Glenarvan n’avait plus qu’à revenir en Europe. Ses recherches auraient été infructueuses, mais il avait rempli son devoir courageusement et consciencieusement.
Cela ne laissa pas d’attrister particulièrement les passagers du yacht, et de désespérer Mary et Robert Grant. En se rendant au rivage avec lord et lady Glenarvan, John Mangles, Mac Nabbs et Paganel, les deux enfants du capitaine se disaient que la question du salut de leur père allait irrévocablement se décider. Irrévocablement, on peut le dire, car Paganel, dans une précédente discussion avait judicieusement démontré que les naufragés seraient rapatriés depuis longtemps déjà, si leur navire se fût brisé sur les écueils de la côte orientale.
«Espoir! Espoir! Toujours espoir! répétait lady Helena à la jeune fille, assise près d’elle dans l’embarcation qui les conduisait à terre. La main de Dieu ne nous abandonnera pas!
– Oui, miss Mary, dit le capitaine John, c’est au moment où les hommes ont épuisé les ressources humaines, que le ciel intervient, et, par quelque fait imprévu, leur ouvre des voies nouvelles.
– Dieu vous entende, Monsieur John!» répondit Mary Grant.
Le rivage n’était plus qu’à une encablure; il terminait par des pentes assez douces l’extrémité du cap qui s’avançait de deux milles en mer.
L’embarcation accosta dans une petite crique naturelle entre des bancs de corail en voie de formation, qui, le temps aidant, doivent former une ceinture de récifs à la partie sud de l’Australie.
Tels ils étaient déjà, tels ils suffisaient à détruire la coque d’un navire, et le Britannia pouvait s’être perdu là corps et biens.
Les passagers du Duncan débarquèrent sans difficulté sur un rivage absolument désert. Des falaises à bandes stratifiées formaient une ligne côtière haute de soixante à quatre-vingts pieds. Il eût été difficile d’escalader cette courtine naturelle sans échelles ni crampons. John Mangles, heureusement, découvrit fort à propos une brèche produite à un demi-mille au sud par un éboulement partiel de la falaise. La mer, sans doute, battait cette barrière de tuf friable pendant ses grandes colères d’équinoxe, et déterminait ainsi la chute des portions supérieures du massif.
Glenarvan et ses compagnons s’engagèrent dans la tranchée, et arrivèrent au sommet de la falaise par une pente assez raide. Robert, comme un jeune chat, grimpa un talus fort à pic, et arriva le premier à la crête supérieure, au désespoir de Paganel, humilié de voir ses grandes jambes de quarante ans vaincues par de petites jambes de douze ans. Cependant, il distança, et de loin, le paisible major, qui n’y tenait pas autrement.
La petite troupe, bientôt réunie, examina la plaine qui s’étendait sous ses regards. C’était un vaste terrain inculte avec des buissons et des broussailles, une contrée stérile, que Glenarvan compara aux glens des basses terres d’écosse, et Paganel aux landes infertiles de la Bretagne. Mais si cette contrée paraissait inhabitée le long de la côte, la présence de l’homme, non du sauvage, mais du travailleur, se révéla au loin par quelques constructions de bon augure.
«Un moulin!» s’écria Robert.
À trois milles, en effet, les ailes d’un moulin tournaient au vent.
«C’est bien un moulin, répondit Paganel, qui venait de braquer sa longue-vue sur l’objet en question. Voilà un petit monument aussi modeste qu’utile, dont la vue a le privilège d’enchanter mes regards.
– C’est presque un clocher, dit lady Helena.
– Oui, madame, et si l’un moud le pain du corps, l’autre moud le pain de l’âme. À ce point de vue ils se ressemblent encore.
– Allons au moulin», répliqua Glenarvan.
On se mit en route. Après une demi-heure de marche, le sol, travaillé par la main de l’homme, se montra sous un nouvel aspect. La transition de la contrée stérile à la campagne cultivée fut brusque. Au lieu de broussailles, des haies vives entouraient un enclos récemment défriché; quelques bœufs et une demi-douzaine de chevaux pâturaient dans des prairies entourées de robustes acacias pris dans les vastes pépinières de l’île Kanguroo. Peu à peu apparurent des champs couverts de céréales, quelques acres de terrains hérissés de blonds épis, des meules de foin dressées comme de grandes ruches, des vergers aux fraîches clôtures, un beau jardin digne d’Horace, où l’agréable se mêlait à l’utile, puis des hangars, des communs sagement distribués, enfin une habitation simple et confortable, que le joyeux moulin dominait avec son pignon aigu et caressait de l’ombre mobile de ses grandes ailes.
En ce moment, un homme d’une cinquantaine d’années, d’une physionomie prévenante, sortit de la maison principale, aux aboiements de quatre grands chiens qui annonçaient la venue des étrangers. Cinq beaux et forts garçons, ses fils, le suivirent avec leur mère, une grande et robuste femme. On ne pouvait s’y méprendre: cet homme, entouré de sa vaillante famille, au milieu de ces constructions encore neuves, dans cette campagne presque vierge, présentait le type accompli du colon irlandais qui, las des misères de son pays, est venu chercher la fortune et le bonheur au delà des mers.
Glenarvan et les siens ne s’étaient pas encore présentés, ils n’avaient eu le temps de décliner ni leurs noms, ni leurs qualités, que ces cordiales paroles les saluaient déjà:
«Étrangers, soyez les bienvenus dans la maison de Paddy O’Moore.
– Vous êtes irlandais? dit Glenarvan en prenant la main que lui offrait le colon.
– Je l’ai été, répondit Paddy O’Moore. Maintenant, je suis australien. Entrez, qui que vous soyez, messieurs, cette maison est la vôtre.»
Il n’y avait qu’à accepter sans cérémonie une invitation faite de si bonne grâce. Lady Helena et Mary Grant, conduites par mistress O’Moore, entrèrent dans l’habitation, pendant que les fils du colon débarrassaient les visiteurs de leurs armes.