Vie De Jesus
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La religion naissante fut ainsi à beaucoup d'égards un mouvement de femmes et d'enfants. Ces derniers faisaient autour de Jésus comme une jeune garde pour l'inauguration de son innocente royauté, et lui décernaient de petites ovations auxquelles il se plaisait fort, l'appelant «fils de David,» criant Hosanna [539], et portant des palmes autour de lui. Jésus, comme Savonarole, les faisait peut-être servir d'instruments à des missions pieuses; il était bien aise de voir ces jeunes apôtres, qui ne le compromettaient pas, se lancer en avant et lui décerner des titres qu'il n'osait prendre lui-même. Il les laissait dire, et quand on lui demandait s'il entendait, il répondait d'une façon évasive que la louange qui sort de jeunes lèvres est la plus agréable à Dieu [540].
Il ne perdait aucune occasion de répéter que les petits sont des êtres sacrés [541], que le royaume de Dieu appartient aux enfants [542], qu'il faut devenir enfant pour y entrer [543], qu'on doit le recevoir en enfant [544], que le Père céleste cache ses secrets aux sages et les révèle aux petits [545]. L'idée de ses disciples se confond presque pour lui avec celle d'enfants [546]. Un jour qu'ils avaient entre eux une de ces querelles de préséance qui n'étaient point rares, Jésus prit un enfant, le mit au milieu d'eux, et leur dit: "Voilà le plus grand; celui qui est humble comme ce petit est le plus grand dans le royaume du ciel [547]."
C'était l'enfance, en effet, dans sa divine spontanéité, dans ses naïfs éblouissements de joie, qui prenait possession de la terre. Tous croyaient à chaque instant que le royaume tant désiré allait poindre. Chacun s'y voyait déjà assis sur un trône [548] à côté du maître. On s'y partageait les places [549]; on cherchait à supputer les jours. Cela s'appelait la «Bonne Nouvelle;» la doctrine n'avait pas d'autre nom. Un vieux mot, «paradis,» que l'hébreu, comme toutes les langues de l'Orient, avait emprunté à la Perse, et qui désigna d'abord les parcs des rois achéménides, résumait le rêve de tous: un jardin délicieux où l'on continuerait à jamais la vie charmante que l'on menait ici-bas [550]. Combien dura cet enivrement? On l'ignore. Nul, pendant le cours de cette magique apparition, ne mesura plus le temps qu'on ne mesure un rêve. La durée fut suspendue; une semaine fut comme un siècle. Mais qu'il ait rempli des années, ou des mois, le rêve fut si beau que l'humanité en a vécu depuis, et que notre consolation est encore d'en recueillir le parfum affaibli. Jamais tant de joie ne souleva la poitrine de l'homme. Un moment, dans cet effort, le plus vigoureux qu'elle ait fait pour s'élever au-dessus de sa planète, l'humanité oublia le poids de plomb qui l'attache à la terre, et les tristesses de la vie d'ici-bas. Heureux qui a pu voir de ses yeux cette éclosion divine, et partager, ne fût-ce qu'un jour, cette illusion sans pareille! Mais plus heureux encore, nous dirait Jésus, celui qui, dégagé de toute illusion, reproduirait en lui-même l'apparition céleste, et, sans rêve millénaire, sans paradis chimérique, sans signes dans le ciel, par la droiture de sa volonté et la poésie de son âme, saurait de nouveau créer en son cœur le vrai royaume de Dieu!
CHAPITRE XII. AMBASSADE DE JEAN PRISO NNIER VERS JÉ SUS.-MORT DE JEAN.-RAPPORTS DE SON ÉCOLE AVEC CELLE DE JÉSUS.
Pendant que la joyeuse Galilée célébrait dans les fêtes la venue du bien-aimé, le triste Jean, dans sa prison de Machéro, s'exténuait d'attente et de désirs. Les succès du jeune maître qu'il avait vu quelques mois auparavant à son école arrivèrent jusqu'à lui. On disait que le Messie prédit par les prophètes, celui qui devait rétablir le royaume d'Israël, était venu et démontrait sa présence en Galilée par des œuvres merveilleuses. Jean voulut s'enquérir de la vérité de ce bruit, et comme il communiquait librement avec ses disciples, il en choisit deux pour aller vers Jésus en Galilée [551].
Les deux disciples trouvèrent Jésus au comble de sa réputation. L'air de fête qui régnait autour de lui les surprit. Accoutumés aux jeûnes, à la prière obstinée, à une vie toute d'aspirations, ils s'étonnèrent de se voir tout à coup transportés au milieu des joies de la bienvenue [552]. Ils firent part à Jésus de leur message: «Es-tu celui qui doit venir? Devons-nous en attendre un autre?» Jésus, qui dès lors n'hésitait plus guère sur son propre rôle de messie, leur énuméra les œuvres qui devaient caractériser la venue du royaume de Dieu, la guérison des malades, la bonne nouvelle du salut prochain annoncée aux pauvres. Il faisait toutes ces œuvres. «Heureux donc, ajouta-t-il, celui qui ne doutera pas de moi!» On ignore si cette réponse trouva Jean-Baptiste vivant, ou dans quelle disposition elle mit l'austère ascète. Mourut-il consolé et sûr que celui qu'il avait annoncé vivait déjà, ou bien conserva-t-il des doutes sur la mission de Jésus? Rien ne nous l'apprend. En voyant cependant son école se continuer assez longtemps encore parallèlement aux églises chrétiennes, on est porté à croire que, malgré sa considération pour Jésus, Jean ne l'envisagea pas comme devant réaliser les promesses divines. La mort vint du reste trancher ses perplexités. L'indomptable liberté du solitaire devait couronner sa carrière inquiète et tourmentée par la seule fin qui fût digne d'elle.
Les dispositions indulgentes qu'Antipas avait d'abord montrées pour Jean ne purent être de longue durée. Dans les entretiens que, selon la tradition chrétienne, Jean aurait eus avec le tétrarque, il ne cessait de lui répéter que son mariage était illicite et qu'il devait renvoyer Hérodiade [553]. On s'imagine facilement la haine que la petite-fille d'Hérode le Grand dut concevoir contre ce conseiller importun. Elle n'attendait plus qu'une occasion pour le perdre.
Sa fille Salomé, née de son premier mariage, et comme elle ambitieuse et dissolue, entra dans ses desseins. Cette année (probablement l'an 30), Antipas se trouva, le jour anniversaire de sa naissance, à Machéro. Hérode le Grand avait fait construire dans l'intérieur de la forteresse un palais magnifique [554], où le tétrarque résidait fréquemment. Il y donna un grand festin, durant lequel Salomé exécuta une de ces danses de caractère qu'on ne considère pas en Syrie comme messéantes à une personne distinguée. Antipas charmé ayant demandé à la danseuse ce qu'elle désirait, celle-ci répondit, à l'instigation de sa mère: «La tête de Jean sur ce plateau [555].» Antipas fut mécontent; mais il ne voulut pas refuser. Un garde prit le plateau, alla couper la tête du prisonnier, et l'apporta [556].
