Vie De Jesus
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CHAPITRE X. PRÉDICATIONS DU LAC.
Tel était le groupe qui, sur les bords du lac de Tibériade, se pressait autour de Jésus. L'aristocratie y était représentée par un douanier et par la femme d'un régisseur. Le reste se composait de pêcheurs et de simples gens. Leur ignorance était extrême; ils avaient l'esprit faible, ils croyaient aux spectres et aux esprits [478]. Pas un élément de culture hellénique n'avait pénétré dans ce premier cénacle; l'instruction juive y était aussi fort incomplète; mais le cœur et la bonne volonté y débordaient. Le beau climat de la Galilée faisait de l'existence de ces honnêtes pêcheurs un perpétuel enchantement. Ils préludaient vraiment au royaume de Dieu, simples, bons, heureux, bercés doucement sur leur délicieuse petite mer, ou dormant le soir sur ses bords. On ne se figure pas l'enivrement d'une vie qui s'écoule ainsi à la face du ciel, la flamme douce et forte que donne ce perpétuel contact avec la nature, les songes de ces nuits passées à la clarté des étoiles, sous un dôme d'azur d'une profondeur sans fin. Ce fut durant une telle nuit que Jacob, la tête appuyée sur une pierre, vit dans les astres la promesse d'une postérité innombrable, et l'échelle mystérieuse par laquelle les Elohim allaient et venaient du ciel à la terre. A l'époque de Jésus, le ciel n'était pas fermé, ni la terre refroidie. La nue s'ouvrait encore sur le fils de l'homme; les anges montaient et descendaient sur sa tête [479]; les visions du royaume de Dieu étaient partout; car l'homme les portait en son cœur. L'œil clair et doux de ces âmes simples contemplait l'univers en sa source idéale; le monde dévoilait peut-être son secret à la conscience divinement lucide de ces enfants heureux, à qui la pureté de leur cœur mérita un jour de voir Dieu.
Jésus vivait avec ses disciples presque toujours en plein air. Tantôt, il montait dans une barque, et enseignait ses auditeurs pressés sur le rivage [480]. Tantôt, il s'asseyait sur les montagnes qui bordent le lac, où l'air est si pur et l'horizon si lumineux. La troupe fidèle allait ainsi, gaie et vagabonde, recueillant les inspirations du maître dans leur première fleur. Un doute naïf s'élevait parfois, une question doucement sceptique: Jésus, d'un sourire ou d'un regard, faisait taire l'objection. A chaque pas, dans le nuage qui passait, le grain qui germait, l'épi qui jaunissait, on voyait le signe du royaume près de venir; on se croyait à la veille de voir Dieu, d'être les maîtres du monde; les pleurs se tournaient en joie; c'était l'avènement sur terre de l'universelle consolation:
«Heureux, disait le maître, les pauvres en esprit; car c'est à eux qu'appartient le royaume des cieux!
Heureux ceux qui pleurent; car ils seront consolés!
Heureux les débonnaires; car ils posséderont la terre!
Heureux ceux qui ont faim et soif de justice; car ils seront rassasiés!
Heureux les miséricordieux; car ils obtiendront miséricorde!
Heureux ceux qui ont le cœur pur; car ils verront Dieu!
Heureux les pacifiques; car ils seront appelés enfants de Dieu!
