Les Enfants Du Capitaine Grant
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Lord et Lady Glenarvan, ainsi que le g?ographe Paganel, aident Mary et Robert Grant ? retrouver leur p?re qui a fait naufrage sur une ?le dont on ne connait que la latitude, ce qui les am?ne ? traverser l'Am?rique du sud, puis l'Australie o? un bagnard ?vad?, Ayrton, tente de s'emparer du yacht de Glenarvan, et enfin l'Oc?anie o?, apr?s avoir ?chapp? aux anthropophages, il retrouveront enfin la trace de leur p?re…
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«Des phosphorescences? dit Glenarvan.
– Non, répondit Paganel, mais des insectes phosphorescents, de véritables lampyres, des diamants vivants et pas chers, dont les dames de Buenos-Ayres se font de magnifiques parures!
– Quoi! s’écria Robert, ce sont des insectes qui volent ainsi comme des étincelles?
– Oui, mon garçon.»
Robert s’empara d’un de ces brillants insectes.
Paganel ne s’était pas trompé. C’était une sorte de gros bourdon, long d’un pouce, auquel les indiens ont donné le nom de «tuco-tuco». Ce curieux coléoptère jetait des lueurs par deux taches situées en avant de son corselet, et sa lumière assez vive eût permis de lire dans l’obscurité. Paganel, approchant l’insecte de sa montre, put voir qu’elle marquait dix heures du soir.
Glenarvan, ayant rejoint le major et les trois marins, leur fit des recommandations pour la nuit.
Il fallait s’attendre à un violent orage. Après les premiers roulements du tonnerre, le vent se déchaînerait sans doute, et l’ombu serait fort secoué. Chacun fut donc invité à s’attacher fortement dans le lit de branches qui lui avait été dévolu. Si l’on ne pouvait éviter les eaux du ciel, au moins fallait-il se garer des eaux de la terre, et ne point tomber dans ce rapide courant qui se brisait au pied de l’arbre.
On se souhaita une bonne nuit sans trop l’espérer.
Puis, chacun se glissant dans sa couche aérienne, s’enveloppa de son poncho et attendit le sommeil.
Mais l’approche des grands phénomènes de la nature jette au cœur de tout être sensible une vague inquiétude, dont les plus forts ne sauraient se défendre. Les hôtes de l’ombu, agités, oppressés, ne purent clore leur paupière, et le premier coup de tonnerre les trouva tout éveillés. Il se produisit un peu avant onze heures sous la forme d’un roulement éloigné. Glenarvan gagna l’extrémité de la branche horizontale et hasarda sa tête hors du feuillage.
Le fond noir du soir était déjà scarifié d’incisions vives et brillantes que les eaux du lac réverbéraient avec netteté. La nue se déchirait en maint endroit, mais comme un tissu mou et cotonneux, sans bruit strident.
Glenarvan, après avoir observé le zénith et l’horizon qui se confondaient dans une égale obscurité, revint au sommet du tronc.
«Qu’en dites-vous, Glenarvan? demanda Paganel.
– Je dis que cela commence bien, mes amis, et si cela continue, l’orage sera terrible.
– Tant mieux, répondit l’enthousiaste Paganel, j’aime autant un beau spectacle, puisque je ne puis le fuir.
– Voilà encore une de vos théories qui va éclater, dit le major.
– Et l’une de mes meilleures, Mac Nabbs. Je suis de l’avis de Glenarvan, l’orage sera superbe. Tout à l’heure, pendant que j’essayais de dormir, plusieurs faits me sont revenus à la mémoire, qui me le font espérer, car nous sommes ici dans la région des grandes tempêtes électriques. J’ai lu quelque part, en effet, qu’en 1793, précisément dans la province de Buenos-Ayres, le tonnerre est tombé trente-sept fois pendant un seul orage. Mon collègue, M Martin De Moussy, a compté jusqu’à cinquante-cinq minutes de roulement non interrompu.
– Montre en main? dit le major.
– Montre en main. Une seule chose m’inquiéterait, ajouta Paganel, si l’inquiétude servait à éviter le danger, c’est que l’unique point culminant de cette plaine est précisément l’ombu où nous sommes. Un paratonnerre serait ici fort utile, car précisément cet arbre est, entre tous ceux de la pampa, celui que la foudre affectionne particulièrement. Et puis, vous ne l’ignorez pas, mes amis, les savants recommandent de ne point chercher refuge sous les arbres pendant l’orage.
– Bon, dit le major, voilà une recommandation qui vient à propos!
– Il faut avouer, Paganel, répondit Glenarvan, que vous choisissez bien le moment pour nous conter ces choses rassurantes!
– Bah! répliqua Paganel, tous les moments sont bons pour s’instruire. Ah! Cela commence!»
Des éclats de tonnerre plus violents interrompirent cette inopportune conversation; leur intensité croissait en gagnant des tons plus élevés; ils se rapprochaient et passaient du grave au médium, pour emprunter à la musique une très juste comparaison.
Bientôt ils devinrent stridents et firent vibrer avec de rapides oscillations les cordes atmosphériques. L’espace était en feu, et dans cet embrasement, on ne pouvait reconnaître à quelle étincelle électrique appartenaient ces roulements indéfiniment prolongés, qui se répercutaient d’écho en écho jusque dans les profondeurs du ciel.
Les éclairs incessants affectaient des formes variées. Quelques-uns, lancés perpendiculairement au sol, se répétaient cinq ou six fois à la même place. D’autres auraient excité au plus haut point la curiosité d’un savant, car si Arago, dans ses curieuses statistiques, n’a relevé que deux exemples d’éclairs fourchus, ils se reproduisaient ici par centaines. Quelques-uns, divisés en mille branches diverses, se débitaient sous l’aspect de zigzags coralliformes, et produisaient sur la voûte obscure des jeux étonnants de lumière arborescente.
Bientôt tout le ciel, de l’est au nord, fut sous-tendu par une bande phosphorique d’un éclat intense. Cet incendie gagna peu à peu l’horizon entier, enflammant les nuages comme un amas de matières combustibles, et, bientôt reflété par les eaux miroitantes, il forma une immense sphère de feu dont l’ombu occupait le point central.
Glenarvan et ses compagnons regardaient silencieusement ce terrifiant spectacle. Ils n’auraient pu se faire entendre. Des nappes de lumière blanche glissaient jusqu’à eux, et dans ces rapides éclats apparaissaient et disparaissaient vivement tantôt la figure calme du major, tantôt la face curieuse de Paganel ou les traits énergiques de Glenarvan, tantôt la tête effarée de Robert ou la physionomie insouciante des matelots animés subitement d’une vie spectrale.
Cependant, la pluie ne tombait pas encore, et le vent se taisait toujours. Mais bientôt les cataractes du ciel s’entr’ouvrirent, et des raies verticales se tendirent comme les fils d’un tisseur sur le fond noir du ciel. Ces larges gouttes d’eau, frappant la surface du lac, rejaillissaient en milliers d’étincelles illuminées par le feu des éclairs.
Cette pluie annonçait-elle la fin de l’orage?
Glenarvan et ses compagnons devaient-ils en être quittes pour quelques douches vigoureusement administrées? Non. Au plus fort de cette lutte des feux aériens, à l’extrémité de cette branche mère qui s’étendait horizontalement, apparut subitement un globe enflammé de la grosseur du poing et entouré d’une fumée noire. Cette boule, après avoir tourné sur elle-même pendant quelques secondes, éclata comme une bombe, et avec un bruit tel qu’il fut perceptible au milieu du fracas général. Une vapeur sulfureuse remplit l’atmosphère.