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice; car le royaume des cieux est à eux! [481]»
Sa prédication était suave et douce, toute pleine de la nature et du parfum des champs. Il aimait les fleurs et en prenait ses leçons les plus charmantes. Les oiseaux du ciel, la mer, les montagnes, les jeux des enfants, passaient tour à tour dans ses enseignements. Son style n'avait rien de la période grecque, mais se rapprochait beaucoup plus du tour des parabolistes hébreux, et surtout des sentences des docteurs juifs, ses contemporains, telles que nous les lisons dans le Pirké Aboth. Ses développements avaient peu d'étendue, et formaient des espèces de surates à la façon du Coran, lesquelles cousues ensemble ont composé plus tard ces longs discours qui furent écrits par Matthieu [482]. Nulle transition ne liait ces pièces diverses; d'ordinaire cependant une même inspiration les pénétrait et en faisait l'unité. C'est surtout dans la parabole que le maître excellait. Rien dans le judaïsme ne lui avait donné le modèle de ce genre délicieux [483]. C'est lui qui l'a créé. Il est vrai qu'on trouve dans les livres bouddhiques des paraboles exactement du même ton et de la même facture que les paraboles évangéliques [484]. Mais il est difficile d'admettre qu'une influence bouddhique se soit exercée en ceci. L'esprit de mansuétude et la profondeur de sentiment qui animèrent également le christianisme naissant et le bouddhisme, suffisent peut-être pour expliquer ces analogies.
Une totale indifférence pour la vie extérieure et pour le vain appareil de «confortable» dont nos tristes pays nous font une nécessité, était la conséquence de la vie simple et douce qu'on menait en Galilée. Les climats froids, en obligeant l'homme a une lutte perpétuelle contre le dehors, font attacher beaucoup de prix aux recherches du bien-être et du luxe. Au contraire, les pays qui éveillent des besoins peu nombreux sont les pays de l'idéalisme et de la poésie. Les accessoires de la vie y sont insignifiants auprès du plaisir de vivre. L'embellissement de la maison y est superflu; on se tient le moins possible enfermé. L'alimentation forte et régulière des climats peu généreux passerait pour pesante et désagréable. Et quant au luxe des vêtements, comment rivaliser avec celui que Dieu a donné à la terre et aux oiseaux du ciel? Le travail, dans ces sortes de climats, paraît inutile; ce qu'il donne ne vaut pas ce qu'il coûte. Les animaux des champs sont mieux vêtus que l'homme le plus opulent, et ils ne font rien. Ce mépris, qui, lorsqu'il n'a pas la paresse pour cause, sert beaucoup à l'élévation des âmes, inspirait à Jésus des apologues charmants: «N'enfouissez pas en terre, disait-il, des trésors que les vers et la rouille dévorent, que les larrons découvrent et dérobent; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où il n'y a ni vers, ni rouille, ni larrons. Où est ton trésor, là aussi est ton cœur [485]. On ne peut servir deux maîtres; ou bien on hait l'un et on aime l'autre, ou bien on s'attache à l'un et on délaisse l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon [486]. C'est pourquoi je vous le dis: Ne soyez pas inquiets de l'aliment que vous aurez pour soutenir votre vie, ni des vêtements que vous aurez pour couvrir votre corps. La vie n'est-elle pas plus noble que l'aliment, et le corps plus noble que le vêtement? Regardez les oiseaux du ciel: ils ne sèment ni ne moissonnent; ils n'ont ni cellier ni grenier, et votre Père céleste les nourrit. N'êtes-vous pas fort au-dessus d'eux? Quel est celui d'entre vous qui, à force de soucis, peut ajouter une coudée à sa taille? Et quant aux habits, pourquoi vous en mettre en peine? Considérez les lis des champs; ils ne travaillent ni ne filent. Cependant, je vous le dis, Salomon dans toute sa gloire n'était pas vêtu comme l'un d'eux. Si Dieu prend soin de vêtir de la sorte une herbe des champs, qui existe aujourd'hui et qui demain sera jetée au feu, que ne fera-t-il point pour vous, gens de peu de foi? Ne dites donc pas avec anxiété: Que mangerons-nous? que boirons-nous? de quoi serons-nous vêtus? Ce sont les païens qui se préoccupent de toutes ces choses. Votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Mais cherchez premièrement la justice et le royaume de Dieu [487], et tout le reste vous sera donné par surcroît. Ne vous souciez pas de demain; demain se souciera de lui-même. A chaque jour suffit sa peine [488].»
